René Mouchotte est né le 21 août 1914 à Saint-Mandé (94). Son père exerce la profession de distillateur.
Il apprend à piloter à l'âge de 18 ans et fait son service militaire dans l'Armée de l'Air, à la base aérienne d'Istres où il gagne ses galons de sergent et obtient son brevet de pilote.
Pilote de tourisme et sergent de réserve, il est mobilisé en 1939 et affecté contre son gré à l'Ecole de formation des instructeurs de Salon-de-Provence puis à l'Ecole de formation des sous-officiers du personnel naviguant à Avord.
Malgré ses demandes réitérées, il n'obtient pas son affectation dans une escadrille de chasse.

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Envoyé à Oran en Algérie en mai 1940, il refuse l'idée de la défaite et, emmenant avec lui cinq camarades, dont Charles Guérin et Henry Lafont, s'empare d'un bimoteur Goéland à l'aube du 30 juin 1940.
Les hélices ayant été volontairement déréglées pour empêcher toute tentative d'évasion, le décollage ne peut avoir lieu que grâce à la détermination de René Mouchotte qui, aux commandes de l'appareil, "arrache" in extremis l'avion en bout de piste.
Posés à Gibraltar, les évadés atteignent, par bateau, le 13 juillet, la Grande-Bretagne où Mouchotte signe immédiatement un engagement dans la Royal Air Force.
Son entraînement achevé à l'Operationnal Training Unit de Sutton-Bridge, il est affecté, en septembre, au Squadron 245 et commence sa guerre par des opérations de surveillance en mer d'Irlande.
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Commandant Mouchotte
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En octobre 1940, promu adjudant, il est affecté en Ecosse du sud, au Squadron 615, le "Churchill Squadron", et prend part avec son unité à la fin de la bataille d'Angleterre, effectuant entre deux et quatre sorties quotidiennes face aux Messerschmitt ennemis. Début décembre, René Mouchotte est déjà leader d'une section de son escadrille.
En mars 1941, il est nommé sous-lieutenant et chef de Flight par intérim, c'est-à-dire commandant en vol de six avions.
Il reçoit sa première citation en juin 1941. En juillet, il est nommé lieutenant et chef d'escadrille ; il est ainsi le premier étranger à commander un squadron britannique.
Le 26 août 1941, il abat son premier appareil ennemi, un Junker 88, et, en quelques semaines, incendie plusieurs bâtiments allemands en Manche.
A la fin de l'année 1941, il est affecté au du Groupe de Chasse "Ile-de-France" et reçoit en février 1942, le commandement de l'escadrille "Versailles". Promu capitaine, Mouchotte effectue sa première sortie avec son nouveau groupe le 12 avril 1942. Le 14 juillet suivant, le général de Gaulle lui remet la Croix de Guerre avec palme. Le 20 août il prend part à l'opération "Jubilee" au-dessus de Dieppe.
Celui que les Britanniques surnomment "Capitaine René" est bientôt promu au grade de commandant et reçoit la charge d'un squadron britannique, le 65 Squadron.
Le 9 janvier 1943, il reçoit le commandement du Groupe de Chasse "Alsace" stationné à Biggin Hill dans le sud de l'Angleterre. Avec cette unité, le commandant Mouchotte remporte le 15 mai 1943 sa seconde victoire homologuée, contre un Focke-Wulfe au-dessus de la France, qui est également le millième succès de la base de Biggin Hill. Le surlendemain il remporte une nouvelle victoire aérienne.

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Au groupe "Ile-de-France", Squadron 340 de la R.A.F.: René Mouchotte en tenue de vol pose devant le côté droit de son Spitfire, sur lequel figure son dessin humoristique personnel.
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Ne prenant aucun repos (il compte alors 1 743 heures de vol et 408 missions de guerre), enchaînant les combats aériens avec les heures de travail passées à son bureau de commandement où l'attendent les nombreux rapports et comptes-rendus administratifs que lui impose sa fonction, René Mouchotte s'épuise.
Le 27 août 1943, au cours de sa 141ème mission avec l'Alsace, mission de protection de forteresses volantes B 17, il est abattu en vol au-dessus de la Manche. On retrouve son corps échoué sur la plage de Middelkerke le 3 septembre 1943. Identifié seulement en mars 1949, le corps de René Mouchotte est définitivement inhumé à Paris, au cimetière du Père Lachaise.
• Chevalier de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 8 mai 1943
• Croix de Guerre 39/45 (6 citations)
• Distinguished Flying Cross (GB)
• Croix de Guerre Tchécoslovaque
Les carnets de René Mouchotte
17 juin 1940
"Je viens d'apprendre par la radio l'incroyable nouvelle de la capitulation de Pétain. C'est tellement inconcevable qu'on reste là, les membres brisés à s'imaginer mille choses, un rêve, une erreur, une propagande, pour tenter de faire s'évanouir l'horrible cauchemar. Impitoyable, la T.S.F. achève de briser la résistance de nos nerfs trop tendus en faisant résonner une Marseillaise vibrante, le dernier appel d'une France hier libre…"
Par ces lignes débutent les célèbres "carnets" de René Mouchotte. De ce jour noir du 17 juin 1940 à la date du 27 août 1943, date de sa disparition, René Mouchotte noircira régulièrement ses carnets devenus célèbres, dans lesquels se mêlent récits militaires, instants chargés d'émotion et anecdotes. Nous remercions le Service Historique de l'Armée de l'Air de nous avoir permis de reproduire quelques extraits de cette nouvelle édition
des carnets de René Mouchotte.
21 août 1940 (fragment)
"(…) Je viens de faire un exercice de combat contre un autre Hurricane. Il était piloté par un Tchèque ayant eu déjà six victoires en France. Pour mon premier combat, je suis servi ! Le jeu consiste à avoir le plus souvent et le plus longtemps possible l'avion adverse dans son collimateur, c'est-à-dire sur son propre axe de tir.

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On part dos à dos comme pour un duel et chacun doit rivaliser de souplesse et de ruse pour éviter et vaincre l'autre. On se met inconsciemment dans les positions les plus invraisemblables et si l'on ne parvient pas à suivre son adversaire, on a alors une énorme difficulté à le semer.
Il restera collé dans votre queue. On tente alors un virage serré. Il est toujours derrière. Votre propre avion n'en peut plus, on lui en demande trop. Ne pouvant pas virer plus court, il décroche et pique.
Hélas, l'autre est toujours derrière ! ... Ce fut assez décevant pour moi ce combat. Je ne me vois pas très bien en prise avec un boche. Pour deux ou trois fois que je l'ai tué, il m'a bien eu une douzaine de fois ! Mais j'espère apprendre vite ce métier !
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Commandant René Mouchotte, né le 21 août 1914 à St Mandé (Val-de-Marne) et la mascotte de l'escadrille.
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Cet après-midi et pour la première fois de ma vie, je suis monté à trente mille pieds (environ dix mille mètres). Il faisait un froid de loup là-haut et à mesure que je montais mes mains et mes pieds s'engourdissaient.

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Le plus curieux est que j'éprouvais une énorme fatigue à parler. Rien que pour donner mon indicatif et lancer la courte phrase usuelle, je me sentais épuisé.
Je n'ai pas le moins du monde été incommodé par l'oxygène, mais après vingt minutes passées à ce plafond, j'étais bien heureux de descendre.
Le soir à peine allongé dans mon lit, je m'enfonçais dans un sommeil profond. Je ne sais si c'est la crise morale que je traverse qui en est la cause, mais je m'attendris sur tout ce qui concerne la France.
Rares sont les nuits où je ne rêve pas. Le fait d'apercevoir hier de là-haut les côtes de France m'a plongé dans un abîme d'amères réflexions…
Deux tués ce matin encore à notre école! En faisant un exercice de combat, ils se sont télescopés !
Pauvres garçons dont le courage aura été inutile! Mourir devant l'ennemi n'est-ce pas partir avec la satisfaction d'un travail accompli… Mais ainsi, c'est trop triste !"
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René Mouchotte
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6 mars 1941
"Lorsque Hone s'est écrasé au sol le 26 février dernier, il est sorti indemne des débris de son avion. Le choc l'a tellement égaré qu'il est resté fou de longues heures ! Sortant de ce qui restait du Hurricane, il a brusquement sorti son revolver et a tiré dans toutes les directions. Il a fallu que des soldats le maîtrisent et l'emmènent. Encore heureux a-t-il été que, le prenant pour un Allemand, on ne l'ait pas abattu!
Encore un Français condamné par Vichy, pour avoir essayé sa chance vers de Gaulle. Malheureusement, c'est le poteau d'exécution qui attend celui-là." (voir en regard la traduction de la coupure de presse britannique . NDLE)

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A bord de son chasseur
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30 juillet 1942
"Deux "Sweeps" aujourd'hui ! Les deux assez loin en France : Saint-Omer. Le premier s'est effectué sans incidents. Le second paraissait assez dangereux puisqu'il ne devait pas dépasser 5 000 pieds et ne comportait aucune protection en altitude. Dupérier n'étant pas là, je "leadais" le Squadron. L'inévitable est arrivé. Une fois bien enfoncés en territoire français nous avons été attaqués par une importante force
ennemie. Plus de quarante Fw 190 sont tombés du soleil par derrière sur le Squadron de gauche, qui a perdu cinq avions. Ils se sont ensuite rabattus sur moi et il s'en est suivi un combat général à 1 200 mètres de haut à peine.
Malgré que je me sois démené comme un fou, je n'ai pas été fichu d'en prendre un dans mon collimateur. Cette masse tournoyante d'avions m'hallucinait un peu. J'ai également eu, peut-être, le tort de trop regarder dans ma queue pour songer à nous protéger des attaques en traître, mais la lutte étant par trop inégale, il était préférable de chercher à sauver sa peau que de risquer une hécatombe pour satisfaire un désir offensif. Quoi qu'il
en soit, nous avons enfin réussi à nous dégager de cette infernale tourmente et à regagner la mer en sautant les arbres. Deux ont manqué à l'appel le soir, le sous-lieutenant Lambert et l'adjudant Debec.
Mais je garderai longtemps devant les yeux ce souvenir d'avions éclatant en flammes, d'autres s'écrasant au sol, formant une énorme boule de feu. Je verrai toujours ce parachutiste sautant de son avion qui tombait comme une torche et dont le parachute s'est soudainement consumé sous la morsure d'une ridicule petite flamme, qui m'était invisible lorsque le pilote a sauté !

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Le
14 juillet, le général de Gaulle lui remet la Croix de Guerre avec
palme. Le 9 janvier 1943, il reçoit le commandement du Groupe de Chasse
"Alsace" stationné à Biggin Hill dans le sud de l'Angleterre. Avec cette
unité, le commandant Mouchotte remporte le 15 mai 1943 sa seconde
victoire homologuée, contre un Focke-Wulfe
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9 juin 1943 (fragment)
"(…) Le 27 juillet, nous avons un succès qui dépasse tous ceux du Fighter Command depuis la bataille de Dieppe. Je "leadais" la Wing dans les environs de Lisieux lorsque la radio m'annonce une soixantaine de Boches. Je manœuvre dans le soleil et gagne de l'altitude quand, sans avertissement, nous nous trouvons engagés dans un gigantesque combat. Pour la première fois, l'ennemi semble accepter de se battre. Spitfire et
Fw 190 tournoyaient.

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Dans le désordre qui s'ensuivit, je réussissais tout de même à glisser quelques ordres mais peu après, chaque section se trouvant séparée ne put agir qu'indépendamment.
Quel bel appareil ce Focke-Wulf, vu de près, et surtout de dos, ne pouvais-je m'empêcher de penser! Trop occupé à manœuvrer pour secourir une de mes sections, je ne pus que lancer une brève rafale à l'un d'eux. L'ai-je descendu ? Je l'ignore. Dans le doute, je préfère ne rien réclamer.
Quelqu'un derrière moi a bien vu un Fw descendre en vrille avec une grosse fumée noire, mais s'agissait-il bien de celui-là ?
Mon horreur de passer pour un fumiste me fit garder le silence à l'atterrissage. Mais quelle joie d'apprendre que nous en avions abattu cinq, sans que personne, de chez nous, n'ait été touché !
Un autre Squadron de la Wing en a quatre, ce qui fait un total de neuf et peut être plus, sans aucune perte ! Succès énorme qui va grandir davantage notre "Alsace".
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René Mouchotte , équipé de sa tenue de pilote.
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Je reçois des télégrammes de félicitations, dont un de Churchill ainsi rédigé : "Please, convey my warmest congratulations to 485 and 341 Squadron at Biggin Hill on yesterday achievement. Nine for nought is an excellent score! " ("Veuillez transmettre mes plus chaudes félicitations aux Squadrons 485 et 341 pour leur performance d'hier. Neuf à zéro est un score excellent!")
Et les "Sweeps" continuent à une cadence terrible. J'en suis à un record de 140 ! J'en ressens une fatigue impitoyable. J'ai beau me coucher à 21 heures 30 chaque soirje sens mes nerfs s'user, mon humeur se détériorer. Le plus mince effort m'essouffle, j'ai un besoin hurlant de repos, ne serait-ce que 48 heures. Je n'ai pas pris huit jours de permission depuis plus de deux ans, toujours en alerte à voler ou bloqué au bureau
par quelque travail administratif. D'ailleurs, où aller ?
Ces jours-ci, j'ai bien essayé de m'arrêter, envisageant avec effroi la dure période de combats qui menaçait de plus en plus impérieusement notre quiétude. Il me faudra toutes mes forces et toute ma santé. J'ai donc enrayé toute activité offensive, ne me bornant qu'à aller au bureau. Mais ce relâchement de trois jours m'a amolli les nerfs et la volonté. Je suis toujours aussi éreinté. Demain matin, je repars
!"
les victoires
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26 août 41
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Ju 88D
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Irlande
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15 mai 43
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Fw
190A-4
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Deauville
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17 mai 43
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Bf 109G
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Caen
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27 août 43 ( † )
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au large de Calais
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La première victoire ( d'après un témoignage de l'Amiral Philippe de Scitivaux)
C'est à Northweald, un terrain au nord-est de Londres, que j'ai connu François au 242 ième squadron. Il venait à cette époque du 85 ième de Peter Townsend, et avec lui je suis parti ensuite à Manston, au Sud-Est de l'Angleterre.
Ce n'était pas encore Ile-de-France, mais nous y étions plusieurs pilotes français:François de Labouchère, Bernard Dupérier, Demozay. A ce moment, le général Valin essayait de regrouper les pilotes français disséminés dans les squadrons anglais afin de créer un squadron français Ile-de-France.
En ce printemps 1941, les bombardiers allemands faisaient chaque nuit sur Londres, des dègats absolument épouvantables. Des quartiers entiers flambaient. Le gouvernement, n'ayant pas assez de chasse de nuit, décida d'employer des chasseurs de jour.
Le 10 mai, il y avait une belle lune et une très belle visibilité, ce qui nous permettait d'y voir assez. Le radar n'était pas, tant s'en faut, suffisamment perfectionné pour nous diriger sur tel ou tel appareil ennemi et, comme nous opérions en individuels, cela aurait de beaucoup surchargé les transmissions.
Je me souviens que ce jour là, j'ai rencontré à 21000 pieds d'altitude, un bombardier allemand que j'ai descendu. Les Anglais en avait été fort surpris mais, comme on a retrouvé l'épave, il m'a été homologué. Fayolle en avait abattu un autre.
Plus tard en Novembre 1941, nous avons été mutés à l'Ile-de-France où nous nous sommes retrouvés exclusivement entre pilotes français.

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Charles Guérin et René Mouchotte, aux commandes du Goéland. Henry Lafont, l'auteur de cette photographie, se tenait juste derrière eux.
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La dernière mission .....
Le 19 Août 1942, François Fayolle, du squadron 174, décolle de la côte anglaise. Il est 4h30 du matin, destination Dieppe; Le commandant est au sein d'une flotte de mille appareils de la Royal Air Force. Volant à basse altitude sous les tirs intenses de la DCA allemande, les pilotes larguent entre 5h20 et 5h25, quatre bombes de 250 livres et 16 de 500 livres.
Le bombardement terminé, François Fayolle et ses compagnons concentrent leurs attaques à la mitrailleuse sur le terrain d'aviation de Dieppe-St-Aubin, occupé par l'aviation militaire allemande. Il est alors porté disparu. On a retrouvé depuis, pense t'on, l'hélice de son appareil enfoncé dans un terrain de Janval, route des vertus.
"Aviateur précipité du ciel pour être brisé sur terre" comme l'a dit le général Degaulle, François Fayolle est, selon les termes de Sir Archibald Sinclair, Ministre britannique de l'air, en 1944, " le symbole de la fraternité entre le Royaume-Uni et la France".
François Fayolle n'a pas été oublié à Dieppe, une rue porte son nom, une plaque commémorative a été apposée sur le mur de la rotonde, en front de mer, et désormais c'est l'aérodrome de Dieppe-Saint-Aubin qui porte son nom.
107 aviateurs de la RAF furent tués au cours du raid sur Dieppe.
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