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Bataille d'Angleterre

 

Le plan d'invasion conçu par Hitler misait sur la démoralisation de la Grande­Bretagne.

 

Malheureusement pour lui, l'Angleterre à laquelle il s'attaqua n'était plus celle qui avait abandonné la Tchécoslovaquie à Munich.

Sa volonté de survie ranimée et fortifiée par Churchill, son leader dans cette guerre, elle réalisa que le destin du monde occidental reposait sur son aptitude à faire preuve de courage au sol et d'agressivité dans le ciel.


1940

1er août - Hitler décide la Bataille d'Angleterre en signant l'ordre sui­vant: « Les forces aériennes du Reich écraseront celles de l'ennemi avec tous les moyens dont elles disposent, et ce, dans les plus brefs délais.

13 août - «Le Jour de l'Aigle»: la Luftwaffe engage l'offensive aérienne contre la Grande-Bretagne. Les Alle­mands effectuent 1 485 missions, au prix de 45 avions, contre 13 pour la RAF.

15 août - Point culminant de la Bataille d'Angleterre. La Luftwaffe effectue 1 790 missions sur l'Angleterre et perd 75 appareils contre 34 pour la RAF.

17 août - L'Allemagne crée une zone d'opérations» autour des îles Britanniques. Tous les navires y pénétrant seront coulés sans sommation.

25 août - Premier raid aérien de la RAF sur Berlin.

3 septembre - La Grande-Bretagne cède aux Etats-Unis des bases aux Antilles et ailleurs, en échange de 50 destroyers.

7 septembre - Quelques 300 bombar­diers allemands escortés de 600 chas­seurs remontent l'estuaire de la Tamise et bombardent les docks de Lon­dres.

13 septembre - Les troupes italiennes pénètrent en Egypte.

15 septembre - La RAF prétend avoir abattu 183 avions lors des raids allemands de la journée sur la Grande­Bretagne. II a été prouvé par la suite que ce chiffre était nettement exagéré. 17 septembre- Hitler ajourne jusqu'à nouvel ordre» l'opération Lion de Mer.

23/25 septembre - Britanniques et Français libres tentent de s'emparer de Dakar.

12 octobre - L'opération « Lion de Mer» est remise à 1941.

 

Le moment approche du grand assaut de la Luftwaffe

 

Dès le tout début de la guerre, la Grande­Bretagne s'attendait à une puissante offensive aérienne allemande. Dans cette crainte, les mères de famille et les enfants avaient été éloignés des grands centres urbains, l'occultation des lumières avaient été imposée et les autorités avaient distribué masques à gaz et abris type Anderson.

Des milliers de lits d'hôpital avaient aussi été rendus disponibles. Mais ni l'automne ni l'hiver de 1939 n'avaient vu la moindre action ennemie, à l'exception de quelques mouillages de mines et de quelques raids aux abords des bases navales d'Ecosse et sur des convois en mer du Nord. Rien n'avait encore troublé l'étrange quiétude des îles Britanniques.

Cette situation se prolongea jusqu'au printemps de 1940, alors que la guerre se déchaînait partout en Europe occidentale. Aussi bizarre que cela ait pu paraître à l'époque, cette immunité apparente de la Grande-Bretagne n'était pas sans raisons. La RAF n'avait pas lancé d'offensive aérienne stratégique sur l'Allemagne pendant la « Drôle de guerre », de peur de représailles alors que la supériorité aérienne n'était pas du côté des Alliés.

La Luftwaffe s'était elle aussi abstenue.

Elle ne pensait pas obtenir de résultats décisifs d'une action engagée à partir des aérodromes allemands, et ses moyens étaient largement engagés pour l'appui aérien des forces terrestres.

Cette mission de soutien, la Luftwaffe l'avait accomplie de façon spectaculaire en Pologne et, lors de l'offensive à l'Ouest, elle l'avait conduite avec la même efficacité contre la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique et la France.

Elle n'avait pas dispersé son poten­tiel offensif en actions intempestives contre les îles Britanniques.

La luftwaffe attaque le Figther Command sur une base de chasse, un Spitfire dans son abri bétonné merlonné échappe à une attaque à basse altitude

Cette sorte d'inaction volontaire cessa dès l'entrée des troupes allemandes dans les rui­nes fumantes de Dunkerque. Moins de 48 heures plus tard, dans la nuit du 5 au 6 juin 1940, la Luftwaffe concrétisa l'intérêt qu'elle portait au territoire des îles Britanniques. Cette nuit-là, et la suivante, 30 bombardiers allemands franchirent la côte est pour tâter les défenses des aérodromes et d'autres objectifs. Ensuite, il se fit une pause tandis que les armées allemandes attaquaient en France face au sud, avec le sou­tien de la Luftwaffe.

La pause dura jusqu'à la demande d'un armistice par le gouvernement Pétain. Dans les heures suivantes en effet, l'aviation allemande reprit ses opérations de nuit contre l'Angleterre. De ce jour à celui de la grande offensive aérienne du mois d'août, les Allemands ne cessèrent d'envoyer des bombardiers (jusqu'à 70 à la fois) à l'attaque d'objectifs très sélectifs en Grande-Bretagne.

L'idée était de familiariser les équipages avec les opérations de nuit, et l'emploi des aides radio à la navigation, de reconnaître les défenses anglaises, et de maintenir une certaine pression sans trop de pertes (un ou deux avions par nuit) jusqu'à la remise en état des aérodromes de France, de Belgique et des Pays-Bas occupés, bases de départ indispensables pour une offensive d'une grande envergure.

Et puis, il subsistait toujours une chance du moins Hitler le croyait-il que cette dernière opération ne fut pas finalement nécessaire. Au moment même où le Führer faisait hâter les préparatifs de la phase suivante des hostilités, il procédait à de discrets sondages sur les chances d'une paix négociée.

Cette phase suivante, invasion ou occupation de l'archipel britannique, n'avait pas été jusqu'alors sérieusement étudiée par les Allemands. La rapidité comme l'amplitude de leurs victoires sur le continent avaient surpris les plus optimistes, et Hitler le premier.

Dès l'automne 1939, le G.Q.G. allemand avait accordé une certaine attention au problème de l'invasion de la Grande-Bretagne, mais le projet ne devint réellement d'actualité que le 20 mai 1940, quand les troupes allemandes eurent atteint les côtes de la Manche. Dès cette date, la Kriegsmarine se mit sérieusement au travail, de peur de se voir prise en défaut par Hitler.

L'intérêt de la Wehrmacht ne se manifesta vraiment qu'après l'effondrement total de la France. Le 2 juillet, Hitler donna l'ordre formel de préparer les plans d'invasion - plans d'opportunité seulement pour l'instant. Le 19 juillet il rendit publique son offre de paix, qui fut rejetée le 22.

Si les Allemands voulaient bénéficier en 1940 de la saison propice à la traversée de la Manche, tous leurs états­majors devraient formuler et faire accepter leurs plans dans des délais extrêmement réduits, difficulté qui frappa immédiatement les responsables militaires, mais ne semble pas avoir été perçue par Hitler qui répétait à ses courtisans que seule une élimination rapide de la Grande-Bretagne lui permettrait d'accomplir l'œuvre majeure de sa vie, l'attaque de la Russie.

Aussi, le 31 juillet, au mépris du manque visible d'enthousiasme des chefs de l'armée et de la marine, le Führer donna l'ordre préparatoire à l'invasion, opération qui reçut le nom de code de « Seelôwe » (Lion de Mer), fixée en principe au 15 septembre. Dès le lendemain, ler août, il diffusa une directive concernant le seul aspect de l'entreprise sur lequel les trois armées se soient jusqu'ici mises d'accord: la phase préliminaire devait consister en la mise à genoux de la RAF. « Les forces aériennes du Reich écraseront celles de l'ennemi avec tous les moyens dont elles disposent et ce, dans les plus brefs délais ». C'est avec ces quelques mots que Hitler donna le signal de la Bataille d'Angleterre.

 

Déjà 600 missions par jour pour la RAF

 

Pendant que les plans de l'opération « Lion de Mer» prenaient tournure ainsi que ceux de l'offensive aérienne préliminaire, la Luftwaffe n'était pas demeurée l'arme au pied. A partir des aérodromes occupés, elle poursuivait le harcèlement de nuit de l'archipel, doublé à partir du 10 juillet d'un nombre croissant de raids de jour contre le trafic maritime dans la Manche. Le plus souvent, les bombardiers allemands étaient bien détectés par les radars britanniques, mais comme ces attaques étaient prononcées en limite de portée de la détection britannique, le Fighter Command était confronté à un problème difficile.

Il est juste de noter à son crédit le fait que les chasseurs de la RAF aient infligé à l'ennemi dans de telle circonstances des pertes supérieures aux leurs: du 10 juillet au 10 août 1940, les Allemands perdirent en effet 217 appareils contre 96 du Fighter Command. Mais l'effet de la pression allemande ne se mesurait pas au modeste tonnage des navires alliés coulés, il se traduisait par une charge très lourde pour la chasse britannique, obligée de fournir quel­que 600 missions par jour en limite de rayon d'action, au moment précis où la RAF s'efforçait de reconstituer ses ressources en prévision des chocs décisifs à intervenir sous peu.

Comme le déclara l'Air Chief Marshal sir Hugh Dowding, Commandant en chef le Fighter Command, au Ministre de l'Air et à l'Amirauté, la couverture aérienne perma­nente de l'ensemble du trafic maritime dans les eaux territoriales eut dépensé à elle seule la totalité du potentiel de l'aviation de chasse britannique. Ces attaques visant le trafic maritime n'étaient pourtant qu'un prélude à l'offensive aérienne prévue par la Luftwaffe. Le préala­ble nécessaire à « Lion de Mer » était d'obtenir une supériorité aérienne totale dans le ciel de la Manche et du sud de l'Angleterre.

A ce prix seulement les forces allemandes seraient en mesure de franchir le détroit, de débarquer et de maintenir leurs lignes de communica­tions avec un taux de pertes acceptable. La destruction de la RAF n'aurait pas seulement pour résultat de mettre un terme aux bombardements anglais, mais aussi de donner le champ libre à la Luftwaffe pour en finir avec la Royal Navy.

Et par delà ces objectifs, il y avait toujours présente dans l'esprit de Hitler et des grands chefs nazis l'idée que la victoire de la Luftwaffe suffirait peut-être par son éclat à venir à bout de la Grande-Bretagne, avec une reddition plus ou moins avouée. Dans ce cas, à l'invasion qui ne suscitait l'enthousiasme ni de la marine ni de l'armée allemande, se substituerait quelque chose de bien plus agréable, une sorte d'occupation pacifique.

A l'approche du moment du grand assaut de la Luftwaffe, l'ordre de bataille des forces en présence était le suivant: du côté allemand 3 « Luftflotten » (flottes aériennes), principalement la « Luftflotte II » basée en Allemagne, en Hollande, en Belgique, et dans le nord de la France, sous les ordres du maréchal Kes­selring, et la « Luftflotte 111 », aux ordres du maréchal Sperrle, basée dans le nord et l'ouest de la France. De jour, ces deux flottes menaçaient toute la moitié sud de l'Angleterre jusqu'aux Midlands inclus: de nuit elles pouvaient opérer encore plus loin.

Pour disperser les défenses britanniques et menacer l'Ecosse et le nord-est de l'Angleterre, il y avait en outre, sous les ordres du général Stumpff, une flotte aérienne d'importance plus réduite, la « Luftflotte V », basée au Da­nemark et en Norvège. Au total, cela faisait, le 10 août 1940, plus de 3 000 avions, dont 75 % normalement disponibles à tout moment, et 1 100 chasseurs, des Me 109 E pour la plupart. Cet appareil virtuellement l'égal du Spitfire de l'époque souffrait toutefois de son manque d'autonomie pour la mission de protection des bombardiers.

Pour escorter ceux-ci jusqu'à des objectifs plus lointains, pour les raids au-dessus de la mer du Nord au départ de la Norvège par exemple, la Luftwaffe disposait de quelque 300 Me-110. Mais ces bimoteurs de chasse ne pouvaient, en dépit de leur robustesse, se mesurer en maniabilité aux monomoteurs Spitfire ni même aux Hurricane.

Les 1 900 avions restants, des bombardiers pour l'essentiel, comprenaient des Hein­kel 111, avions dûment éprouvés mais un peu lents, des Dornier 17, fins mais fragiles et des Ju-88, les plus rapides et les plus récents. Sur le nombre, il y avait aussi près de 400 Ju-87 Stuka de bombardement en piqué. Le Stuka s'était forgé une véritable légende sur les champs de bataille de Pologne et de France,mais son autonomie était très réduite et il avait désormais affaire à plus fort que lui. Du côté anglais, la situation s'était bien améliorée depuis quelques semaines.

Après les lourdes pertes en Hurricane de la Bataille de France, la RAF ne comptait plus le 4 juin que 446 monomoteurs de chasse modernes, Spitfire et Hurricane, plus 36 appareils en réserve dans les dépôts. Le 11 août, à la veille de la bagarre, le Fighter Command en alignait 704 en escadron, plus 289 en réserve dans les dépôts.

La force de combat avait pratique­ment doublé pendant les 10 semaines critiques qui avaient suivi Dunkerque. Les plans du Ministère de l'Air et l'effort fantastique de l'industrie aéronautique avaient porté leurs fruits, sous l'énergique impulsion du nouveau Ministre de la Production Aéronautique, Lord Beaverbrook.

La défense se renforce

 

Au cours de ces mêmes dix semaines, le système de défense aérienne britannique, initia­lement conçu contre un adversaire décollant d'Allemagne et peut-être des Pays-Bas, fut étendu pour faire face, selon des plans préétablis, à un agresseur opérant à partir des aérodromes français et norvégiens.

Aux formations déjà opérationnelles, les «Group » n° 11, face au sud-est, n° 12 face à l'est pour la protection des Midlands, et n° 13 face au nord-est jusqu'à la hauteur du Forth, vinrent s'ajouter le « Group » n° 10 face au sud-ouest et des renforcements des moyens dans le nord-ouest jusqu'en Ulster et le nord jusqu'au bout de l'Ecosse.

Le reichsmarschall Goering(centre).

 

Ceci ne se limitait pas à la mise en place de renforts en avions de chasse et en pilotes. Il s'agissait aussi de prolonger vers l'ouest la principale chaîne des radars côtiers, de lui ajouter des stations radar spécialisées dans la détection des raids à basse altitude, d'étendre les postes de guet à vue de l'Observer Corps (observateurs à terre) vers l'intérieur pour suivre ces raids dans les comtés du sud-ouest et l'ouest du Pays de Galles. II s'agissait en plus d'aménager davantage de pistes aux exi­gences de l'aviation de chasse, d'y implanter des canons de DCA, des projecteurs, et d'établir de nouveaux barrages de ballons.

Et ceci n'était que la partie purement aérienne de l'effort, car simultanément, les ha­bitants du sud de l'Angleterre, le plus souvent sous l'uniforme des volontaires du nouveau Corps de Défense Locale, construisaient à la chaîne emplacements d'artillerie et abris bé­tonnés pour mitrailleuses, tout en assurant une garde vigilante de l'aube au crépuscule en prévision d'un débarquement de parachutistes allemands.

La défense aérienne de l'archipel s'élargit et se renforça donc très rapidement. Elle soufrait cependant toujours de déficiences graves. Sur les 120 escadrons de chasse jugés indispensables par le Directeur des Opérations dans l'espace aérien national (Direction of Home Operations) au Ministère de l'Air, Dowding en avait reçu à peine 60, dont 8 inutilisables contre des Me-109 car dotés de Blenheim et de Defiant complètement sur­classés.

Officier de marine anglais(centre).

 

Sur les 4 000 pièces d'artillerie AA estimées nécessaires même avant la nouvelle situation créée par les conquêtes allemandes, le commandement de la défense antiaérienne en avait reçu moins de 2 000. Les systèmes de détection lointaine et de guet à vue n'assuraient toujours pas une couverture totale dans l'ouest et sur une partie de l'Ecosse. Il y avait surtout pénurie de pilotes de chasse, et la production d'avions neufs dépassait la ca­dence de sortie des écoles de pilotage.

Ces déficiences déjà graves de jour pre­naient de nuit un caractère alarmant. Les chasseurs de l'époque ne demeuraient opérationnels que par clair de lune. Et les observateurs des réseaux de guet à vue n'avaient à leur disposition, à la place de leurs excellentes jumelles de jour, que des détecteurs acoustiques inefficaces.

La Grande-Bretagne disposait, c'est vrai, de quelques atouts supplémentaires non men­tionnés jusqu'ici, dont le Coastal Command de la RAF qui, à côté de sa mission principale de reconnaissance en mer, était en mesure de participer à des actions offensives, et le Bomber Command, dont la plupart des appareils n'étaient opérationnels en sécurité que de nuit, mais sans grande probabilité de pouvoir trouver et détruire dans l'obscurité les objectifs un peu éloignés.

Les bombardiers de jour, une centaine de Blenheim, capables d'une précision bien meilleure, ne pouvait être employés sans une escorte de chasse qui ne dis­posait que d'une faible autonomie - ceci en admettant qu'on ait pu lui affecter les quanti­tés voulues de Spitfire et de Hurricane.

Mais, contre des objectifs rapprochés comme les aérodromes, les ports et le trafic maritime du bord de la Manche, cette force de bombarde­ment pouvait jouer un rôle essentiel. Contre des objectifs lointains son efficacité demeu­rait très problèmatique en 1940.

En somme, les forces en présence comptaient du côté allemand quelque 1 900 bombardiers appuyés de 1 100 chasseurs, contre 700 chasseurs assistés dans une certaine mesure par 350 bombardiers du côté britannique, ceci sans tenir compte des appareils de reconnaissance et des unités demeurées stationnées en Allemagne. L'agresseur bénéficiait à la fois de la supériorité du nombre et de l'initiative tactique. II pouvait frapper n'im­porte où dans la limite de son rayon d'action, tandis que la RAF ne pouvait que réagir à ses initiatives.

Mais le système de défense aérienne bri­tannique, encore qu'incomplet, était techniquement à l'époque le meilleur du monde. La chaîne des radars permettait la détection lointaine (ceux du secteur sud-est pouvaient détecter les formations ennemies avant même qu'elles aient franchi les côtes de France), le suivi des raids au-dessus du territoire national était assuré par le réseau du guet à vue.

Le contrôle opérationnel des chasseurs britanniques se faisait à partir du sol en utilisant le flux des informations reçues, grâce aux comptes rendus permanents de position des pilotes. Tout avait été conçu pour économiser les dis­pendieuses couvertures de chasse en alerte en vol et favoriser un emploi des moyens économique et efficace. Toute patrouille de chasse recevant l'ordre de décollage avait de bonne chances de réussir une interception.

Autre facteur favorable aux Anglais, l'of­fensive de la Luftwaffe était en grande partie improvisée, et son chef, Goering, à côté de qualités certaines, faisait preuve d'une vanité délirante et était bien loin d'avoir la classe de son homologue britannique, ni son niveau de connaissances.

L'honnête et rigoureux Dowding, à la tête du Fighter Command depuis sa création en 1936, l'homme dont l'opiniâtreté avait permis en dépit des clameurs de préserver le potentiel de la chasse britannique contre un inutile gaspillage dans le ciel de France, cet homme savait son métier. Goering à l'opposé, plus politicien qu'aviateur, connaissait mal le sien.

Il exerçait en théorie une autorité totale sur le contrôle et la coordination de toute l'offensive, mais se révélait en réalité incapable d'interventions autres que ponctuelles. A l'échelon au-dessous se trou­vait Kesselring, le commandant de la force d'attaque principale, la Luftflotte II. Malgrè ses succès en Pologne et en France, c'était lui aussi un novice dans ce nouveau type d'opérations.

L'Air Vice-Marshal Keith Park au contraire, qui commandait la principale force défensive, le Group 11, avait été le bras droit de Dowding à l'état-major du Fighter Command, et les deux hommes ne pensaient qu'à ce problème depuis des années. Leur habilité manœuvrière, leur expérience et leur abnégation, à l'image de celles de leurs pilotes, firent beaucoup pour compenser l'infériorité numérique des Anglais.

Opération « Adler »

 

Le 10 août, les 3 Luftflotten étaient prêtes pour l'assaut décisif, l'opération «Aigle (Adler, en allemand) dont l'objectif était d'éliminer la RAF du ciel du sud de l'Angle­terre. Selon les prévisions de l'état-major de la Luftwaffe, il faudrait quatre jours pour écraser la défense aérienne britannique au sud de la ligne Londres-Gloucester et quatre semaines pour anéantir la RAF en tant que force de combat.

Avec un créneau de dix jours de plus pour permettre à la Kriegsmarine d'achever ses opérations de mouillage de mines et autres préparatifs, le Jour J de l'invasion put être fixé à la mi-septembre.

Le 11 août, le temps fut très nuageux et l'activité aérienne allemande se limita à un bombardement sur Portland et à quelques attaques sur le trafic maritime à l'est de l'archipel. Le lendemain, les Britanniques pu­rent avoir le sentiment qu'il se passait quelque chose d'important.

Squadron Leader . Sailor„ Malan, un ancien de la marine marchande, se classa en troisième position au palmarès des as de la RAF, avec 35 Victoires. Le n" 1 s'appelait M.T. St. John Pattle, avec 41 et le n" 2 ,lohnny Johnson. avec 38 avions ennemis abattus.

II y eut cinq ou six raids massifs et de nombreux autres plus modestes, auxquels participèrent plusieurs centaines d'avions, dont des Ju-87 sous escorte, pour frapper les aérodromes et les radars de la côté sud, ainsi que le trafic maritime dans l'estuaire de la Tamise. Sur les six stations radar attaquées, 5 furent endommagées mais une seule détruite, celle de Ventnor dans l'île de Wight, qui ne put être réactivée que le 23 août. C'était un coup dur.

Parmi les aérodromes touchés il y avait Lympne, qui n'était qu'un simple terrain avancé, mais aussi les importantes bases de chasse de Manston et de Hawkinge, dans le Kent.

Pourtant tous ces terrains étaient de nou­veau opérationnels 24 heures plus tard. Les chasseurs du Group 11 firent face à la plupart des raids et réussirent à en faire éclater un qui se dirigeait vers Manston. Les combats avaient coûté 31 avions aux Allemands, contre 22 à la RAF.

Selon les archives allemandes, le véritable « Jour de l'Aigle » était fixé au lendemain, le 13 août, qui devait marquer le début de la grande offensive. Les premiers raids décollèrent au petit matin, alors qu'un message les reportant à plus tard dans la journée ne parvenait qu'à une partie des escadrons desti­nataires.Dans l'après-midi se déclenchait une action en tenaille, la Luftflotte II attaquant le Kent et l'estuaire de la Tamise, tandis que la Luftflotte III, à laquelle s'opposait le Group 10, attaquait le Hampshire, le Dorset et le Wiltshire.

Les raids infligèrent des dégâts sévères à trois aérodromes, Eas­tchurch, Detling et Andover, dont aucun n'appartenait au Fighter Command, et l'attaque des bases de chasse comme Rochford se solda par un échec.

Les Allemands effectuèrent dans la journée 1 485 missions suivies d'un raid nocturne très efficace sur l'une des fabriques de Spitfire, à Castle Bromwich près de Birmingham.

Squadron leader Stanford Tuck. De mai 1940 à janvier 1942 il abattit 29 avions allemands, prenant la 8è place au palmarès des as de la RAF. Il fut abattu au-dessus de la France en 1942 et fait prisonnier.

Leurs pertes furent de 45 appareils contre 13 du Fighter Command (6 pilotes récupérés sains et saufs). Ce «Jour de l'Aigle » ne fut donc pas un grand jour pour la Luftwaffe, qui n'en afficha pas moins une grande satisfaction. Selon ses estimations, elle avait, du 8 au 14 août, attaqué avec succès quelque 30 aérodromes et usines d'aviation; et détruit en combat plus de 300 chasseurs britanniques. En réalité, elle en avait abattu moins de 100 pendant cette période.

Après une activité relativement réduite le 14 août, environ 500 sorties dirigées principalement contre le réseau ferroviaire côtier et les bases de la RAF, la Luftwaffe tenta le 15 août d'asséner le grand coup initialement prévu quelques jours plus tôt et qui devait donner le signal de l'offensive. Par ciel clair, les Allemands lancèrent au moins 7 raids majeurs, en coordonnant la série des actions offensives des 3 Luftflotten sur des zones d'objectifs très étendues.

Le premier choc se produisit vers 11 h 30 lorsque 40 Ju-87 de la Luftflotte II avec leur escorte attaquèrent les aérodromes de Lympne et de Hawkinge dans le Kent. Puis, vers 12 h 30, ce furent quelque Me-111 accompagnés de 35 Me-110 de la Luftflotte V, opérant à partir de Stavanger en Norvège, qui se dirigèrent vers la côte du Northumberland pour tenter de bombarder les aérodromes du nord-est.

A peine ces formations avaient-elles pris le cap du retour vers 13 h 15 qu'une nouvelle for­mation de la Luftflotte V, 50 Ju-88 sans es­corte venus de Aalborg au Danemark, ap­prochaît des côtes du Yorkshire. Un peu plus d'une heure après, vers 14 h 30 et à nouveau à 15 h, la Luftflotte II frappait à nouveau au nord de l'estuaire de la Tamise d'abord, l'aérodrome de Martlesham, puis ceux d'Eastchurch et de Hawkinge, et les usines d'aviation de Rochester.

Ce fut ensuite le tour de la Luftflotte 111. A 17 h 20 quelque 80 bombardiers fortement escortés franchirent la côte sud vers Portland, en bombardant le port, puis attaquè­rent les aérodromes de Middle Wallop et de Worthy Down. A 18 h 30 de nouveau 60 à 70 appareils de la Luftflotte II survolèrent le Kent, pour frapper les aérodromes de West­Malling et l'aérodrome et l'usine d'aviation de Croydon. Pour parachever le travail de la journée des attaques sporadiques furent ef­fectuées par quelque 60 à 70 bombardiers pendant la nuit.

Toutes ces entreprises de la Luftwaffe fu­rent énergiquement contre-attaquées. Cer­tains raids obtinrent des résultats valables, comme à Middle Wallop, à Martlesham, l'attaque de l'aérodrome de Driffield (Yorkshire) et le raid sur Croydon. Mais aucun ne passa sans être pris à partie par la chasse britannique et dans bien des cas les objectifs principaux purent être épargnés.

Mention particulière doit être faite des combats aériens dans le secteur nord-est, où le Group 13 voyait le feu pour la première fois. Il réussit l'interception des formations en­nemies ayant décollé de Norvège très loin au large des côtes. De concert avec les pièces de DCA de la Tyne et des Tees, il détruisit 8 He-111 et 7 Me-110 sans une seule perte du côté anglais. Un peu plus au sud, le Group 12 et l'artillerie antiaérienne intervenant contre les formations venues du Danemark abatti­rent 8 avions sans éprouver de pertes.

Une femme vigile de la défense passive

L'idée de manoeuvre allemande avait ainsi été mise en échec par Dowding, car malgré son Bouc de protéger contre une menace effrayante le secteur sud-est de l'Angleterre d'une im. portance vitale, il n'avait pas dégarni le norc de toutes ses défenses. Bien au contraire, li Luftwaffe découvrit à ses dépens que les attaques à travers la mer du Nord étaienl interceptées bien avant les côtes, et que dans son rôle d'escorte des bombardiers, le Me­110 se révélait très décevant face aux Spitfire et aux Hurricane. La leçon fut assez coûteuse pour dissuader les Allemands de lancer de nouveaux raids de jour à partir de cette zone.

Les combats de ce 15 août furent les plus importants de toute la Bataille d'Angleterre. L'offensive allemande atteignit son point culminant avec 520 missions de bombardement et 1 270 sorties de chasseurs, sur des objectifs s'étendant du Northumberland au Dorset. Mais les pertes furent élevées en proportion: 75 allemands contre 34 britanniques.

Ceci n'empêcha pas un effort presqu'aussi grand le lendemain, avec 1 700 missions du côté allemand, et l'attaque de nombreux terrains d'aviation (dont un raid spectaculaire sur Tangmere). La Luftwaffe perdit 45 appareils et le Fighter Command 21 : la balance demeurait favorable aux Britanniques.

La Luftwaffe change de stratégie

 

Après les quatre journées d'offensive au taux d'effort maximal qui devaient balayer la RAF du ciel de l'Angleterre méridionale, les Allemands firent leurs comptes. Selon leurs services de renseignement, le Fighter Command n'était pas anéanti, mais réduit à ses derniers 300 appareils. Evaluation très éloignée de la vérité car Dowding disposait encore ce jour-là de près de deux fois plus de Spitfire et de Hurricane, plus quelque 120 Blenheim, Defiant et Gladiator.

Mais ce résultat fit penser aux Allemands qu'avec un ou deux jours supplémentaires au même taux d'effort, la résistance britannique allait s'effondrer. Aussi, le 18 août, la Luftwaffe frappa-t-elle de toutes ses forces, les objec­tifs principaux étant les aérodromes du Kent, du Surrey et du Sussex. Mais cela lui coûta 71 appareils, contre seulement 27 à la RAF. De toute évidence, le Fighter Com­mand n'était toujours pas mort.

Pour les enfants, le remplissage des sacs de sable était un jeu nouveau

Après quelques journées d'activité réduite en raison du mauvais temps, les Allemands décidèrent leur premier changement de stratégie.

Leurs objectifs prioritaires avaient été jusqu'ici les aérodromes relativement pro­ches de la côte. Dès le 12 août ils avaient renoncé aux attaques intensives contre les stations radar pour le plus grand bien du Fighter Command jugées trop difficiles à détruire. La poursuite des actions contre les terrains d'aviation et d'autres objectifs proches de la côte avait pour double but d'en interdire l'emploi par les Britanniques pendant la phase initiale de l'invasion et, plus encore, de forcer le Fighter Command à combattre pour leur défense.

La thèse allemande misait sur l'importance des pertes ainsi infligées à la RAF, à un prix acceptable pour la Luftwaffe car les raids sur les objectifs côtiers ou proches de la côte n'impliquaient pas d'exposer trop longtemps les bombardiers aux défenses anglaises et ne posaient pas de trop gros problèmes d'autonomie aux Me-109 des escortes. Ces derniers étaient en mesure d'assurer aux bombardiers une protection maximale. La stratégie allemande initiale avait été construite sur cette thèse. Or le Fighter Command n'avait pas cédé. Il fallait donc changer de stratégie et pousser l'offensive plus loin vers l'intérieur.

Ce fut la fin de la première phase de la bataille, et la RAF s'en était tirée avec hon­neur: 363 avions allemands abattus entre le 8 et le 18 août, pour 181 chasseurs britanni­ques perdus en combat et 30 autres détruits au sol. Avec cette phase on avait assisté à la dernière tentative de raid de jour de la Luft­flotte V et au retrait du combat des Ju-87 de la Luftflotte 11, deux succès notables à l'actif de la défense.

Mais au même moment un autre aspect de l'épreuve de force causait une vive anxiété à Dowding et au Ministère de l'Air. Les 211 Spitfire et Hurricane détruits pendant ces dix jours n'avaient pas été en totalité rem­placés par l'industrie aéronautique, il s'en fallait de 40. Le Fighter Command avait perdu 154 pilotes de chasse expérimentés, et les écoles de pilotage n'en avaient « sorti » que 63, moins expérimentés que leurs an­ciens, bien entendu. Tout en infligeant à l'adversaire des pertes doubles des siennes, la chasse britannique était en réalité en train de s'affaiblir, mais fort heureusement pas au rythme prévu par l'ennémi.

La décision allemande d'aller frapper des objectifs plus lointains avait pour but d'augmenter le taux d'attrition du Fighter Command à un niveau qui puisse en garantir l'effondrement avant la mi-septembre. En faisant leur objectif principal des bases de chasse et surtout des P.C. de secteur du Group 11, chargés de la direction des interceptions de la zone sud-est, les Allemands frapperaient au cœur les défenses britanni­ques tout en obligeant le Fighter Command à jeter dans la bataille ce qu'il pouvait lui res­ter de forces. Les combats aériens en résultant releveraient le taux de pertes de la RAF à un niveau suffisant pour la mettre K.O. dans les délais fixés.

Evacués quittant Londres

Mais la Luftwaffe savait bien aussi qu'une pénétration plus profonde entraînerait pour elle-même des pertes encore plus lourdes. Pour y remédier, et pour détruire le plus grand nombre possible de Spitfire et de Hurricane, la décision fut prise de faire escorter les raids par une proportion plus forte de chasseurs.

Les P.C. de secteurs du Groupe II étaient disposés en cercle autour de Londres, pour sa protection. Au sud-ouest, en position un peu excentrée se trouvait Tangmere, près de Chichester. Plus près de la capitale, dans le sud, il y avait Kenley dans le Surrey et Big­gin Hill dans le Kent, tous les deux implantés sur les North Downs.

A l'est, près de la ville, Hornchurch se trouvait près des usines de Gagenham. Au nord-est c'étaient North Weald dans l'Essex et un peu plus loin Deb­den, près de Saffron Walden. Le cercle se bouclait à l'ouest avec Northolt, sur la route d'Uxbridge, siège du Q.G. du Group 11, lui-même à quelques minutes de voiture de celui du Q.G. du Fighter Command, à Stan­more. Chaque P.C. de secteur avait norma­lement sous son autorité trois escadrons, l'un sur la base mère et les autres sur deux terrains satellites.

Attaques à la source

 

Deux de ces P.C. de secteurs avaient déjà subi des dégâts sévères, le 18 août, Kenley et Biggin Hill. Le 24 les Allemands attaquèrent très durement North Weald et Hornchurch. Le 26 ils tentèrent de récidiver sur Biggin Hill, Kenley, North Weald et Hornchurch, n'y parvinrent pas, mais réussirent à atteindre Debden. Le 30 août ce furent deux raids sur Biggin Hill, qui firent de gros dégâts et tuèrent 39 personnes.

Peter Towsend 2ème à partir de la droite, avec des pilotes du squadron 43 en avril 1943.

Le lendemain fut la journée la plus coûteuse de la bataille pour le Fighter Command qui perdit 39 appareils et subit des dommages importants à Debden, Biggin Hill et Hornchurch.Le ler septembre, Biggin Hill subit son sixième bombardement en trois jours, et fut bombardé encore 24 heures après. Le 3 septembre, nouvelles bombes sur North Weald. Le 5 les principaux raids allemands mirent le cap une fois encore sur Biggin Hill et North Weald, mais ils furent repoussés.

Le 4 et le 6 l'offensive s'étendit aux usines Vickers et Hawker près de Weybridge. Hawker pro­duisait alors plus de la moitié des Hurricane et constituait donc un objectif d'importance vitale. Son choix était la preuve de la per­plexité des Allemands devant la renaissance perpétuelle du Fighter Command et de leur souci de couper à la source le cordon qui l'alimentait.

Du 24 août au 6 septembre, l'ennemi n'effectua pas moins de 33 raids massifs, dont plus des deux tiers dirigés contre les aérodromes des P.C. de secteurs et les autres bases du Fighter Command. Ces attaques l'éprouvèrent plus que les précédentes, diri­gées sur les objectifs de la ceinture côtière. Pour les pilotes anglais la tâche fut rendue plus difficile par la proportion sans cesse croissante des chasseurs d'escorte, et leur tactique de protection de plus en plus rapprochée des bombardiers.

Pendant toute la quinzaine, on compta chaque jour environ 1 000 avions allemands sur la Grande-Bretagne, dont 250 à 400 bombardiers. A deux reprises, les 30 et 31 août, le nombre des intrus se rapprocha de 1 500. Lors de ces combats et des opérations de nuit qui suivirent, les Britanniques abattirent 380 avions allemands, au prix de la perte de 286 de leurs chasseurs. De nombreux autres avaient été sévèrement endommagés, et 103 pilotes tués et 128 blessés sur un effectif total de 1 000. Sur les sept P.C. de secteurs du Group 11, six étaient gravement touchés, encore qu'aucun n'ait été mis hors d'usage.

Bader entouré de deux pilotes du squadron 242

Mais Biggin Hill, par exemple, ne pouvait assurer le contrôle opérationnel que d'un es­cadron au lieu de trois. Le Fighter Command épuisait ainsi peu à peu son potentiel, les pertes dépassant lar­gement la production d'avions et de pilotes, et sa victoire se transformerait en défaite si les Allemands pouvaient maintenir leur effort assez longtemps.

Ces derniers n'avaient heureusement pas prévu une bataille d'usure, ni de supporter indéfiniment de lourdes pertes, comme en témoigne leur décision du 18 août de retirer de l'affaire les Ju-87 trop vulnérables, les gardant en réserve pour la phase du débarquement, leur prudence dans l'emploi des Me-110 et leur renforcement continuel de la densité et de la proximité des escortes de chasse.

L'offensive aérienne était directe­ment liée à l'opération « Lion de Mer », et le laps de temps utilisable s'amenuisait chaque jour. Hitler lui-même en prit conscience et accepta fin août de reporter le jour J du 15 au 21 septembre. Pour respecter cette dernière date, la Kriegsmarine devait avoir reçu ses ordres d'exécution le 11 septembre, et Goering administré 1e coup de grâce à la RAF dans les quelques jours suivants. L'attaque des aérodromes de secteurs et autres objec­tifs de l'intérieur, pour fructueuse qu'elle se soit révélée, n'avait pas emporté la décision.

Les Hurricanes constituent la dotation majeure des unités.

Le 7 septembre, les Allemands adoptè­rent une nouvelle stratégie, et un nouvel ob­jectif principal, plus éloigné encore que la plupart des aérodromes de secteurs, et plus vital à leurs yeux. Il s'agissait de Londres.

 

Objectif Londres

 

Cette décision s'inspirait de trois idées. En premier lieu, des actions contre Londres susciteraient des combats aériens encore plus gigantesques, dont les Allemands at­tendaient un taux d'attrition encore plus élevé pour le Fighter Command. C'est pour cette raison que Kesselring  mais non Sperrle se montra chaud partisan de ce changement de plan. Ensuite les bombardements de la capitale, doublés de raids nocturnes contre d'autres grandes villes, auraient un effet paralysant sur l'appareil gouverne­mental dans les jours précédant l'invasion.

Peut-être même suffiraient-ils à terroriser la population au point de pousser les Anglais à la reddition. Enfin, l'attaque de la métropole aurait la valeur de représailles aux yeux du peuple allemand. La nuit du 24 au 25 août en effet, dans le cadre d'opérations isolées de routine, quelques bombes étaient tombées en plein centre de Londres. Erreur de visée ou largage d'urgence ? C'étaient les premières de toute la guerre. Churchill et le cabinet de guerre avaient ordonné des représailles immédiates sur Berlin, et les nuits suivantes des bombardiers de la RAF avaient frappé la capitale du Reich, une éventualité dont Goering avait garanti l'impossibilité au Führer.

Fou de rage, celui-ci donna l'ordre de la vengeance et avec le concours empressé de Goering la Luftwaffe fut décuplée contre son objectif suprême, Londres. Pendant la nuit du 4 septembre, des bom­bardiers allemands larguèrent des fusées éclairantes sur Londres. Les deux nuits sui­vantes, de petites formations lancèrent leurs bombes sur Rotherhithe et d'autres quartiers proches des docks. C'était la mise en train de l'opération.

Tard dans l'après-midi du 7 septembre quelque 300 bombardiers escortés de 600 chasseurs pénétrèrent par le Kent et le Sussex ou l'estuaire de la Tamise par grosses vagues successives. Quelques-uns attaquèrent les installations pétrolières de Thames­haven, qui brûlaient toujours à la suite d'at­taques précédentes. Le reste, au lieu de bombarder les aérodromes de secteurs, ob­jet de toute la vigilance des chasseurs britanniques, conserva son cap jusqu'aux faubourgs de la capitale. Bien que pratiquement tous les escadrons de chasse de la RAF mis en l'air soient parvenus au contact de l'ennemi, la majorité des assaillants put larguer ses bombes explosives ou incendiaires avant d'être prise à partie.

Le plus gros de l'attaque pesa sur le quartier des docks, à l'est de la Cité. D'énormes incendies se développèrent dans les entrepôts, à Silvertown notamment, et leurs flammes servirent de balises lumineuses aux bombardiers allemands pendant plusieurs heures consécutives.

Cette nuit-là, plus de 250 d'entre eux se relayèrent du crépuscule à l'aube au-dessus de la capitale, pour donner à quelques millions de Londoniens leur première expérience du Blitzkrieg qu'ils ne tardèrent pas à appeler le « Blitz ».

Les assaillants sont détectés par les radars.

Le point culminant de la Bataille d'Angleterre approchait. Goering prit personnellement en mains les opérations, et des formations de bombardiers basées en Norvège et au Danemark se joignirent à celles de Kes­selring pour asséner ce qui devait être le coup décisif. Mais entretemps, les préparatifs de l'invasion allemande n'étaient pas passés inaperçus. Dès le 31 août, les Spitfire et les Hudson du Coastal Command de la RAF avaient rapporté une masse de documents photographiques montrant l'accroissement numérique des chalands et autres bâtiments de débarquement dans les ports et les estuaires de la Manche. On avait observé 18 chalands de débarquement le 31 août à Oostende, le 6 septembre on en comptait 205.

Alors le Bomber Command passa à l'attaque des concentrations de moyens de débarquement. Il y employa d'abord des Blenheim en raids de jour. Le 6 septembre, les préparatifs de l'invasion étaient assez évidents pour décider les autorités britanniques à décréter le stade d'alerte n" 2 (attaque probable dans les trois jours). Le lendemain, tandis que les raids de bombardiers allemands reprenaient le cap de Londres, on pouvait penser que l'heure de l'épreuve décisive était près de sonner et le stade d'alerte passa de 2 à 1 (invasion imminente, probablement dans les 12 heures).

Dans la nuit, tandis que les bombes com­mençaient de pleuvoir sur Londres, le mot­code « Cromwell » fut transmis aux Q.G. sud et est des forces de défense territoriale, les plaçant en alerte immédiate. A cette nouvelle, quelques commandants locaux de la « Home Guard » firent sonner les cloches des églises pour rassembler leurs hommes.

Ainsi se répandit le faux bruit d'une attaque aéroportée allemande.

Les moyens de la Royal Navy furent placés eux aussi en alerte immédiate, et les Hampden, les bombardiers « lourds » du Bomber Command à l'époque, se joignirent aux Blenheim, Hudson et Fai­rey Battle pour intensifier les attaques sur les ports français et belges.

 Salle d'opérations

Les Anglais étaient donc prêts à faire face à toute éventualité dans les heures ou les jours à venir quand la Luftwaffe tenta de réitérer son opération de matraquage du 7 septembre. Le 8 le mauvais temps limita les raids de jour, mais dans la nuit la Luftflotte III réussit à faire décoller 200 bombardiers sur Londres, en ordre assez dispersé pour que le raid dure plus de 9 heures.

La zone des objectifs s'étendait désormais hors du quartier des docks pour englober l'ensemble de la capitale, avec un intérêt particulier pour les réseaux ferroviaire et d'électricité.

Le lendemain matin, toutes les voies ferrées à destination du Sud de Londres se trouvèrent pour très peu de temps hors service.

Le matin du 9 septembre, les nuages réduisirent l'activité de l'ennemi, il lui fallut attendre la fin de l'après-midi pour lancer la vague d'assaut suivante, plus de 200 bombardiers sous forte escorte de chasse, en direction de Londres.

Observateurs en action

La vigueur et la rapidité de la défense britannique empêchèrent plus de la moitié des avions ennemis de parvenir jusqu'aux faubourgs de la capitale, et la plupart des bombes tombèrent au hasard sur les comtés du sud-est. L'escadre de Duxford du Group 12, placée sous le commandement du «squadron leader» unijambiste Douglas Baader, se tailla un succès remarquable. Au total les Britanniques avaient abattu 29 Al­lemands au prix de 19 des leurs.

La nuit suivante, les choses furent malheureusement différentes, près de 200 bombardiers attaquèrent de nouveau la capitale pendant plus de 8 heures consécutives. Il y eut 400 morts et 1 400 blessés, pour des pertes négligeables pour la Luftwaffe.

Hitler reporte à nouveau le jour J

 

Le 10 septembre, le temps était à la pluie et l'activité allemande demeura réduite. A la nuit il y eut le raid quotidien sur Londres, tandis que d'autres bombardiers attaquaient le sud du Pays de Galles et le Merseyside. L'après-midi suivante il y eut une tentative de brouillage des radars britanniques, tandis que la Luftflotte III attaquait Southampton et que la Luftflotte

II envoyait trois raids massifs contre Londres. Beaucoup de bombardiers parvinrent jusqu'à la verticale de la Cité ou des docks, et la balance des pertes, 25 alle­mands pour 29 chasseurs du Fighter Com­mand, pencha pour la première fois en faveur de la Luftwaffe.

Au retour de mission certains pilotes alle­mands rapportèrent que la chasse britannique semblait diminuer d'ardeur. La Luftwaffe es­pérait encore achever sa mission, mais on était déjà le 11 septembre et le Fighter Command vivait toujours.

L'exigence d'un préavis de dix jours posée par la Kriegsmarine rendait désormais illusoire toute tentative d'invasion pour le 21 septembre, et Hitler fut amené à accorder trois jours de délai supplé­mentaire à la Lufwaffe, soit jusqu'au 14 sep­tembre, en espérant pouvoir retenir la date du 24 pour l'invasion.

Le Feldmarschall Hugo Sperrle s'entretient avec Goering

Le sort voulu que le temps des 13 et 14 septembre fut caractérisé par une visibilité médiocre, obstacle majeur à la plupart des actions offensives. Et même l'intensité des attaques de nuit demeura réduite sur un Londres dont le moral remontait avec la courbe ascendante du bruit de ses canons de DCA.

Le 14 septembre, Hitler ne pouvait que reporter sa décision au 17, ce qui repoussait le Jour J au 27, à peu près le dernier jour de la période des marées favorables, avant le 8 octobre. Cet ordre du Führer allait à l'encontre de l'avis des responsables de la marine allemande, favorables à un ajournement sine clic, expression pleine de tact pour signifier l'abandon du projet. Leur inquiétude crois­sait (en effet à la mesure de l'intensité des attaques de la RAF contre le parc des bateaux de débarquement, dont une forte proportion venait d'être détruite la nuit précédente.

La Luftwaffe s'efforça d'emporter la décision dans le court laps de temps restant à sa disposition. En dépit d'une météo défavorable, plusieurs raids frappèrent Londres dans l'après-midi du 14 septembre. Quelques pilotes allemands firent état de la faiblesse de l'opposition rencontrée, et le Fighter Command perdit autant d'appareils que l'adversaire. La nuit fut belle, mais la Luftwaffe n'envoya pas plus de 50 missions sur Londres. Elle économisait ses moyens pour la suite des opérations.

L'as de chasse britannique Bader s'entretient avec l'Air Marschal Dowding.

Le dimanche 15 septembre fut une journée de temps mitigé, nuages et éclaircies. Vers 11 heures du matin, les radars britanniques dé­tectèrent des rassemblements de formations aériennes au-dessus du Pas-de-Calais. Une demi-heure après, les raids étagés entre 15 000 et 26 000 pieds franchissaient la côte par vagues successives dirigées sur Londres.

Les patrouilles de chasse de Park les inter­ceptèrent sur tout le trajet jusqu'au-dessus de la capitale où les attendait l'escadre de Duxford du Group 12 au grand complet, cinq escadrons au total. Ce que voyant, les bombardiers allemands se hâtèrent de larguer leurs bombes au petit bonheur pour la plupart. sur le sud de Londres principalement.

Deux heures après c'était un nouveau raid massif, que les radars britanniques prirent en compte bien avant son arrivée, le livrant en proie aux chasseurs de Park qui avaient eu le temps de se ravitailler et de se réarmer. La chasse attaqua les intrus avant, pendant et après leur passage sur la capitale et là encore, les bombes allemandes furent larguées au hasard, sur la partie est de Londres cette fois-ci.

Le Junker Ju 87 engagea les opérations en attaquant les radars.

Pendant ce temps un raid moins puissant attaquait Portland, et plus tard ce jour-là, un autre raid, de quelque 20 Me-110 armés de bombes, essaya d'attaquer les usines d'aviation de Supermarine, près de Southampton, où il se heurta à l'opposition vive et décidée de l'artillerie antiaérienne.

La nuit tombée, 180 bombardiers continuèrent leurs assauts dévastateurs mais sans grande efficacité réelle sur Londres, tandis que d'autres prenaient pour cible Bristol, Cardiff, Liverpool et Manchester.

Ainsi s'acheva la journée au cours de laquelle Goering avait espéré asséner le coup de grâce au Fighter Command. La Luftwaffe avaient envoyé environ 230 bombardiers en raids de jour, avec 700 chasseurs d'escorte.


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Fan d'avions © 16 Mai, 2001