UN MOTEUR POUR BLÉRIOT
C'est un pionnier italien de la mécanique qui permit à Blériot de réussir sa traversée historique
Alexandre Anzani, constructeur et inventeur de moteurs, appartenait à cette catégorie d'Italiens doués pour la technique qui firent carrière à l'étranger. Son nom reste attaché à la première traversée aérienne de la Manche : c'est, en effet, un moteur de sa conception et de sa construction qui équipait, en 1909, le fragile monoplan de Louis Blériot.
Anzani naquit à Gorla, non loin de Milan, le 5 décembre 1877, dans une famille modeste.
Attiré par la technique et la mécanique, il acquit, très jeune, une grande habileté et la mit à profit pour construire des bicyclettes et des motos.
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25 juillet 1909 assisté des mécaniciens d'Alexandre Anzani, qui lui a fourni le moteur de son monoplan, Louis Blériot s'apprête à prendre l'air pour la traversée de la Manche
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Dans ce domaine bien particulier, il put se familiariser avec le fonctionnement des moteurs et se livrer à quelques expériences hors du commun comme la réalisation d'une moto mue par une hélice susceptible
d'atteindre des vitesses de l'ordre de 80 km/h.
Les progrès de l'aviation en Europe le poussèrent à s'intéresser aux moteurs légers destinés aux avions.
Contrairement aux frères Seguin, inventeurs du moteur Gnome rotatif, Anzani s'intéressait au moteur à cylindres fixes en étoile munis de grandes ailettes pour améliorer le refroidissement par air.
Cette solution avait le mérite de réduire considérablement le poids, à puissance égale.
Le premier moteur aéronautique d'Anzani, réalisé en 1908, était à 2 cylindres opposés et délivrait la modeste puissance de 15 ch pour un poids de 33 kg.

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Blériot et Anzani peu avant le départ
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L'année suivante, le constructeur étudiait un nouveau moteur à 3 cylindres en étoile, d'une puissance identique à celle du modèle antérieur; il en tira immédiatement une nouvelle version, de même configuration, dont la puissance atteignit 25 ch pour un poids de 65 kg
Le choix de Louis Blériot
La rencontre d'Anzani et de Louis Blériot, en 1909, devait jouer un rôle décisif pour l'avenir du mécanicien italien.
L'industriel français, passionné d'aviation et constructeur d'avions monoplans, avait caressé l'idée de participer à la course aérienne organisée par le journal britannique Daily Mail, lequel voulait récompenser l'aviateur qui relierait d'un seul coup d'aile le Continent à l'Angleterre.
Cette ambition était encore attisée
par la perspective du prix offert (25 000 livres sterling-or!), et les concurrents étaient nombreux. Parmi ceux-ci, le comte de Lambert et Hubert Latham figuraient parmi les favoris.

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le moteur à 3 cylindres refroidi par air mis au point par Anzani et prêté à Louis Blériot pour son vol historique au-dessus de la Manche
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Louis Blériot n'était pas satisfait des performances de ses monoplans, et son souci majeur portait sur l'endurance trop modeste des moteurs qu'il avait pu essayer.
Le 27 mai 1909, le pionnier français décolla pour essayer son modèle XI, auquel il avait apporté une modification fondamentale en remplaçant le moteur REP, de fabrication française.
Mais trop lourd et sujet à la surchauffe, par un nouveau moteur plus léger, à 3 cylindres refroidi par air, qu'Anzani venait juste de mettre au point.
L'essai fut concluant, et, deux mois plus tard, à l'aube du 25 juillet 1909, le même Anzani aidait Blériot à démarrer le moteur du modèle XI au départ d'un vol qui allait faire date.
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le Blériot Xi en vol à l'issue de la traversée Calais-Douvres
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Les recommandations du motoriste - permettant de pallier la faiblesse du vent relatif nécessaire au refroidissement des cylindres par une grande consommation d'huile - avaient été parfaitement comprises par Blériot, qui doit beaucoup à Alexandre Anzani. Les autres constructeurs ne s'y trompèrent pas, et les commandes affluèrent.
Peu de temps après, le constructeur proposait un moteur à 4 cylindres en V de 85 kg et 35 ch et un moteur à 5 cylindres en étoile de 115 kg et 50 ch. Entre 1910 et 1914, projets et réalisations devaient se succéder à un rythme rapide : moteurs à 6 cylindres en V de 50 ou 60 ch, moteurs en double étoile à 10 cylindres de 70 ch, à 5 cylindres de 80/90 ch, à 10 cylindres en double étoile de 100 ch - puissance portée
à 125 ch, enfin, en 1913,
moteurs à 20 cylindres en quatre étoiles de 260 kg et 200 ch.
Toute la production d'Anzani était axée sur les moteurs refroidis par air, plus simples et plus légers mais de puissance et de régime limités.
Un seul groupe, un 8-cylindres en ligne de 70 ch, fut étudié avec un refroidissement par eau, mais sans succès.
Au début de la Première Guerre mondiale, les moteurs Anzani de 100 ou 125 ch furent choisis par l'aviation militaire française (le Caudron G-4, par exemple, était équipé d'un Gnome ou d'un Anzani), mais les groupes plus puissants de 200 ou 210 ch ne furent pas réceptionnés.
Anzani poursuivit son activité après la guerre, mais son succès commercial resta limité, le constructeur étant plus attiré par la recherche que par la fabrication en série.
C'est ainsi qu'il s'intéressa aussi à l'automobile et à la moto.

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moteur Anzani à 10 cylindres en double étoile étudié et construit entre 1910 et 1914
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II faut noter qu'en 1909 Alexandre Anzani avait également construit un aéroplane dont les performances furent médiocres. Ce fut sa seule infidélité à sa carrière de motoriste.
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