Marcel Bloch
UN CONSTRUCTEUR HORS PAIR
Des bombardiers, des chasseurs, des avions de transport : toute une panoplie d'appareils, qui, avant la Seconde Guerre mondiale, plaça Marcel Bloch au premier rang de l'aviation française.
Quand, à la fin de l'année 1916, Marcel Bloch créa, avec son ami de collège Henry Potez, la Société d'études aéronautiques, ce jeune constructeur de vingt-quatre ans, destiné à une carrière des plus brillantes, s'était déjà forgé une solide réputation dans le domaine de l'aviation.
Parisien de naissance, fils de médecin, élevé dans le goût des arts et des lettres et doué en même temps d'un esprit curieux et inventif, Marcel Bloch se découvrit très tôt une véritable passion pour les choses de l'air. C'est au cours de ses années d'études à l'École Breguet, d'où il devait sortir avec le titre d'ingénieur électricien, qu'il eut l'occasion d'établir
ses premiers contacts avec l'aviation.
Située rue Falguière, l'école ne se trouvait pas très loin en effet du terrain de manoeuvres d'Issy-les-Moulineaux, où le jeune élève allait fréquemment voir évoluer les premiers aéroplanes conçus par les pionniers français. Curieuse prédestination : ce fut des mains du constructeur Louis Breguet, fils du fondateur de l'école, que Marcel Bloch reçut, à l'âge de
dix-neuf
ans, son diplôme d'électricien...

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Alignement de Bloch MB-200 du groupe de bombardement 1/23. Ce type d'avion sera le premier bombardier moyen du constructeur à être commandé
et produit en série aux termes du plan I de 1933. Deux cent huit machines seront livrées à l'armée de l'Air jusqu'en 1936, dont quinze seront encore dans les unités combattantes en mai 1940. A cette date l'avion était totalement périmé
et, le plus souvent, tenu en réserve.
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L'année suivante, en 1912, Marcel Bloch cédait définitivement à sa vocation en s'inscrivant à la toute jeune École supérieure d'aéronautique et de constructions mécaniques; fondée en 1909 par le colonel Roche, la fameuse « Sup'Aéro », sur les bancs de laquelle allaient passer tant de générations d'avionneurs, était déjà célèbre pour la qualité et le sérieux de
son
enseignement.
Sous la direction d'éminents spécialistes, comme le mathématicien Paul Painlevé, le colonel Renard et le commandant Dorand, directeur du laboratoire d'aéronautique de Chalais-Meudon, Marcel Bloch y acquit ses premières connaissances techniques sur la mécanique des fluides, la science des dirigeables et le principe de l'hélice.
Devenu ingénieur en aéronautique, il effectuait son service au laboratoire de Chalais, se familiarisant avec les différents prototypes militaires, lorsque la Première Guerre mondiale éclata. Détaché avec Henry Potez à la mise au point des avions de reconnaissance Caudron G.3, Marcel Bloch passa les premiers mois du conflit à en redessiner les plans en fonction des expériences acquises par les pilotes au front; il assurait parallèlement la coordination des fabrications entre les quatre usines chargées de la production des appareils.
Affecté ensuite à Buc, à la réception et aux essais en vol des avions Farman, Marcel Bloch se lança, pendant ses temps libres, dans la mise au point et le perfectionnement d'une hélice destinée au Caudron. Son camarade Potez, détaché dans le même temps à Lyon, au bureau d'études de ce même avionneur, ne devait pas tarder à venir le rejoindre.
Dès le milieu de l'année 1915 les deux hommes s'associaient, et l'hélice, qu'ils construisirent en commun, testée avec succès au centre d'essais de Villacoublay, fut reconnue apte à la production en série. Les commandes affluèrent alors de toutes parts; en quelques mois la société L'Hélice Éclair devint une des plus grosses entreprises de l'époque, ayant en particulier
le privilège d'équiper avec son matériel l'un des plus fameux avions de chasse de la guerre, le SPAD.
Travaillant en permanence sur les terrains d'aviation à la mise au point de ses hélices, le jeune ingénieur avait fini par acquérir une parfaite connaissance des appareils, de leurs caractéristiques et de leurs performances. De là à devenir constructeur il n'y avait qu'un pas : Marcel Bloch le franchit, en 1916, toujours en compagnie de son ami Potez.

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Bloch MB-152
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La Société d'études aéronautiques
L'hélice Éclair avait apporté à ses créateurs sinon la fortune, du moins une certaine notoriété, qu'ils surent exploiter pour réaliser un de leurs plus chers désirs : la construction d'un prototype.
Ayant obtenu l'appui financier d'un commanditaire, Lévy-Finger, les deux ingénieurs fondèrent à la fin de 1916 la Société d'études aéronautiques. Afin de s'assurer des rentrées d'argent régulières, la firme s'attacha dans un premier temps à construire, dans sa petite usine de Suresnes, des SPAD VII, dont la fabrication en série, déjà très rationalisée, ne posait
guère de problèmes d'outillage.
Puis l'année 1917 fut consacrée tout entière à l'étude des plans et à la fabrication d'un avion d'observation destiné à remplacer en unité le Sopwith 1 1/2 « Strutter ». Pour les besoins de l'affaire, l'équipe s'adjoignit le concours d'un mathématicien du nom
de
Coroller,
ancien comme eux de l'École supérieure d'aéronautique et futur directeur technique de la Société des aéroplanes Henry-Potez.

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Possédant une cellule robuste mais sous-motorisé, doté d'un armement puissant mais souvent capricieux, le MB-152 était l'un des principaux chasseurs en service dans l'armée de l'Air en 1940. Neuf groupes en étaient équipés, qui obtinrent 188 victoires pour la perte de quarante pilotes français.
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Le premier prototype construit, le SEA-1, muni d'un moteur Clerget de 200 ch, se révéla aux essais peu satisfaisant. Les deux projets suivants ne dépassèrent pas le stade des études. Le modèle SEA-4, destiné à un plus grand succès, était achevé à la fin de 1917. L'appareil, équipé du meilleur moteur de l'époque, le Lorraine de 375 ch, fut essayé par l'as Douchy avant d'être testé à Villacoublay puis sur le front.
Dès les premiers mois de 1918, une commande de mille SEA-4 était passée aux deux associés; la fabrication de l'appareil devait être entreprise à Angers, dans une usine de meubles mise à leur disposition par le célèbre constructeur de hangars Bessonneau. La firme fut alors rebaptisée Société Anjou-Aéronautique. Pour Bloch et pour Potez l'avenir s'annonçait bien; mais l'Armistice, signé le 11 novembre 1918 alors que le premier
avion de série
sortait des chaînes de montage, allait écourter singulièrement la carrière, qui paraissait pourtant prometteuse, du SEA-4.
Les années de paix
Une fois la paix revenue, l'industrie aéronautique française sombra dans un véritable marasme consécutif à la cessation brutale des commandes. Perdant confiance dans l'avenir de l'aviation, Marcel Bloch laissa à Potez l'exploitation de la firme fondée en commun et se tourna vers d'autres activités plus lucratives. Dix années s'écoulèrent ainsi, au cours desquelles l'ancien ingénieur de Sup'Aéro démontra ses exceptionnelles
capacités d'homme
d'affaires, d'abord dans l'industrie du meuble, puis dans la carrosserie automobile.
La création du ministère de l'Air en 1928 allait fournir à Marcel Bloch l'occasion de revenir à ses premières amours. Sous l'impulsion d'Albert Caquot, qui durant la Première Guerre mondiale avait dirigé le Service technique aéronautique, et que LaurentEynac nomma à la tête de la direction générale technique du nouveau ministère, le gouvernement se décida enfin à relancer l'industrie aéronautique.

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Le MB-131, vu à Blida (Algérie); cet avion de reconnaissance fut l'un des appareils “ modernes ” les plus touchés par la sous-motorisation dont souffrait l'armée de l'Air à la veille de la guerre. Hormis quelques unités métropolitaines de seconde ligne, seul le GR-I/61, basé en Afrique du Nord, conservera ses Bloch MB-131 après l'armistice.
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Une politique de prototypes fut inaugurée, qui visait autant à secouer l'apathie des constructeurs en place qu'à attirer de nouveau vers l'aviation des ingénieurs contraints par l'Armistice à abandonner leur profession. Séduit par les idées d'Albert Caquot, Marcel Bloch se replongea avec enthousiasme dans l'exercice de son ancien métier.
Dès les premiers jours de 1930, à la demande des services officiels, la nouvelle entreprise se lança dans la réalisation d'un prototype de trimoteur postal léger à aile haute, le MB-60.
Cet appareil, conçu par l'ingénieur Pineau et continué par Marcel Riffard, allait effectuer son premier vol à Buc le 12 septembre, huit mois à peine après sa mise en chantier. Premier de la lignée des avions Marcel-Bloch, le MB-60 présentait déjà les principales caractéristiques qui devaient en assurer la réussite, en particulier la structure entièrement métallique, formule qui à l'époque était encore considérée par beaucoup
comme tout à
fait révolutionnaire.
Les moteurs Salmson de 120 ch qui l'équipaient à l'origine furent remplacés, sur la version MB-61, par des Lorraine de même puissance. De ce dernier modèle naquit le MB-70/71; présenté au concours des trimoteurs coloniaux en 1932, cet appareil, malgré ses excellentes qualités de vol, ne fut pas retenu.

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le MB-170, triplace multirôle de 1938, ne sera jamais produit en série, mais donnera naissance au fameux Bloch 174 de reconnaissance.
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Son dérivé, le MB-120, connut au contraire un beau succès. Cet avion de transport, équipé de trois moteurs Lorraine Algol de 300 ch chacun, prit son envol en 1933; dès l'année suivante, la construction en série était entreprise, et l'appareil allait jouer un grand rôle dans le développement du réseau aérien commercial français aux colonies.
Sur les onze exemplaires probablement fabriqués, sept furent en effet mis en service par la Régie Air Afrique, fondée le 11 mai 1934. Conçu pour emporter, outre son équipage de trois personnes, jusqu'à dix passagers ou 800 kg de charge, le Bloch 120 assura jusqu'à la Seconde Guerre mondiale les liaisons postales régulières et le trafic des passagers entre les territoires d'Afrique du Nord et ceux de l'Afrique occidentale
et
équatoriale française.
En 1936 fut même inaugurée une ligne Brazzaville-Tananarive, permettant la traversée de l'Afrique de part en part. Après la suppression de la Régie Air Afrique, en septembre 1939, les Bloch 120 de la compagnie encore en service furent réquisitionnés par les forces militaires.
L'un d'entre eux, le n° 7, fut affecté au commandement de l'air en A.-E.F. et exécuta, jusqu'à son remplacement par un Potez 540 à la fin de 1941, des missions de surveillance et de ravitaillement sur tout le territoire de l'Afrique équatoriale. C'est à bord de ce même appareil que le général de Gaulle passa pour la première fois l'équateur, le 26 octobre 1940, au cours d'un voyage qui le mena de Bangui à Brazzaville.
Parallèlement aux études menées sur les appareils de transport trimoteurs, la firme Marcel-Bloch allait s'intéresser très rapidement à l'aviation de tourisme. C'est en 1932 que vola pour la première fois un petit avion sanitaire entièrement métallique, le MB-80, qui devait inaugurer la série des appareils légers mis au point par la société.
Objet d'un marché de prototypes répondant aux spécifications définies par le médecin-commandant Quemener et l'ingénieur Suffren-Hébert, ce petit sanitaire à aile basse, doté d'un moteur Lorraine 5 Pc de 120 ch, pouvait transporter, avec son pilote, un blessé couché. Sur la version 81, commandée, la même année 1932, à vingt exemplaires pour l'armée de l'Air, fut adapté un moteur Salmson 9 Nc de 135 ch, plus puissant que le
précédent.

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le trimoteur MB-60, qui fut le premier appareil à porter l'appellation Marcel-Dassault, était destiné, en 1930, à la postale de nuit.
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Ainsi équipé, le MB-81 se révéla un modèle d'endurance et rendit les plus grands services aux colonies jusqu'au déclenchement du deuxième conflit mondial; l'un de ces appareils fut même utilisé au cours de la guerre, dans la formation de transport des Forces aériennes françaises libres, créée en septembre 1941 sous les ordres de Marmier.
L'avion sanitaire MB-81 devait donner naissance au modèle 141, petit biplace de tourisme qui effectua son premier vol en juillet 1934 avec aux commandes Zacharie Heu, chef pilote de la firme. Cette version civile du MB-81, sur laquelle on avait adapté un moteur plus sûr, l'Hispano-Suiza 5 Q de 150 ch, devait devenir, dans l'esprit de son constructeur, l'«Hispano de l'air» de l'époque.
Conçu pour satisfaire une petite clientèle de choix, l'appareil, avec une vitesse de pointe de 260 km/h et une autonomie de 1 500 km, alliait à des qualités de vol incontestables des équipements intérieurs d'un luxe et d'un confort sans égal. Afin d'assurer le lancement publicitaire du modèle, la firme offrit le prototype du Bloch 141 à la tombola des anciens de Sup'Aéro ; mais cet appareil, manifestement en avance sur son
temps,
n'obtint aucune commande et ne donna lieu à aucune production de série.
Les autres modèles de tourisme conçus par Marcel Bloch ne furent guère plus chanceux que le 141. Présenté au Challenge international des avions de tourisme en 1932, le MB-90, biplace à voilure haute contreventée par deux paires de mâts, se trouva disqualifié, pour des raisons d'ordre purement technique, sans même avoir pu prendre part à la course.
L'appareil, équipé d'un moteur anglais Gipsy III de 120 ch, suscita pourtant beaucoup d'intérêt parmi les spectateurs, car les performances annoncées 220 km/h, plafond de 6 000 m semblaient fort séduisantes. Un MB-91 effectua l'année suivante une tournée en Afrique du Nord, piloté par Demazières; mais l'avion ne devait pas connaître plus de succès que son prédécesseur.
Avec le MB-100, quadriplace de formule identique, présenté au Salon de la qualité française en 1933, s'achevait, dans l'oubli, la série des avions d'affaires avant la lettre conçus par Marcel Bloch.
A l'assaut de l'armée de l'air française
Considérant que l'aviation de tourisme ne présentait pas de débouchés satisfaisants — tant s'en fallait, Marcel Bloch se décida alors, dès cette année 1933, à se lancer à la conquête du marché des avions militaires.

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les MB-210 constituent en septembre 1939 la dotation principale des groupes de bombardement de l'armée de l'Air. Ils sont alors démodés; leur construction et leur livraison ont connu des retards importants : les premiers appareils sont arrivés dans les unités quatre ans après leur commande.
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Le MB-120 fut le premier grand succès commercial du constructeur. Ce robuste trimoteur, commandé en 1934 par le gouvernement français pour permettre le développement des lignes africaines, fut, grâce à sa résistance et à son endurance, un des appareils coloniaux les plus réussis de l'avant-guerre.
Premier bombardier de la marque, le Bloch 200 Bn.4 équipait encore à la déclaration de guerre plusieurs unités de bombardement françaises. L'appareil résultait pourtant d'un programme établi en 1928, dont l'objectif était le remplacement des biplans bimoteurs Le0 20 Bn.3, alors en service dans la majorité des escadres de bombardement. Modifié en 1930 et en 1932, ce programme devait aboutir à la mise au point d'un avion multiplace
gros porteur de bombardement de jour et de nuit.
Le prototype MB-200.01, équipé de deux moteurs à compresseur Gnome-Rhône 14 Krsd de 760 ch, effectua son premier vol en juin 1933. Ce monoplan de construction entièrement métallique, à aile haute cantilever, à train non rentrant caréné pouvait emporter, avec son équipage de quatre hommes, 1 200 kg de bombes sur 1 000 km. Trois mitrailleuses MAC sous tourelles, de 1 200 coups chacune, devaient assurer la défense tous azimuts
de l'appareil, qui, en pleine charge, pouvait atteindre 283 km/h.
Ces performances, tout à fait honorables pour l'époque, valurent à la firme de décrocher, dès le mois de décembre 1933, une première commande de série de trente MB-200; quatre appareils devaient être fournis par l'usine Marcel-Bloch de Courbevoie, tandis que les vingt-six autres seraient construits dans les ateliers mieux outillés d'Henry Potez, à Méaulte.
Le premier M B-200 de série, finalement doté de moteurs Gnome-Rhône 14 Kirs de 870 ch, vola en juillet 1934; à la fin de la même année, vingt avions avaient été pris en compte par l'armée de l'air française. Un nouveau marché issu du plan I, et s'élevant à quarante-cinq appareils, fut passé en septembre 1934 à la firme Potez, tandis qu'en mai de l'année suivante parvenait à la Société Hanriot, à Bourges, une commande de quarante-cinq
autres de ces bombardiers.
A cette date, trente-huit Bloch 200 avaient été livrés à l'armée de l'Air, et ces appareils équipaient les groupes de bombardement I/12 et 11/12, stationnés à Reims, ainsi que le II/22, basé à Chartres.
De mars à juin 1935 quatre marchés supplémentaires allaient être passés, aux Chantiers de la Loire à Saint-Nazaire, aux Avions Louis-Breguet à Vélizy, à la Société Henry-Potez à Méaulte, et à la Société aéronautique du Sud-Ouest (société montée par Marcel Bloch en association avec Potez) à Bordeaux. Les commandes s'élevaient alors à deux cent huit appareils, dont cent trente-six devaient être livrés à la fin de l'année, et
cinquante-deux
autres pris en compte entre janvier et juillet 1936.
Dans le même temps, quelques exemplaires du Bloch 200 avaient été cédés à la Tchécoslovaquie, qui se chargea même d'en construire sous licence un certain nombre : lors de l'invasion allemande, cent quatorze MB-200 tchèques, équipés de moteurs Walter K-14 de 750 ch, étaient ainsi sortis des usines Aero et Avia. En 1939 ces appareils faisaient partie intégrante du 5e régiment de bombardement lourd, stationné à Brno. Capturés
par
la Luftwaffe, ils furent ensuite recédés à la Croatie et à la Bulgarie.
Au début de l'année 1937, les MB-200 équipaient les vingt et une escadrilles du ler corps aérien lourd français, ainsi que l'escadrille d'El-Aouïna en Tunisie. Vingt-quatre appareils servaient en outre comme avions de commandement au sein des huit escadres de chasse. A la veille de la déclaration de guerre de 1939, quatre-vingt-douze MB-200 étaient encore en service sur les cent soixante-neuf existants : c'est avec ces avions
totalement périmés que sept des trente-trois groupes de bombardement français dont quatre stationnés en métropole durent faire face aux attaques allemandes.
Dès les premières semaines de combat, en raison des pertes subies, les Bloch 200 des 31e et 32e escadres durent être retirés du front; au mois de décembre 1939, ces unités étaient repliées à Lézignan et à Orange en vue de leur transformation sur avions modernes.

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le MB-220, un avion très réussi, est le contemporain du fameux DC-3 américain et le premier bimoteur réellement moderne réceptionné en 1936 par Air France; dix-sept appareils étaient en service en 1939.
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A partir de cette date, et sauf au Levant où une escadrille équipée de ces appareils devait participer aux combats de juin 1941, les MB-200 ne furent plus employés que sur les arrières et servirent dans les centres d'instruction et les écoles. Quelques-uns d'entre eux, capturés par les Allemands furent aussi utilisés comme avions de transport et d'entraînement.
Deuxième appareil militaire construit par la firme, le MB-210 naquit d'une spécification émise en 1932 par la Marine nationale, désireuse de remplacer ses bombardiers-torpilleurs à flotteurs Farman «Goliath ». Du Bloch 200 à aile haute, étudié pour répondre aux besoins des aviateurs, le constructeur évolua vers une version à aile basse, plus favorable à l'adaptation de flotteurs, baptisée MB-210. Une variante terrestre à
train
fixe caréné par de larges pantalons fut également présentée sous cette désignation.
Dès 1933, la fabrication de deux prototypes était entreprise. Le premier, sous l'appellation MB-210.01, équipé de deux moteurs Gnome-Rhône 14 Kdrs, effectua son premier vol, en version terrestre, au mois de juin 1934. Testé par l'armée de l'Air l'année suivante, il fut ensuite pris en compte par l'Aéronavale et poursuivit ses essais, dans sa version hydravion, au-dessus de l'étang de Berre.
Sur le second prototype, désigné MB-211 n° 1 Verdun, avaient été montés deux moteurs en ligne Hispano-Suiza 12 Ybrs de 860 ch. Exposé au Salon de l'aéronautique de 1934, le MB-210 effectua ses essais au cours de l'hiver 1934-1935, et les résultats se révélèrent si satisfaisants que l'armée de l'Air passa, dès le printemps suivant, commande de cent trente appareils.
La maison mère de Courbevoie avait reçu un marché de trente appareils; quant aux cent autres, ils devaient être construits dans les usines Potez-Bloch de Bordeaux et de Berre, ainsi que dans les ateliers Hanriot de Bourges et Caudron-Renault de Billancourt.
Le numéro un de série, piloté par Curvale, effectua sa première sortie le 10 décembre 1935. Dans sa version définitive l'appareil était muni d'un train d'atterrissage s'escamotant dans les fuseaux moteurs; équipé de Gnome-Rhône 14 Kirs/jrs entraînant deux hélices à pas variable, le MB-210, avec sa vitesse de pointe de 335 km/h à 4 000 m et son autonomie de 1000 km avec une charge de 1020 kg de bombes, se présentait comme
un
appareil aux performances tout à fait remarquables pour l'époque.
Son armement défensif se composait de trois mitrailleuses mobiles de 7,5 mm pouvant tirer chacune 800 coups. Malgré ses indéniables qualités de vol, l'appareil, en raison même de son modernisme, posa de sérieux problèmes d'adaptation aux équipages, habitués à voler sur des avions plus classiques. Par ailleurs, la faiblesse originelle des moteurs devait être la cause de nombreux accidents, qui valurent au Bloch 210 la réputation,
pourtant bien imméritée, de «cercueil volant ».

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deux MB-152 du GC-II/6 pendant la bataille de France, camouflés sous les arbres sur le terrain de Châteauroux.
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Les retards accusés dans la livraison des Bloch 210 à l'armée de l'Air devaient être considérables : à la fin de 1936, en effet, vingt-trois appareils seulement avaient été pris en compte, dont une partie équipait une escadrille du GB 11/21. Le premier appareil de série avait, lui, rejoint entre-temps l'Espagne républicaine, piloté par Lionel de Marmier.
Tandis qu'une nouvelle commande de cinquante-six avions était passée, à l'automne de 1936, auprès des usines nationalisées SNAC, SNCAN et SNCASO, un marché de vingt-quatre appareils, peu après réduit à dix, était dans le même temps établi pour le compte du gouvernement roumain. Équipés de moteurs Gnome-Rhône 14 N 10/11, ces avions furent convoyés en Roumanie en avril et juin 1938.
Soixante-sept MB-210 furent encore commandés au début de l'année 1937; mais bien que cent vingt-cinq appareils eussent été pris en compte au cours de cette même année par l'armée de l'air française, quatre groupes seulement en étaient équipés au début de 1938.
Bien plus, interdits de vol à l'automne de 1937, les avions ne purent reprendre l'air, au printemps de 1938, qu'après avoir troqué leurs anciens moteurs pour des Gnome-Rhône 14 N 10/11, plus modernes. Cent appareils supplémentaires ainsi équipés rejoignirent les rangs de l'armée de l'Air dans le courant de la même année.
A la veille de la déclaration de guerre, les deux cent trente-huit Bloch 210 existants étaient en service dans douze des trente-trois groupes de bombardement français. Envoyés dès la mobilisation sur les terrains d'opérations de la zone nord-est, les dix groupes de métropole durent être rapidement repliés vers l'intérieur en vue de leur transformation sur avions plus modernes.
Lors de l'offensive allemande du 10 mai 1940, le GB 1/28, basé à Istres, volait encore sur MB-210, tandis que le II/11, à Mas-de-Rue, commençait tout juste à percevoir des Le0 451.
Après la signature de l'armistice franco-allemand, il restait en zone occupée une centaine d'appareils, tandis qu'une vingtaine d'autres étaient stationnés en Afrique du Nord. Lorsque les Allemands envahirent la zone libre, en novembre 1942, trente-sept MB-210 s'y trouvaient toujours stockés; six d'entre eux, encore en état de vol, furent cédés à l'époque à la Bulgarie, où leur sort est demeuré inconnu.
Dernier appareil militaire mis au point par la firme avant sa nationalisation, le MB-130 en fut aussi le modèle le moins satisfaisant. Conçu pour répondre à une spécification émise par les services officiels en 1933, cet avion se présentait comme une version minorisée du MB-210. Il devait à l'origine comprendre les caractéristiques propres au BCR, ce multiplace tous usages défini par l'armée de l'air française, et qui se
voulait
la réplique du croiseur aérien imaginé par le général italien Douhet.
Le prototype, dont le premier vol eut lieu au cours de l'été de 1934, allait, après avoir subi de nombreuses transformations, être finalement abandonné au profit d'une variante affinée et modernisée. Propulsé par deux moteurs Gnome-Rhône 14 Krs, le MB-131 décolla pour la première fois, aux mains de Curvale, dans le courant du mois d'août 1936.
Choisi finalement pour équiper les groupes de reconnaissance de l'armée de l'Air, ce grand appareil de plus de 20 m d'envergure atteignait tout juste les 350 km/h, tandis que son autonomie, avec 800 kg de bombes en soute, ne dépassait pas 450 km. De plus, l'avion était mal défendu par trois postes de tir, dont l'un, situé sous la partie ventrale, était rendu totalement inefficace du fait de la position acrobatique que devait
adopter le mitrailleur.

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l'hydravion bimoteur MB-480 répondait à un marché de 1937 réclamant un “ éclaireur de combat pour la Marine. L'appareil fut abandonné deux ans plus tard en même temps que son programme, l'Amirauté ayant reporté son choix sur des appareils terrestres.
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Malgré tous ses défauts, le MB-131 fut commandé à cent trente-neuf exemplaires, au titre du plan V, en 1938. Des moteurs Gnome-Rhône 14 N 10/11 plus puissants furent montés sur les appareils de série, portant à 385 km/h la vitesse maximale de l'appareil. Des retards considérables furent là encore enregistrés dans la livraison; au 1 er janvier 1939, en effet, cinquante et un appareils seulement avaient été réceptionnés par
l'armée
de l'air française.
A la veille de la déclaration de guerre, cent neuf MB-131 étaient en service dans sept groupes de reconnaissance. Mis à la disposition de la Ire armée aérienne dès les premiers engagements, ils se révélèrent totalement incapables de tenir tête aux Bf-109.D et E de la Luftwaffe et durent être rapidement retirés du front. Après la signature de l'armistice, quelques-uns de ces appareils furent encore utilisés en Afrique du Nord
par l'armée de l'air de Vichy.
Les avions de ligne gros porteurs
Si, pour satisfaire aux exigences de l'armée de l'Air, la firme s'était plus particulièrement tournée, depuis 1933, vers la construction d'appareils militaires, elle n'en avait pas pour autant totalement abandonné le marché des gros porteurs civils.
Dès 1935 en effet, pour répondre à un appel d'offres lancé par la Compagnie Air France, elle entreprenait, dans les ateliers de Courbevoie, la construction d'un trimoteur commercial pouvant emporter trente passagers, le Marcel-Bloch 300. Dérivé direct du MB-210 de bombardement sorti l'année précédente, ce monoplan à aile basse de 28 m d'envergure et de 25 m de longueur était muni d'un train d'atterrissage rentrant et de volets
d'intrados.
Propulsé par trois moteurs en double étoile et à compresseur Gnome-Rhône 14 Kfrs-1 Mistral-Major de 1 000 ch de puissance, l'avion, baptisé «Pacifique», fut conduit à Villacoublay vers la mi-juillet 1935 et commença ses essais en vol, piloté par Curvale, à partir du mois de novembre. De nombreuses modifications durent être apportées à l'appareil; l'envergure en particulier fut diminuée de plus de 2 m, tandis que le fuselage,
lui, était allongé de 31 cm; de nouveaux moteurs furent également montés, ainsi qu'une nouvelle dérive.
Après avoir subi toutes ces transformations, le Pacifique obtint finalement son certificat de vol au mois d'octobre 1937, et rejoignit la flotte d'Air France au Bourget en janvier 1938. Dans sa version définitive l'appareil, qui avait reçu le sobriquet de « la Grosse Julie », pouvait emporter vingt-quatre passagers à la vitesse de croisière de 290 km/h. L'aménagement intérieur de la cabine offrait tout le confort désirable
:
à l'avant se trouvaient les huit fauteuils de première classe, séparés des « deuxième classe » par un bar.
L'ensemble, éclairé par de larges baies vitrées, était entièrement insonorisé. Comble du luxe : chaque passager bénéficiait d'une prise spéciale d'alimentation en air! Malgré toutes ses qualités, le Pacifique devait rapidement disparaître des chroniques aéronautiques, et la Compagnie Air France, pour laquelle il avait été spécialement mis au point, ne passa finalement aucune commande de série de ce modèle.
Autre dérivé du bombardier Bloch 210, le MB-220 eut par contre plus de chance que son grand frère, puisqu'il devait être construit à seize exemplaires. Cette seconde version civile du MB-210, équipée de deux moteurs Gnome-Rhône 14 N de 900 ch, était aménagée pour le transport de seize passagers. Réalisé en 1936 à la demande d'Air France, l'appareil était un monoplan à aile basse cantilever, muni d'un train d'atterrissage
escamotable;
sa vitesse de pointe avoisinait les 360 km/h.
Avec ses deux cabines insonorisées, son bar, ses lavabos, ses vastes soutes à bagages, le 220 allait représenter l'avion standard de la compagnie, qui l'utilisa pendant de longues années pour l'exploitation de son réseau continental et intercontinental. Une version équipée de moteurs Wright Cyclone et baptisée MB-221 assura même, après la Libération, le transport des passagers sur la ligne Paris-Londres.
Le Front populaire et la nationalisation de la firme
L'année 1936 devait marquer un grand tournant dans l'histoire politique et économique de la France. Trois mois après la réoccupation de la Rhénanie par les Allemands, un gouvernement de Front populaire accédait au pouvoir. Le régime de Hitler se montrait chaque jour plus agressif, et il ne faisait plus de doute désormais que la guerre approchait, inéluctablement; dans l'esprit des dirigeants français, le réarmement devenait
donc une nécessité qui ne souffrait plus d'être reportée. Mais l'industrie de guerre française, éparpillée en une multitude de petites entreprises, se montrait totalement incapable de faire face au rythme des commandes imposées par la situation.

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avec un plafond pratique de plus de 10 000 m et une vitesse maximale de 525 km/h, le MB-174 était le meilleur appareil de reconnaissance français en 1940. Ses performances en faisaient un gibier difficile à atteindre pour la chasse allemande. Cinquante exemplaires furent construits avant l'armistice, qui n'équipèrent que partiellement quatre groupes de reconnaissance.
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C'est pour remédier à cet état de choses que fut votée, le 11 août 1936, la loi sur la nationalisation des établissements se livrant à la fabrication ou au commerce des matériels de guerre. L'aéronautique, au même titre que les autres industries d'armement, allait subir de profonds bouleversements.
Le 16 novembre 1936 les usines Marcel-Bloch étaient regroupées avec la Société Blériot-Aéronautique au sein de la Société nationale de constructions aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO), dont le capital symbolique de 100 000 francs se trouvait pratiquement concentré aux mains de l'État, principal actionnaire. Marcel Bloch conservait cependant, à titre privé, vingt-cinq actions, tandis que son ami Henry Potez s'en voyait attribuer
une seule.
Le constructeur devenait en outre l'administrateur délégué de la nouvelle entreprise nationalisée. Un mois plus tard était créée, parallèlement à l'entreprise d'État, la Société des avions Marcel-Bloch, au capital de deux millions de francs. Cette société privée, dont le fondateur était à la fois le seul administrateur et l'unique actionnaire, faisait office de bureau d'études pour la mise au point et la construction d'appareils
militaires; son financement se trouvait assuré grâce aux redevances versées par l'État au titre de l'entreprise nationalisée.
Dans le courant du mois de janvier de l'année suivante, la plupart des usines possédées par l'ancienne firme étaient rachetées par l'État, à l'exception toutefois des ateliers de Saint-Cloud, qui, à titre privé, devaient se consacrer à la fabrication de moteurs et d'hélices.
Ainsi les nationalisations, tout en modifiant profondément les structures de l'entreprise, n'en permettaient pas moins à l'ancienne maison de poursuivre son existence, puisque les appareils produits par la SNCASO allaient continuer à sortir sur le marché sous l'appellation Marcel-Bloch.
Ainsi réorganisée, l'entreprise devait dans un premier temps se consacrer de nouveau à la mise au point d'un prototype d'appareil de chasse dont les plans, conçus quelques mois plus tôt, avaient été plus ou moins laissés en sommeil.
La lignée des chasseurs Bloch
La conception du prototype MB-150 de chasse était en effet bien antérieure à la loi de nationalisation. L'appareil, issu des spécifications émises en juillet 1934 par le ministère de l'Air, avait vu le jour en même temps que ses concurrents : le Loire 250, le Dewoitine D-513, le Nieuport 161 et le Morane-Saulnier MS-405. Projeté par l'ingénieur Roussel, ce monoplan propulsé par un moteur en étoile Gnome-Rhône 14 Kfs, et dont
la construction avait été entreprise dans l'usine de Courbevoie au mois de novembre 1935, allait être finalement refusé par le ministère de l'Air qui lui préféra, en juillet 1936, le MS-405.
Les études, reprises au début de 1937, aboutirent, après modifications successives, à la mise au point d'un nouvel appareil de 10,32 m d'envergure, muni d'un train d'atterrissage escamotable Messier, et équipé d'un moteur Gnome-Rhône 14 N 7. Le MB-150.01 ainsi transformé effectua ses essais en février 1938, et quoiqu'il n'ait pas pu atteindre les performances escomptées, sa vitesse en particulier ne dépassait pas 434 km/h,
au
lieu des 480 prévus, les services officiels, poussés par les impératifs du plan V, se décidèrent à passer une première commande de présérie de vingt-cinq appareils, portée deux mois plus tard, de façon provisoire, à quatre cent soixante-quinze avions.
Entreprise dès mai 1938 dans les usines nouvellement construites de la SNCASO à Châteauroux-Déols, la production de présérie donna naissance à un nouveau modèle, le MB-151, équipé d'un moteur Gnome-Rhône 14 N 11 de 870 ch et armé de quatre mitrailleuses d'aile MAC 7,5 mm de trois cents coups chacune.
Construit à Courbevoie, l'appareil effectua son premier vol le 8 août 1938 à Villacoublay; mais ses performances se révélèrent elles aussi insuffisantes, car le prototype ne dépassait guère 450 km/h.Malgré son esthétique parfaite, le trimoteur de transport pour trente passagers MB-300 Pacifique ne sera pas commandé en 1938 par Air France.
Dans le même temps, une troisième version de l'appareil était à l'étude à Courbevoie. Le MB-152.01, muni d'un moteur Gnome-Rhône 14 N-21 de 1 030 ch, devait commencer ses essais officiels au Centre d'essai des matériels aériens (CEMA) en février 1939, alors qu'une commande ferme était passée, portant sur soixante MB-151 et trois cent quarante MB-152. Les modèles de série furent finalement équipés d'un moteur Gnome-Rhône 14
N-35
de 920 ch pour les premiers, tandis quelles autres recevaient le 14 N-25 de 1 000 ch.
Les livraisons à l'armée de l'Air allaient poser bien des problèmes. Au 3 septembre 1939, cent vingt appareils avaient été versés en unités; mais quatre-vingt-quinze d'entre eux, n'ayant pas reçu leur hélice, se trouvaient par la force des choses cloués au sol; quant aux vingt-cinq autres, ils attendaient encore leur équipement radio et leur armement! Une escadrille d'expérimentation put cependant être montée à OrléansBricy.
Mais lorsque l'offensive allemande fut déclenchée, le 10 mai 1940, seuls neuf groupes de chasse ainsi que deux escadrilles de l'Aéronavale avaient pu être transformés sur Bloch. A la signature de l'armistice un total de 488 MB-152 avait été construit, dont 288 équipés du moteur 14 N-49. La production des Bloch 151 s'élevait quant à elle à 140 appareils; sur les vingt-cinq avions commandés par la Grèce, seuls une dizaine furent
effectivement livrés.

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MB-161 Languedoc construit après la guerre par la SNCASO (Société nationale de constructions aéronautiques du Sud-Ouest) à quelques exemplaires, qui équipèrent notamment Air France. Ici, le quatrième appareil, modifié par la Compagnie pour le transport de fret.
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Avec leurs deux mitrailleuses d'aile et leurs deux canons Hispano-Suiza 404 de 20 mm, les chasseurs Bloch acquirent une excellente réputation au combat pour leur puissance de feu, ce malgré le gel fréquent des culasses des armes à haute altitude. Mais leur vitesse nettement insuffisante les laissait à la merci des appareils allemands.
Par ailleurs, leur faible rayon d'action ne leur permit pas de rejoindre l'Afrique du Nord après la capitulation. Sur autorisation de la commission allemande d'armistice, la plupart d'entre eux équipèrent donc l'armée de l'air de Vichy; lorsque celle-ci fut démantelée, dans le courant de 1942, un certain nombre d'appareils furent transférés à l'aviation roumaine.
Outre leur production de série, les chasseurs Bloch connurent plusieurs variantes. Le MB-155, au fuselage plus allongé, reçut un moteur 14 N-49, qui porta sa vitesse maximale à 510 km/h. L'appareil, qui fut construit à une trentaine d'exemplaires, possédait en outre un rayon d'action amélioré, qui atteignait 1 050 km; il fut par ailleurs le premier chasseur à être doté d'un pare-brise blindé.
Seul de ce type, le MB-I53 était un MB-152 de série sur lequel avait été monté un moteur Pratt & Whitney R 1830. Quant à la version 157, entièrement redessinée par l'ingénieur Servanty, elle fut mise au point pendant l'Occupation. Propulsé par un moteur Gnome-Rhône 14 R de 1700 ch, le MB-157 devait se révéler comme le chasseur à hélice français le plus rapide de son époque.
Le prototype, piloté pour la première fois par Heu à Mérignac, en mars 1942, atteignit en effet la vitesse incroyable de 700 km/h. Saisi par les Allemands lors de l'invasion de la zone libre, l'appareil devait finir ses jours en mai 1944, détruit au sol par un bombardement allié.
Autre chasseur mis au point par les bureaux d'études de Marcel Bloch, le MB-700, qui répondait à une spécification émise en 1936 par le ministère de l'Air, était un appareil tout en bois dessiné par l'ingénieur Herbemont et construit par la SNCASO à Suresnes. Le prototype, qui vola pour la première fois le 19 avril 1940, ne devait jamais recevoir son armement. L'avion, équipé d'un moteur Gnome-Rhône 14 M-6 de 700 ch, fut
détruit
par les Allemands sous l'Occupation.
La série des MB-160
Nés en pleine période de nationalisations, les appareils de la famille 160 furent, avec le bombardier léger MB-I35, les seuls avions quadrimoteurs conçus par les bureaux d'études de Marcel Bloch. Premier de la série, le MB-160 avait été spécialement mis au point pour les besoins de la compagnie Air Afrique.
Réalisé en 1937, cet avion de transport équipé de quatre HispanoSuiza 12 Xdrs de 690 ch fut testé à l'occasion de la course Istres-Damas-Paris, où il fut, comme tous les autres concurrents français, nettement surclassé par les trimoteurs italiens Savoia-Marchetti SM-79.
La version coloniale, prévue pour le transport de dix passagers, et qui devait être construite à trois exemplaires, fut transformée, à la demande d'Air France, en version continentale pour trente-trois places; le prototype, entièrement remanié et rebaptisé MB-161, effectua ses premiers essais en 1939. Définitivement mis au point après la Libération par la SNCASO, l'appareil, sous l'appellation Languedoc, fut construit en
petite
série pour Air France, l'armée de l'Air et l'Aéronautique navale.
Version militaire du 160, le MB-162, à quatre moteurs Hispano-Suiza 14 A.A. de 1 120 ch, dont la maquette en grandeur fut exposée au Salon de 1938, ressemblait fort au bombardier américain B-17. Conçu beaucoup trop tard, l'appareil ne devait en fait jamais voir le jour.
La série des MB-170
Répondant à un besoin qui se fit sentir à peu près en même temps au sein des principales aviations militaires, la famille des Bloch 170 était destinée à pourvoir l'armée de l'air française d'avions intermédiaires entre les bimoteurs Potez 63 ou Breguet 690, trop légers, et les bombardiers moyens Le0 45 ou Amiot 354, trop gros; ces différents appareils se révélèrent en effet très rapidement incapables d'accomplir certaines
missions
demandées au cours des combats, comme l'attaque au sol ou la reconnaissance stratégique.
Mis au point par Deplante, le MB-170.01, premier avion de la famille, effectua son premier vol en février 1938 et fut suivi de près par un deuxième prototype, spécialisé uniquement dans le bombardement. Les appareils étaient équipés tous deux de moteurs Gnome-Rhône 14 N.
Si les versions MB-171, 172 et 173, conçues pour accomplir divers types de missions, ne dépassèrent pas le stade des épures, la variante 174, prévue pour la reconnaissance stratégique, fut quant à elle définitivement adoptée après que le prototype eut effectué son premier vol, le 5 janvier 1939.
Une commande de cinquante MB-174 fut signée par le ministère de l'Air au mois de février, et le premier avion de série vola le 5 novembre 1939, équipé de moteurs Gnome-Rhône de 1 030 ch. Une variante de ce modèle, le MB-175, fut étudiée dans le même temps : le prototype était mis au point dès décembre, et le premier avion de série livré à l'armée de l'Air en avril 1940.
Équipé d'appareils de prises de vues aériennes, l'avion de défense emportait un pilote, un observateur et un mitrailleur. Bien que pourvu d'un poste de tir, le MB-174 devait en fait sa plus grande protection à sa vitesse, qui avoisinait 530 km/h.
A l'armistice de juin 1940, à peine une cinquantaine d'appareils étaient sortis d'usine. Seul groupe à être entièrement équipé de ces avions, le GR II/33, au sein duquel combattait le capitaine Antoine de Saint-Exupéry, avait reçu ses trois premiers MB-174 le 19 mars. Replié en Afrique du Nord, le GR Il/33 poursuivit la lutte jusqu'en 1943, et les appareils restants furent reversés en juin à l'École d'application du personnel
navigant à
Marrakech.
Version offensive du MB-174, le MB-175 équipa en particulier le GR 11/52. Transférée elle aussi en Afrique du Nord, cette unité devait conserver ses appareils jusqu'au 8 novembre 1942, date à laquelle ils furent détruits lors de l'attaque du terrain d'Oran-La Senia par l'aviation alliée.
Durant l'Occupation, les Allemands relancèrent à leur profit la fabrication du MB-175, et plusieurs dizaines de ces avions équipèrent même les centres d'entraînement de la Luftwaffe. Une variante 175 T Torpilleur fut commandée par la Marine à cent exemplaires en 1945. Construits dans l'usine de Déols, les appareils vinrent, au fur et à mesure de leur sortie, équiper la flottille 6.F à Agadir et l'escadrille 10.S basée à Saint-Raphaël.
Le MB-174 devait être le dernier grand avion de combat mis au point et produit en série au cours de la Seconde Guerre mondiale par les bureaux d'études et les ateliers de Marcel Bloch. Victime des persécutions raciales, le constructeur, assigné à résidence surveillée en Auvergne par le gouvernement de Vichy, fut finalement arrêté par la Gestapo en 1944 et déporté à Buchenwald.
Libéré par l'arrivée des troupes américaines en 1945, le grand constructeur se remit presque aussitôt à l'ouvrage, lançant, dans son usine modèle de Saint-Cloud, épargnée par les Allemands, la production en série d'hélices destinées à équiper ses futurs appareils.
L'année 1946 devait marquer la rentrée officielle de Marcel Bloch dans la compétition aéronautique : cette année-là en effet, au Salon de Paris, étaient exposées, à côté des moteurs et des hélices Marcel-Bloch, les photographies d'un nouvel appareil, le MB-303, qui venait d'accomplir ses premiers essais en vol à Bordeaux-Mérignac.
Un an plus tard le constructeur adoptait officiellement le nom de Marcel Dassault, nom de résistance utilisé par son frère, général d'armée, pendant la guerre. Le MB-303, rebaptisé Marcel-Dassault 315, le futur Flamant de l'armée de l'air française, inaugurait brillamment la nouvelle génération des appareils mis au point par le prestigieux constructeur.
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