Né à Boisfort, près de Bruxelles, le 6 juillet 1892, Willy Coppens, l'as des as belges, était issu d'une famille originaire de Liège transplantée dans les Flandres. Ses parents, jugeant cette activité trop dangereuse, ne voyaient pas d'un bon oeil la passion de leur fils pour l'aéronautique, et firent tout leur possible pour s'opposer à une vocation pourtant précoce.

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Willy Coppens et deux pilotes français de la Première Guerre mondiale.
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De 1907 à 1913, Coppens construisit lui-même sept chars à voile. C'est en 1910, sur le terrain de l'Exposition de Bruxelles, qu'il eut l'occasion de voir pour la première fois s'élever dans les airs une machine pilotée par Lanser. Il participa alors à la réalisation d'un planeur avec Edmond Thomson. Une conférence du capitaine Ferber, à laquelle il assista à l'Aéro-Club de Belgique, aviva encore sa passion pour l'aviation.
En 1914, Coppens fut mobilisé au 2e régiment de grenadiers. En janvier 1915, il prit contact avec le lieutenant De Caters, testeur des élèves aviateurs belges,... mais fut affecté dans un corps d'automitrailleuses. A force de persévérance, il put enfin fouler le sol d'un aérodrome : celui de Beaumarais, près de Calais.
Là, quelle ne fut pas sa déception!... En effet, il y attendit en vain de piloter un avion. Comme bien d'autres aviateurs belges, il fut alors réduit à prendre deux mois de congé pour passer, à ses frais, son premier brevet à l'école Ruffy Baumann de Hendon, en Angleterre, où, le 3 octobre 1915, il effectua son premier vol à bord d'un biplan type Caudron.
Ses camarades portaient des noms qui devinrent par la suite célèbres (De Meulemeester, par exemple). Par la suite, il émit un jugement sévère sur cette école, où tout semblait concourir à le dégoûter de l'aviation. Le 5 décembre, après une trentaine de leçons et 3 heures 56 minutes de vol, il fut enfin lâché.
Ayant en poche son brevet (n° 2140), il fut affecté à l'école militaire d'Étampes. Commandée par le lieutenant De Caters, l'école militaire belge comptait comme moniteurs Piret, Peeters, Deplus,... autant d'hommes dont Coppens ne garda pas un très bon souvenir. Pour lui, comme pour la quarantaine d'autres élèves, l'apprentissage débutait sur le Maurice-Farman type 1913.
Quelques cours théoriques de météo, de navigation et de mécanique venaient s'ajouter à la pratique. Si l'on n'entretenait que peu de rapports avec l'école française, l'ambiance générale était fort détendue, du moins dans les premiers temps. Une voiture faisait la navette entre Étampes et l'aérodrome de Villesauvage.

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Coppens dans son chasseur Hanriot HO-1.
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Les pilotes pouvaient loger en ville, ce qui permit à Coppens de passer nombre de permissions, réglementaires ou non, à Paris. L'as belge raconte dans ses Mémoires que l'arrivée du capitaine Renard sonna le glas de la liberté pour les apprentis pilotes; le 15 septembre, de « sinistres baraquements » furent installés à Villesauvage même.
Coppens semble en avoir beaucoup voulu au célèbre capitaine Renard. Toujours est-il que l'école fut suffisamment militarisée pour que l'ancienneté y réglât le « départ en brevet ». L'épreuve consistait à effectuer deux voyages en triangle : Étampes - Chartres - Châteaudun - Étampes, d'une part, Étampes - Chartres - Vendôme - Étampes, d'autre part. En attendant de pouvoir y participer, Coppens souffrit beaucoup de l'ennui
: du 31 janvier
au 3 mars, il ne vola pas une seule fois!
Après douze leçons, il fut enfin lâché en solo et « subit » cinq ou six heures d'entraînement par mois. Le 15 septembre, quand il passa avec succès son brevet de pilote militaire, il avait à son actif 62 heures 55 minutes de vol en solo (203 vols) et 9 heures 10 minutes comme élève ou passager.

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Hanriot HD1 de Coppens. Cet avion offert par Hanriot à l'as Belge, est équipé d'un réservoir Lanser à l'épreuve des balles. La cocotte représente la 11è escadrille. L'extrados des ailes est en bleu.
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Il fut alors affecté à la 6e escadrille, basée à Houtlem. L'ambiance de cette unité de reconnaissance, rattachée au grand quartier général belge et commandée par le capitaine Hedo, déplut immédiatement à Coppens, à qui son franc-parler valut ici aussi quelques inimitiés.
Il vola le surlendemain de son arrivée à Houtlem, et c'est à Ramskapelle qu'il reçut le baptême du feu (à ses débuts, il avait pour coéquipier le capitaine Declercq). Le 8 avril 1917, Coppens gagnait ses galons de sergent, et, le 17 du même mois, il était versé à la 4e escadrille, commandée par Paul Richard, et dont les hangars se trouvaient face à ceux de la 6e.
Équipée de Farman F-40, elle était destinée à l'observation et au bombardement de nuit. C'est ainsi que, le 26 avril, Coppens prit part aux premiers bombardements de nuit sur les baraquements allemands de Zarren. Son premier combat aérien, qui eut lieu le 1 er mars, lui valut une citation. Dès lors, il fit inscrire sur son capot le mot « Volontiers » Le 3 mai, il participa à l'attaque de l'aérodrome de Ghistelle. C'est dans
la 4e escadrille
qu'il gagna ses galons de sergent-chef. Il la quitta le 15 juillet, pour la. 1 re escadrille de chasse.
A son arrivée, celle-ci était commandée par le capitaine Jacquet (à qui succédèrent le capitaine Hierneau, puis le capitaine Gallez) et comptait des pilotes dont les noms allaient devenir célèbres, comme Jan Olieslagers ou De Meulemeester. En juillet 1917, l'escadrille était équipée de Nieuport 17 de 110 ch, mais il restait encore un « Bébé » de type XI, que l'on confia à Coppens.

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le roi Albert décore l'as belge de la croix de chevalier de l'ordre de Léopold et de l'ordre de la Couronne.
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Dès le premier jour, celui-ci fit une heure d'entraînement, cinq atterrissages et un vol de protection lors d'une mission photographique. Dans les jours qui suivirent, il se consacra surtout avec quel plaisir et avec quelle virtuosité! à l'acrobatie aérienne. Le 21 juillet 1917, il livrait son premier combat sur avion de chasse au-dessus de Schoore, malheureusement sans résultat.
Au moment où Coppens entrait dans la chasse, les Cigognes arrivaient dans le secteur. Il eut ainsi la joie de rencontrer Guynemer. La présence de la célèbre escadrille française, ajoutée à celle d'Olieslagers et de De Meulemeester, constituait un véritable stimulant pour les apprentis chasseurs.
Le 19 août, Coppens fut promu adjudant. Bientôt les Hanriot arrivèrent à la Ire escadrille, et il fut tout de suite ravi de les piloter. Après une permission d'une quinzaine de jours en Angleterre, Coppens livra, au cours du mois de septembre, trois combats dont aucun ne fut encore homologué.
Il s'habituait cependant de plus en plus au Hanriot HD-I (dont n'avaient voulu ni De Meulemeester, ni Olieslagers), le trouvant fort maniable et très performant, et regrettant seulement qu'il ne fût équipé que d'une mitraillette. Mais, bien qu'il fût sans cesse à l'affût du « gibier allemand » pour employer sa propre expression —, le succès le boudait toujours.
Le 18 février 1918, il effectua, au-dessus de Bruxelles occupée, une éblouissante démonstration d'acrobatie aérienne. C'est à cette époque qu'il choisit Léon Gérard comme équipier. Le 25 avril, il obtint enfin un succès en abattant un monoplace ennemi entre Ramskapelle et Slype.

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le Fairey « Fox », construit sous licence en Belgique, équipa l'escadrille de Coppens durant les années trente.
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Il devait ensuite remporter toute une série de victoires, mais dans une spécialité bien particulière : la chasse au Drachen. Ces ballons, gonflés à l'hydrogène et servant au réglage des tirs d'artillerie, auraient constitué des cibles idéales s'ils n'avaient été protégés par l'artillerie antiaérienne.
Dès l'avion ennemi signalé, l'aérostier sautait en parachute, et, tandis que le personnel au sol descendait le ballon aussi vite que possible, l'attaquant était pris entre la grêle brûlante de l'artillerie légère et le feu de l'artillerie antiaérienne moyenne. Lors même qu'il réussissait à passer, il n'avait une réelle chance de détruire le ballon que si ses mitrailleuses étaient chargées à balles incendiaires. La « chasse
au ballon » requérait
donc une grande adresse et beaucoup de sang-froid de la part du pilote.
CHASSEUR DE DALLONS
Willy Coppens fut le premier « as » de la chasse belge au cours de la Grande Guerre avec un total de trente-sept victoires, dont vingt-huit ballons
Après quelques essais infructueux, Willy Coppens se vit offrir par les Français une vingtaine de balles spéciales. Dès lors, les événements se précipitèrent. Le 8 mai, à 1 400 m et 1 500 M, il abattit les ballons de Zarren et de Houthulst, ce qui lui valut les félicitations du roi des Belges en personne.

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pilotesde la 1re escadrille des « Chardons », photographiés en 1918. Coppens est au centre (documents Musée royal de l'Armée, Bruxelles).
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Entre le 25 avril et le 19 mai, il remporta cinq victoires et eut ainsi les « honneurs du communiqué ». Les 5, 9 et 10 juin, les victoires se succédèrent. Le 24 juin, il réalisa son premier « doublé », en abattant un Drachen à Warneton (au sud d'Ypres) et un Hannovraner.
A ce doublé succédèrent deux triplés, le 30 juin là 6 h 30, 8 h 30 et 8 h 34!) et le 22 juillet. Le 30 juillet, contre tous les règlements en vigueur, le roi Albert récompensa le courage et l'habileté de Willy Coppens en le décorant de la croix de chevalier de l'ordre de Léopold et de l'ordre de la Couronne.
Coppens devenant de plus en plus audacieux, les Allemands commencèrent alors à lui tendre des traquenards : le 3 août 1918, après sa vingt-deuxième victoire à Rethel, il évita le piège d'une saucisse chargée d'explosifs! Le 10 août, il réalisa un troisième triplé et, le 24, un autre doublé.
Le 5 octobre, il réitéra ce dernier exploit. Le 14 octobre, alors qu'il avait atteint le chiffre de trente-six victoires, Coppens fut victime d'un très grave accident. Ayant décollé vers 5 h 40, il aperçut le ballon de Thourut en ascension vers 600 m, et, plus proche, un ballon au Pratt Bosch, à 900 m.
Il tira quatre balles sur ce dernier, qui prit feu. De son côté, Étienne Hage ne vit pas les flammes et, au lieu de suivre Coppens, retourna vers le Drachen. Coppens alla à son secours, tandis que le ballon qui flambait laissait échapper des gaz. Puis, tandis qu'il se préparait à attaquer le ballon de Thourut, ramené à 300 m, il fut touché à la jambe par une balle incendiaire.

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Willy Coppens (à droite) photographié en juillet 1917 en compagnie de deux as de la 1ère escadrille:André de Meulemeester à sa droite et Fernand Jacquet (photo Musée royal de l'Armée, Bruxelles).
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Malgré la douleur, il parvint à enflammer le ballon et à parcourir en quelques minutes les 8 km qui devaient lui permettre d'échapper à l'ennemi. Avec un avion sérieusement touché, dont le palonnier était à moitié coupé, il arriva à rejoindre Eessen, à l'est de Dixmude. Cet accident lui valut d'être amputé d'une jambe. Sorti de l'hôpital le II juillet 1919, celui qui était devenu l'as des as belges recommença à piloter le
28 du même mois.
Bien qu'amputé à la hauteur de la cuisse, il réussit même à réaliser une descente en parachute de 6 000 m.
Après la guerre, il occupa le poste d'attaché de l'Air à Londres et à Paris. Il bénéficiait de la protection du roi, qui le fit chevalier; il devint Willy Coppens de Houthulst, en souvenir de la victoire qu'il avait remportée au-dessus de la forêt du même nom. C'est d'ailleurs ainsi qu'il signa les ouvrages dont il est l'auteur.
Ses récits sont à la fois pleins d'allant et de précision. Outre des faits, des dates, des descriptions de combats, on y trouve une peinture minutieuse, et parfois pleine d'humour, de la vie en escadrille. Mais il se montre très dur à l'égard de ceux dont il a gardé mauvais souvenir : nombre de passages furent ainsi censurés dans Jours envolés.
Le score final de Willy Coppens fut de trente-sept victoires, dont neuf contre avions. Aucun autre as belge n'approcha ce score, puisque De Meulemeester et le lieutenant Thieffry ne remportèrent respectivement que onze et dix victoires.
Après la défaite de Belgique en mai 1940, Coppens se retira en Suisse.
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