Autre projet d'intercepteur fusée, le "Natter", fut la réponse du constructeur Bachem aux spécifications publiées par le
RLM, au printemps 1944, pour un petit intercepteur de défense des sites stratégiques contre des formations massives
de bombardiers alliés.
Initialement, seuls les projets Messerschmitt P.1104, Heinkel P1077 "Julia" et Junkers EF 127 "Dolly" furent évalué et les
deux propositions retenues pour le développement furent le P1077 et le EF-127.
Histoire
Ces appareils étaient des avions à bas coût, conçu en matériaux non stratégiques et qui pouvaient être assemblés par des ouvriers peu qualifiés. Grâce au lancement à partir de rampes verticales, ils pouvaient être installés autour de sites stratégiques et lancés contre les bombardiers alliés. De son coté, Erich Bachem proposa un autre appareil (désignation constructeur : BP-20) qui était un intercepteur semi-consommable
à mi-chemin entre un véritable intercepteur et un missile sol-air.
Erich Bachem était un pilote de planeur expérimenté et fut, avant de créer sa propre société, le directeur technique de la firme Fieseler, célèbre pour son appareil de reconnaissance Fi-156 Storch (conçu par Bachem) et pour la bombe volante Fi-103 alias V1. Bachem clamait que le Messerschmitt Me-163 était bien trop sophistiqué et qu'un appareil construit en bois, munis du même moteur et débarrassé
des appendices inutiles comme le train d'atterrissage ferait aussi bien le travail !
La proposition de Bachem fut d’abord rejetée en raison de son caractère extrême puis acceptée sous le numéro RLM 8-349, nom de code Natter, après des manœuvres de lobbying de Bachem auprès de Henrich Himmler, le chef des SS. Le BP-20 de Bachem devait être déployé d'une manière semblable au "Julia" mais était moins complexe à utiliser pour le pilote et gagna finalement le contrat de production.
Le Junkers EF 127 était un appareil plus classique à décollage conventionnel qui dérivait de l’EF-126 propulsé par un pulsoréacteur. Les développements sur l’EF-126 furent d’ailleurs poursuivit et l’appareil essayé en vol par les Russes après la guerre.
L’appareil de Bachem fut le tout premier appareil à décollage vertical piloté, par contre, il ne pouvait pas atterrir de manière conventionnelle. La construction semi-monocoque était des plus élémentaires avec une structure en bois collé et cloué. C'était essentiellement un bâti support pour un moteur-fusée, un poste de pilotage et une batterie de roquettes dans le nez.
La longueur du fuselage était de 6,02 mètres et il était composé de trois parties : le nez accueillait les roquettes et l’habitacle du pilote. La partie centrale accueillait les réservoirs de carburant et les ailes d’une envergure de quatre mètres. Ces ailes étaient aussi construites en bois et possédait un seul longeron, également en bois, qui allait d’un saumon d’aile à l’autre en traversant
tout le fuselage. Les ailes n’avaient aucune surface mobile de contrôle.
Enfin, la partie arrière accueillait le moteur-fusée et un empennage cruciforme munis de surfaces mobiles pour assurer le contrôle de l’engin. L’appareil avait une masse de 880 kg à vide et de 2230 kg au décollage.
Les prototypes BP-20 et les Ba-349 A de présérie étaient équipé d’une version spéciale du moteur fusée HWK 109-509A-2 à une chambre de combustion (en fait, le moteur des Me-163B). Les propergols (750 kg) de ce moteur-fusée était le peroxyde d’hydrogène (H202) comme comburant et un mélange hydrazine/méthanol comme combustible. Le peroxyde d’hydrogène était décomposé sur un catalyseur pour produire
des gaz chauds (oxygène/vapeur d’eau) qui entraînaient une turbine pour le pompage du carburant. Ces gaz étaient ensuite mélangé à l’hydrazine/méthanol ce qui produisait la combustion et la poussée.
Comme le Natter devait être « tiré » en position verticale, Walter développa une version du HWK 109-509A-2 capable de fonctionner dans cette position. En effet, le peroxyde d’hydrogène était conduit dans le générateur de gaz par simple gravité et Walter modifia la position de ce générateur ce qui donna la version HWK 109-509E.
La propulsion proposée pour le modèle de série Ba-349B était une version dédiée du moteur-fusée Walter HWK 109-509C-1 qui comportait des chambres de combustion séparées pour le décollage (1700 kg de poussée) et la croisière (300 kg de poussée) et qui équipa le Me-163 C puis le Me-263, des versions améliorées du Me-163B.
Le décollage avait lieu en mode automatique depuis une rampe verticale d’une dizaine de mètres de hauteur sous la poussée du moteur fusée Walter et de quatre boosters à poudre Schmidding 533 de 1000 kgp chacun pendant 12 secondes.
L’accélération était assez forte pour menacer le pilote d’évanouissement et le pilote automatique servait également à diriger l’appareil sur la bonne trajectoire le temps que le pilote retrouve ses esprits !
Après une à deux minutes de fonctionnement du moteur fusée, l’appareil atteignait une altitude de 12000 mètres. Le pilote passait alors en commandes manuelles et engageait le Natter en vol horizontal à la vitesse de 990 km/h. Puis, il plongeait sur les formations ennemies et détruisait autant d'avions qu'il le pouvait avec ses 24 à 48 roquettes R4M de 55 mm (ou des roquettes de 73 mm Hs 217 selon
d’autres sources) logées dans le nez.
Après avoir ralenti à environ 250 km/h, le nez de l’appareil était largué puis le pilote sautait en parachute. La partie arrière était également récupérée par parachute de manière à pouvoir réutiliser la partie la plus précieuse de l’engin : le moteur-fusée Walter ! Toute l'affaire tenait en 3 ou 4 minutes.
La Société Bachem lança le projet en septembre 1944 et commença rapidement les tests en soufflerie. La construction d’environ 35 prototypes fut lancés et dès novembre, les essais commencèrent à Neuberg, au DFS ( Institut allemand de recherche sur le vol à voile), par des vols en remorque derrière un Heinkel He-111. Ces essais devaient démontrer la navigabilité de la cellule et le bon fonctionnement
du mécanisme de séparation de l’habitacle. Le pilote du Natter pour ces essais remorqué était Hermann Zitter.
A partir de décembre 1944, Bachem procéda à une série de 11 tirs non piloté en utilisant uniquement la puissance des boosters. Le premier de ces tirs, le 8 Décembre 1944 utilisait le Natter BP-20 M21 mais avorta en raison de l'incendie de l'engin sur sa rampe. Le premier tir réussit eu lieu le 22 décembre 1944 avec le Natter BP-20 M16 (voir photo ci-contre). Ces tirs avaient pour but la mise au
point de la procédure de lancement et les tests de résistance structurale de la cellule. Le 23 février 1945, eu lieu le premier tir d'un engin complet ( le BP-20 M22) avec mise à feu du moteur-fusée Walter.
En février 1945, les autorités allemandes exigèrent une progression plus rapide et un vol piloté. Le constructeur avait quelques doutes quant à la sagesse de cette décision mais il donna quand même son accord. Ainsi le 1er mars 1945, l’oberleutnant Lothar Sieber s’installait dans le Bachem BP 20 M23, un prototype complet équipé des boosters Schmidding pour un essai à très haut risque compte tenu
du fait que l'appareil complet n'avait été testé qu'une seul fois
Après allumage du moteur fusée et des boosters, l’engin décolla de sa rampe et continua son ascension jusqu'à 500 mètres d’altitude. Puis il se retourna, piqua vers le sol et explosa à l'impact. Les observateurs avaient pu constater que la verrière s’était détachée accidentellement pendant l’envol. Comme cette verrière comportait également l’appui-tête du pilote, elle avait brisé la nuque de Lothar
en basculant vers l’arrière.
Après l'accident de Sieber, seuls quelques Natter purent être lancés pour continuer la mise au point de l'appareil jusque vers avril/mai 1945. Aucun autre essai piloté ne fut tenté pour le plus grand bien des pilotes d'essai de Bachem !
Il y eu seulement une trentaine de BP-20, prototypes du Ba-349, construit ainsi qu'un nombre inconnu de Bachem Ba-349 A-1 de série. Une dizaine de prototypes servirent aux essais de remorquage et de séparation des éléments, une autre dizaine servit aux tirs non piloté, un s'écrasa au sol lors de l’unique vol piloté. Les autres servirent de banc d’essai pour la propulsion et des équipements.
Caractéristiques Techniques
Type
Avion Fusée
Moteur
1 moteur fusée HWK 109-509E sur les BP-20 puis une version du
moteur fusée HWK 109-509C-1 sur les modèle de série. Quatre boosters d’appoint
Schmidding 533 (1000 kg de poussée chacun pendant 12 secondes)