LA BATAILLE DE FRANCE
En mai 1940, pour tenter d'enrayer l'invasion allemande, les équipages de l'armée de l'Air se sacrifient sur des matériels périmés
Le 25 juin 1940, avec l'entrée en vigueur de l'armistice, prenait fin la bataille de France. Celle-ci se soldait pour les armées françaises par une défaite sans précédent. Jamais le pays n'avait été ainsi écrasé. Le procès de Riom, intenté par le régime de Vichy contre plusieurs dirigeants politiques et militaires de la Ille République, avait pour but de définir, de manière très peu objective, les responsabilités de cette
catastrophe.
L'aviation y fut injustement accusée d'avoir été absente du ciel. En réalité, elle avait fait ce qu'elle avait pu avec les moyens dont elle disposait, et avait infligé des pertes importantes à la Luftwaffe et à la Regia Aeronautica, sans pouvoir cependant influer sur le cours de la bataille qui se livrait au sol.
Inférieure par le nombre et par la qualité de ses avions — les matériels vraiment modernes et adaptés à la guerre aérienne étaient sur le point d'entrer en service lorsque furent signés les armistices avec l'Allemagne et l'Italie —, l'aviation française paya cher les erreurs commises sur le plan des doctrines et des choix industriels pendant l'entre-deux-guerres.
La première aviation militaire du monde
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'aéronautique militaire française était pourtant la première du monde. Elle alignait 4 500 appareils de combat, et son industrie, forte de 200 000 personnes, avait construit plus de 50 000 avions en quatre ans. Mais la signature de la paix eut pour conséquence immédiate l'arrêt de toutes les commandes et le licenciement progressif de 190 000 ouvriers.
Le marasme dans lequel sombrèrent les entreprises poussa les industriels à ne plus rechercher d'innovations et à construire leurs appareils selon les méthodes de la Grande Guerre. Plus grave fut l'oubli des enseignements que l'aviation avait tirés de la guerre, tant sur le plan tactique que sur le plan stratégique.

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En septembre 1939, ce Curtiss H-75 (3' escadrille du GC-II/5), acheté à prix d'or aux États-Unis, constituait le matériel le plus moderne dont disposait l'armée de l'Air, mais n'équipait que quatre groupes de chasse. Deux cents appareils de ce type furent commandés en 1937, suivis de quatre cent vingt autres avant juin 1940. Mais l'armée de l'Air n'en perçut que deux cent trente.
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Dispersée entre cinq ministères différents, l'aviation n'était guère efficace, l'armée de Terre la considérant comme un instrument d'observation à son service exclusif. Malgré tout, les responsables de l'aéronautique militaire marquaient des points.
En 1922, leur arme devenait autonome, et, l'année suivante, des spécialisations voyaient le jour. L'aéronautique militaire fut divisée en groupes et en régiments de chasse, de bombardement et d'observation, ce qui facilitait un passage éventuel de l'organisation du temps de paix à celle du temps de guerre.
Mais c'est en septembre 1928 seulement, après la disparition de son plus farouche adversaire, le ministre Bokanowski, que fut constitué le ministère de l'Air. Cette initiative satisfaisait les partisans d'une aviation indépendante, mais irritait ceux qui s'y étaient opposés depuis le début des années vingt. L'équilibre ainsi établi restait assez précaire et pouvait être rompu à tout moment par un retour offensif des adversaires
du ministère de l'Air.
Bien que l'idée en eût été émise, l'armée de l'Air indépendante ne vit pas le jour en 1928. Mais les responsables de l'aéronautique militaire ne désespéraient pas, à plus ou moins brève échéance, d'acquérir leur indépendance vis-à-vis de l'armée de Terre et de la Marine.
Ils appuyaient leur argumentation sur le fait que tout conflit moderne devait débuter par une bataille aérienne décisive, que seule une armée de l'Air indépendante pouvait mener à bien. Or, 70 % des unités étant destinées à l'observation, il fallait renverser cette tendance.
D'où le conflit doctrinal qui allait opposer l'état-major des forces aériennes à celui des forces terrestres et qui devait se révéler si néfaste à l'aviation militaire. En outre, le retard sur le plan industriel devenait inquiétant, et les techniques françaises vieillissaient.

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Au moment de la déclaration de guerre, le Morane-Saulnier MS-406 restait le fer de lance de la chasse française. Cet avion, qui ne datait pourtant que de 1937, était totalement surclassé par les Bf-109; il n'avait d'autre avantage que sa maniabilité. En septembre 1939, douze groupes volaient encore sur MS-406
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Tout se joua en 1933. A cette époque, l'aéronautique militaire comprenait 1 250 appareils (dont 60 % affectés au renseignement, 28 % à la chasse et 12 % au bombardement), datant des programmes de 1923 et 1928 : Nieuport 622 et 629 et Morane-Saulnier MS-225 pour la chasse; Potez 25 et 39 et Breguet 27 pour le renseignement; biplans Le0-20 et 206 pour le bombardement.
Cette situation déplorable inquiétait au plus haut point le nouveau ministre de l'Air, Pierre Cot, qui, dans le dessein de repartir sur des bases nouvelles, signa, le ler avril 1933, un décret interministériel créant l'armée de l'Air. Celle-ci se vit confier trois missions essentielles : la défense aérienne du territoire, la lutte pour la maîtrise de l'air et la coopération avec les forces terrestres et navales. La tâche
impartie
à l'armée de l'Air ne correspondait cependant pas aux moyens dont elle disposait. Aussi fut-il décidé de les accroître et de les rénover.
Un plan de réarmement, dit plan I, prévoyant la fabrication de 1 365 appareils, entra donc en application. L'armée de Terre luttant pied à pied pour conserver son aviation d'observation, le ministre de l'Air, en accord avec l'état-major, décida de faire construire des avions capables d'assurer à la fois des missions d'observation et de bombardement. Ainsi naquit le fameux programme BCR (Bombardement, combat, renseignement).
Le BCR, inspiré des théories du général italien Douhet, se concrétisa dans le Potez 540 et le Bloch 131. Mais cette doctrine devait vite se révéler erronée. Quant au plan I, la faiblesse de l'infrastructure industrielle, incapable d'absorber une commande de mille avions étalée sur un an, ralentit sa mise en oeuvre : les appareils qui en résultèrent étaient complètement dépassés lorsqu'ils arrivèrent en unité.
Au plan I succéda un plan quinquennal qui prévoyait la fabrication des mêmes matériels (chasse : Dewoitine 371, 500-501 et 510, SPAD 510; bombardement : Bloch 200, 210, Amiot 143, Farman 222; renseignement : Potez 540, Bloch 131 et ANF - Les Mureaux 115 et 117). Mais la guerre d'Éthiopie, le réarmement allemand et, surtout, la remilitarisation de la Rhénanie amenèrent les responsables de l'armée de l'Air à reconsidérer leurs
objectifs.
Au moment où les troupes allemandes s'installaient de nouveau sur la rive gauche du Rhin (mars 1936), l'armée de l'Air était encore supérieure à la Luftwaffe. Elle alignait 110 escadrilles avec 1 098 avions, dont 607 modernes. Mais, comme les responsables des autres armées, le général Pujo, chef d'état-major de l'armée de l'Air, déconseilla au gouvernement d'intervenir contre le Reich, craignant que les Allemands ne bombardent
Paris et Lyon, et sachant que la France ne pourrait exercer de représailles.
A la suite de cette alerte, l'état-major lança un plan II, ou plan de 1 500, lequel donnait priorité à l'aviation de bombardement, dont la situation était catastrophique.
Des matériels nouveaux furent mis en fabrication, comme les chasseurs monoplaces Morane 405 et 406 et le Potez 63, qui devait donner naissance à de nombreuses variantes de chasse multiplaces (Po-63I) et de renseignement (Po-63/11). En outre, l'état-major décida de créer des troupes aéroportées : l'infanterie de l'Air. En octobre 1936, l'organisation de l'armée de l'Air fut modifiée de façon à passer sans à-coups du temps
de
paix au temps de guerre.
Un corps aérien lourd (bombardement) et un corps aérien léger (chasse) furent créés. L'aviation de bombardement fut rassemblée dans l'Ouest et le Sud-Ouest, ce qui devait lui permettre d'échapper à une éventuelle attaque-surprise. L'aviation de chasse, concentrée dans la région parisienne et dans l'est du pays, pouvait, quant à elle, intervenir immédiatement en cas de conflit.

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les cent quarante Bloch MB-151 construits en 1938 et 1939 furent réformés ou versés en seconde ligne ! Leur successeur, le MB-152, doté d'un moteur plus puissant, équipait neuf groupes de chasse en 1939. ll était le seul chasseur fortement armé, mais ses canons de 20 mm gelaient en hiver au-dessus de 3 000 m
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Du fait des retards enregistrés dans la production et des difficultés économiques et sociales de l'époque, le plan II connut de graves mécomptes. Les avions du programme de 1932, adoptés pour ce plan, sortirent des chaînes de montage en 1938: ils étaient donc périmés. La nationalisation des industries d'armement et en particulier du secteur aéronautique, décidée par le Front populaire en 1936, entraîna une restructuration
qui
était indispensable, mais dont les effets ne se firent sentir que beaucoup plus tard.
Devant la montée des périls, l'armée de l'Air décida — à l'exemple des Britanniques et dans le cadre du plan III, qui adopta le principe d'un renforcement de la défense antiaérienne de développer son aviation de chasse afin d'assurer une défense plus efficace du territoire. Le plan IV, présenté par le ministre de l'Air en février 1937, fut refusé par les responsables de la défense nationale, ce qui retarda d'un an le
véritable
réarmement de l'armée de l'Air.
L'armée de l'Air à la veille de la guerre
C'est l'aggravation de la situation internationale et la possibilité d'une extension d'un éventuel conflit au bassin méditerranéen qui poussèrent le ministre de l'Air à demander que fussent reconsidérés de toute urgence les objectifs du plan II. La France étant désormais assurée du soutien aérien des Britanniques en cas de guerre, il fallait que l'armée de l'Air fût capable de s'opposer à la Luftwaffe, tandis que la Royal
Air
Force contiendrait la Regia Aeronautica.
Le plan V fut adopté le 15 mars 1938, alors que Hitler venait d'annexer l'Autriche au Reich. Ce plan prévoyait la construction de 4 739 appareils de guerre et la mise en service de matériels nouveaux. La chasse devait recevoir, outre des Morane-Saulnier MS-406, des Bloch MB-152 et des Dewoitine 520. Les Potez 630 et 631 devaient renforcer les groupes de chasse multiplaces, tandis que l'aviation d'observation allait mettre
en
oeuvre les Potez 63/11 et 637, ainsi que le Bloch 174. Tenant compte des enseignements de la guerre d'Espagne, l'état-major général de l'armée de l'Air avait même décidé d'expérimenter des appareils de combat en piqué.
La notion d'aviation d'assaut fut également introduite dans l'armée de l'Air; celle-ci ne disposant d'aucun appareil capable d'assumer de telles missions, il fut décidé d'utiliser le Breguet 690 et ses dérivés, conçus à l'origine comme multiplaces de chasse. Dans le domaine des appareils de bombardement, seuls le Lioré et Olivier LeO-45 et l'Amiot 350 pouvaient donner lieu à une production en série. Mais leur mise au point
fut
retardée par de nombreuses
difficultés techniques. Si importants que fussent les efforts réalisés, l'armée de l'Air n'en accusait pas moins un retard de plusieurs années sur le plan des programmes techniques. Tous les avions qu'elle avait choisi d'adopter étaient issus de spécifications datant de 1934. Les appareils du programme de 1936 n'étaient même pas parvenus au stade du prototype, ce qui excluait leur adoption.
En même temps qu'il lançait le plan V, le ministre de l'Air, Guy La Chambre, nommait, le 22 février 1938, le général Vuillemin au poste de chef d'état-major général de l'armée de l'Air. Aux termes du plan, ce dernier devait porter les effectifs de l'armée de l'Air à 4 700 officiers et 84 000 sous-officiers et hommes de troupe. De renforcement en renforcement, le plan V permit de porter le parc avions à 8 094 appareils en
juin
1939.
A l'époque, l'armée de l'Air était au creux de la vague. L'industrie ne parvenait pas à suivre les cadences de production que le ministre de l'Air et ses services techniques tentaient de lui imposer. En avril 1939, alors que la première tranche du plan arrivait à son terme, les résultats étaient véritablement catastrophiques (sur les 1 878 avions prévus, 527 seulement avaient été livrés aux unités).
Guy La Chambre résolut alors de demander une intensification de l'aide américaine. Dès le début de l'année 1938, en effet, les Français s'étaient adressés aux constructeurs d'outre-Atlantique, qui leur avaient d'ores et déjà livré des Curtiss P-36 (désignés Curtiss H-75 en France) et des Chance Vought 156 destinés à l'Aéronavale. Les commandes en cours portaient sur des Douglas DB-7, des Martin 167 et des NA-57 et 64 d'entraînement.

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Néanmoins, la chasse faisait figure de spécialité privilégiée par rapport à l'observation, encore dotée d'antiques ANF-Les Mureaux 115 et 117. C'est sur un avion de ce type que le premier équipage fut abattu, le 8 septembre; l'hécatombe se poursuivit jusqu'à l'armistice
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Enfin, les corps aériens ayant été supprimés et l'organisation de l'armée de l'Air profondément modifiée (septembre 1938), il fallait plusieurs dizaines d'heures à l'aviation française pour passer sur le pied de guerre et être prête à combattre.
Lorsque la guerre éclata, le 3 septembre 1939, l'armée de l'Air avait à peine amorcé son redressement. Elle disposait de 1 407 avions modernes (MS-406, Potez 630, 631, 637 et 63/11, Bloch 131 et 151-152, Curtiss H-75, Breguet 691, Farman 224 et LeO-45), mais seuls cinq cents d'entre eux étaient susceptibles d'intervenir sur-le-champ.
Des vingt-trois unités qui composaient la chasse, dix-neuf seulement possédaient du matériel moderne (douze d'entre elles volant sur MS-406, quatre sur H-75 et trois sur Potez 631). Les autres formations étaient dotées de Dewoitine 510, de SPAD 510 et même de Nieuport 622, qui ne leur permettaient d'assurer que des missions très limitées.
Bien qu'elle comptât quelques Potez 633 et LeO-45, l'aviation de bombardement était dans une situation alarmante. Les Bloch 200 et 210, les Amiot 143 et les Potez 540, qui constituaient l'essentiel de sa dotation, n'avaient aucune chance face aux intercepteurs modernes de la Luftwaffe.
Quant à l'aviation de reconnaissance, elle comprenait treize groupes, dont six sur Bloch 131 (appareil de transition destiné à être vite remplacé) et quatre sur Potez 637. De son côté, l'aviation d'observation restait la parente pauvre avec des avions aussi divers et démodés que les Mureaux 115 et 117, les Potez 25, 39 et 540, le Breguet 27 et quelques autogires LeO C-30.
Souffrant de la vétusté d'une grande partie de ses matériels, l'armée de l'Air était en outre handicapée par la complexité de ses organes de commandement. Elle était divisée en grandes unités aériennes correspondant chacune à un théâtre d'opérations terrestrés (Ire armée aérienne du général Mouchard sur le théâtre du Nord-Est, IIIè armée aérienne du général Houdemon dans le Sud-Est, face à l'Italie, et Ve armée aérienne du
général
Bouscat, en Afrique du Nord), en forces aériennes mises à la disposition immédiate des armées terrestres (groupes de chasse, de reconnaissance et d'observation), en régions aériennes et en unités de la défense aérienne du territoire.
LA BATAILLE DE FRANCE
Cette situation était aggravée par le partage des pouvoirs entre le général commandant en chef (le général Vuillemin), installé au grand quartier général aérien, et le chef d'état-major général de l'Air, aux ordres du ministre de l'Air.
Le 2 septembre 1939, en vertu des accords d'état-major conclus à partir de 1936, les Britanniques envoyèrent en France l'Advanced Air Striking Force (AASF), composée de bombardiers légers Fairey « Battle », et l'Air Component, rattaché au corps expéditionnaire terrestre en France ( la Brit ish Expeditionnary Force).

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à la déclaration de guerre, deux escadres de bombardement de nuit volaient toujours sur Amiot 143. Totalement périmés, ces avions servirent jusqu'en mai 1940 à larguer des tracts au-dessus de l'Allemagne, avant d'être sacrifiés, avec leurs équipages, dans des missions de jour à basse altitude au-dessus de la Meuse
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L'Air Component alignait quatre squadrons de Westland « Lysander » de coopération et quatre squadrons de Bristol « Blenheim ». Deux squadrons de Hawker « Hurricane » vinrent par la suite renforcer l'AASF.
La « drôle de guerre » dans le ciel
La période dite de la « drôle de guerre » évoque surtout le calme relatif qui régna sur le front de l'Ouest pendant huit mois. En dehors de l'offensive sur la Sarre, au mois de septembre 1939, l'armée française resta l'arme au pied. Il n'en, fut pas de même dans le ciel. Si aucune rencontre marquante n'eut lieu pendant les premiers jours, les choses devaient changer dans la deuxième semaine du conflit.
S'étant engagée à fond en Pologne, la Luftwaffe n'avait conservé sur le front de l'Ouest que deux Luftflotten (les Luftflotten 2 et 3), qui disposaient de 1 300 appareils (des Messerschmitt Bf-109.D et quelques Bf-110, Ju-87 et bombardiers moyens). Hitler ayant ordonné à la Flak de ne pas tirer sur les appareils français ou britanniques, immobilisant ainsi la chasse allemande, les Français purent agir en toute liberté.
L'aviation fut chargée de surveiller la ligne Siegfried et les mouvements des troupes terrestres allemandes. Ces missions de reconnaissance stratégique furent confiées aux groupes de reconnaissance GR-I/33 et 1/52, qui volaient sur Potez 637, tandis que le soutien de l'offensive conduite sur la Sarre était assuré par les forces aériennes 103 et 104, protégées par quelques groupes de chasse.

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Certes, il existait bien quelques appareils aussi modernes que le Dewoitine D.520 , mais ils ne devinrent opérationnels qu'en mars 1940. La plupart des D.520 firent carrière dans l'armée de l'air de Vichy
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Le 8 septembre, l'attitude allemande changea brusquement, et les avions français se heurtèrent à une opposition efficace de la Luftwaffe. Dans l'après-midi, les Bf-109 abattirent un Mureaux 115 du GAO-533 (groupe aérien d'observation). Le lieutenant Davier et le sergent-chef Piaccentini, qui se trouvaient à bord de cet avion, furent les premiers morts de l'armée de l'Air.
Le même jour eut lieu le premier combat aérien entre les Curtiss H-75 du GC-II/4 (groupe de chasse) et quatre Bf-109, dont deux furent abattus. Dans les jours suivants, les intercepteurs de la Luftwaffe devaient mettre à mal de nombreux appareils de reconnaissance français qui opéraient sans protection de chasse au-dessus du territoire allemand.

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Les Potez 63/11 nettement sous-motorisés, constituaient l'ossature des unités de reconnaissance et de chasse de nuit. Ils tombèrent sous les coups des Bf-109
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Mais c'est à partir du 20 septembre qu'eurent lieu les grandes rencontres entre les chasseurs adverses. Depuis le milieu du mois, il devenait en effet évident que l'aviation allemande commençait à rappeler de nombreuses unités de Pologne. Les combats les plus durs se déroulèrent les 24 et 30 septembre, et, durant ces deux journées, l'armée de l'Air revendiqua une dizaine de Bf-109 et un Henschel 123.
Ce mois de septembre fut d'ailleurs le plus meurtrier de la « drôle de guerre », avec trente-huit avions perdus du côté français et une vingtaine du côté allemand. Les pilotes français s'étaient bien comportés face aux Bf-109.D. Mais l'arrivée en grand nombre du modèle E inquiétait le commandement et le poussait à activer la modernisation de toutes les spécialités.
Dans ce dessein, et pour profiter du répit inespéré que l'Allemagne leur accordait encore à l'Ouest, les responsables du ministère de l'Air mirent au point un nouveau plan de réarmement, le plan V de guerre.
Celui-ci démarra le 14 septembre; il avait pour objectif d'aligner 3 204 avions en ordre de bataille et de créer des réserves, ce qui devait porter le potentiel de l'armée de l'Air à 6 489 appareils. Au début d'avril 1940 (date limite d'exécution du plan V), les résultats étaient assez éloignés des prévisions initiales. Seule l'aviation de chasse donnait satisfaction au haut commandement de l'armée de l'Air.

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Les Potez 631 nettement sous-motorisés, constituaient l'ossature des unités de reconnaissance et de chasse de nuit. Faciles à confondre avec les Bf-110, serviren souvent de cibles à la DCA
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Sur les 2 963 monoplaces et mi tiplaces de chasse dont la fabrication avait été prévu 2 138 étaient sortis des chaînes. Le ler avril 1940, unités et l'entrepôt 301 de l'armée de l'Air avaient p en compte 1 063 Morane-Saulnier MS-406, 489 BIo MB-151-152, 206 Curtiss H-75.A, 31 Caudron CR-71 32 Dewoitine D.520, 290 Potez Po-630-631.
En revanche, la situation des unités de bombardement était extrêmement préoccupante. A la même date, en eff seuls 280 appareils sur le chiffre de 1 940 fixé en st tembre 1939 avaient été livrés. Il s'agissait de B guet 691, de Glenn Martin 167.F, de Douglas DB de Lioré 45, d'Amiot 351 et de trois Loire-Nieuport 4.
L'aviation de renseignement n'avait reçu, quant à el que 660 des 1 122 avions promis à l'ouverture o hostilités. Quant à l'aviation de transport, sa modo nisation et son renforcement avaient été quasime nuls malgré les importantes ponctions effectuées dans flotte d'Air France. En février 1940, devant réa patent du plan V de guerre, le grand quartier général aérien mit au point le plan VI.
Lancé en avril 1940, ce plan devait porter les effect de l'armée de l'Air en première ligne à 3 534 avions guerre (1 770 chasseurs, 732 bombardiers et 1 032 app reils de renseignement). Au total, l'armée devait ê équipée, au mois d'avril 1941, de 9 186 avions répar en cinquante groupes de chasseurs monoplaces, dix chasseurs multiplaces, cinq escadrilles de chasse nuit, vingt-deux groupes de bombardement moyen lourd, seize
groupes
de bombardement d'assaut, quir groupes de reconnaissance et soixante groupes d'obs vation. L'aviation d'attaque en piqué avait été délais& l'armée de l'Air ne croyant guère à son utilité.

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au matin du 10 mai 1940, les bombardiers allemands passent à l'action.
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Parallèlement au développement du programme industriel, on avait entrepris de moderniser les unités. Quelques jours après la déclaration de guerre, la majorité des groupes de bombardement furent repliés dans le Midi, où s'était constitué le groupement d'instruction de l'aviation de bombardement du Sud-Est.
Ne restaient en ligne que quelques unités équipées d'Amiot 143 et de Farman 222. Entre février et mars 1940, quatorze groupes étaient prêts à combattre sur du matériel moderne : Lioré 45, Amiot 351 et Breguet 691 et 693. A la veille de l'attaque allemande du 10 mai 1940, sept formations pouvaient intervenir dans la bataille avec des avions adaptés (deux groupes de Leo-45, deux de Breguet 693 et trois de Glenn Martin 167).
Vingt unités se trouvaient en cours de transformation (huit sur LeO-45, deux sur Amiot 350, deux sur Glenn Martin, trois sur Breguet 693 et cinq sur Douglas DB-7). En outre, six groupes conservaient leurs avions anciens (Farman 221-222 et Amiot 143). Ainsi, le 10 mai, seuls 260 bombardiers étaient en état de combattre, et 121 d'entre eux étaient modernes.
L'entrée en guerre n'interrompit pas la modernisation de la chasse, qui fut basée sur les Morane 406 et les Bloch 152 jusqu'en février 1940. A cette date, les premiers Dewoitine 520 étaient réceptionnés par le groupe de chasse 1/3. 11 ne faisait plus aucun doute, en effet, que le Morane 406 ne pouvait rivaliser avec les intercepteurs allemands et qu'il fallait le remplacer rapidement.

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A l'aube du 10 mai, le ciel appartenait à la Luftwaffe. Les Luftflotten 2 et 3, des généraux Kesselring et Sperrle, lançaient leurs Ju-87 sur les lignes de front.
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Mais, au mois de mai, le 1/3 était encore, parmi les vingt-huit groupes considérés comme modernisés, le seul à mettre en ligne le Dewoitine 520. L'Arsenal VG-33, chasseur de la troisième génération sur lequel le haut commandement fondait de très grands espoirs, ne figurait pas dans l'ordre de bataille de l'aviation française.
Au moment de la signature de l'armistice, cinq de ces appareils seulement avaient été livrés à l'armée de l'Air. Le 10 mai 1940, l'aviation de chasse comptait en métropole 637 appareils, dont 570 chasseurs monoplaces. Sur ce nombre, 450 étaient Immédiatement disponibles.
Enfin, face aux Allemands, l'aviation de renseignement disposait de 489 appareils, dont 281 modernes. La reconnaissance mettait en oeuvre des Potez 63/11 et des Glenn Martin, ainsi que l'excellent Bloch 174 (en petit nombre, cependant). De son côté, l'aviation d'observation, dans sa majorité (35 groupes sur 46 et 8 escadrilles), était dotée de Potez 63/11, sous-motorisés.

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Les He-111 bombardèrent les terrains alliés. En quelques heures, les Néerlandais et les Belges perdirent cent vingt appareils; mais, contre l'armée de l'Air, la surprise ne joua pas, et les pertes françaises furent faibles.
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La drôle de guerre avait donc permis aux Français de renforcer et de moderniser leur armée de l'air. Il n'en reste pas moins que, si l'aviation française était en meilleur état au 10 mai 1940 qu'au 3 septembre 1939, elle n'était toujours pas capable de contenir la Luftwaffe. Pendant la drôle de guerre, ses pertes s'étaient élevées à 124 appareils (contre 77 pour les Allemands). L'aviation de renseignement avait effectué 2
000
missions et la chasse 9 500.
Les ponts du canal Albert
A la veille de la grande offensive allemande, l'armée de l'Air, sous le commandement du général Vuillemin, installé à Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, était répartie en quatre zones d'opérations aériennes (ZOA) depuis le mois de février 1940, date de la suppression des armées aériennes.
La zone d'opérations aériennes Nord (général d'Astier de La Vigerie) couvrait le secteur du 1 er groupe d'armées terrestres. On y trouvait le groupement de chasse 21 (général Pinsard), le groupement de chasse 23 (général Romatet) et le groupement de chasse 25 (colonel de Moussac).
Le général Escudier dirigeait la Ire division aérienne de bombardement, formée des groupements de bombardement moyen 6 et 9 et du groupement de bombardement d'assaut 18. Un commandement de la chasse de nuit, sous les ordres du colonel Dordilly, assurait la défense de la capitale.
Des unités de coopération, composées de groupes aériens d'observation et de bataillons d'aérostation rattachés aux corps d'armée, avaient été réparties entre les Ire, 11e, VIIe et IXe armées. En outre, des groupes de chasse et de reconnaissance avaient été affectés à chaque armée.
A la zone d'opérations aériennes Est (ZOAE) du général Bouscat étaient affectés le groupement de chasse 22 (colonel Dumêmes) et la 3e division aérienne de bombardement (général Valin).
Le général Odic commandait la zone d'opérations aériennes Sud (ZAOS), comprenant le groupement de chasse 24 et la 6e division aérienne (général Hébrard).
Enfin, une zone d'opérations aériennes des Alpes montait la garde face à l'Italie. Cinq groupes de chasse, dont un n'avait pas encore reçu d'appareils (GC-II/9), la 11 e division aérienne et les douze unités du groupement d'instruction d'aviation de bombardement du Sud-Est la composaient.

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le Major Werner Moelders (à droite) en conversation avec Hermann Goering. Avec vingt-cinq victoires, dont seize remportées sur des appareils français, Moelders était considéré en 1940 comme le meilleur chasseur de la Luftwaffe. Abattu en combat aérien le 5 juin par le sous-lieutenant Pommier-Layrargues, du GC-ll/7, sur 0.520, et fait prisonnier, il fut libéré quelques jours plus tard par l'armistice.
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Aux 1 394 appareils de première ligne de l'armée de l'Air et aux 416 avions de l'Air Component et de l'Advanced Air Striking Force, la Luftwaffe opposait 3 959 machines volantes réparties en deux Luftflotten. Par ailleurs, la Force aérienne belge et la Luchtvaartafdeling néerlandaise pouvaient, en cas d'agression allemande, apporter aux Franco-Britanniques le concours d 301 avions. Mais leur matériel manquait d'homogénéité
et
ne pouvait espérer rivaliser avec celui de la Luftwaffe.
Dans le cadre du « plan jaune », conçu pour l'offensive sur le front de l'Ouest, la Luftwaffe avait reçu pour mission de détruire les avions français, belges et néerlandais sur leurs aérodromes. Les points sensibles du réseau ferré reliant l'est de la France à la Champagne et au Soissonnais furent aussi bombardés.
La chasse franco-britannique parvint à contenir en partie les attaques des bombardiers allemands. Si les pistes des soixante-douze bases assaillies à l'aube du 10 mai souffrirent assez peu, une soixantaine d'appareils furent cependant détruits au sol. Les aviations belge et néerlandaise subirent des pertes importantes (la moitié de la Luchtvaartafdeling fut anéantie en une journée).
Dès que les troupes franco-britanniques entrèrent en Belgique, comme l'avait prévu le plan Dyle, le général Vuillemin détacha auprès des forces terrestres les trois groupes de reconnaissance stratégique basés dans le Nord-Est, et des groupes de bombardement et d'assaut.
Le général Têtu, chef des forces aériennes de coopération, donna l'autorisation aux groupes de bombardement de jour d'attaquer les colonnes allemandes et les terrains. Mais, en dehors du bombardement des unités de la XVIe armée allemande par trente-deux Battle de l'AASF, qui furent littéralement décimés par la Flak, la réaction franco-britannique se révéla disproportionnée par rapport aux moyens mis en oeuvre par la Luftwaffe.
Pendant la nuit cependant. des Amiot 143 s'en prirent aux terrains de GladbachKeyd, Bonn-Hangelar et Wittlich. Au terme de cette première journée de bataille, la chasse française revendiquait, au cours des 360 sorties qu'elle avait effectuées. 44 appareils allemands pour la perte de 24 avions.

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un Messerschmi Bf-109.E3 du I/JG-76 (plus tard, l/JG-54) contraint d'atterrir dans les lignes françaises, près de Sarreguemines, le 22 novembre 1939. L'appareil fut remis en état par le CEV pour évaluation.
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Le 11 mai, vers midi, les blindés allemands, ayant pénétré profondément dans les lignes belges, atteignaient le canal Albert et la Meuse. Pour les Alliés, la destruction des ponts qui franchissaient ces voies d'eau était vitale. Aussi y engagèrent-ils des moyens de plus en plus importants. Les Belges, les premiers, envoyèrent neuf Battle, dont six furent abattus avant même de parvenir sur l'objectif.
Ils furent suivis par les Blenheim du Bomber Command, qui n'obtinrent pas de résultats. Vers la fin de l'après-midi, le général Têtu demanda à l'aviation de bombardement d'accomplir sa première sortie de jour depuis le début de la bataille. Les LeO-45 des groupes de bombardement 1/12 et 11/12 (groupement 6), escortés par des Morane 406, piquèrent sur les ponts et sur les colonnes motorisées entre Maestricht et Tongres.
Un seul avion fut détruit, mais les autres revinrent plus ou moins endommagés. Le lendemain, les objectifs du bombardement français ne varièrent pas. Mais les unités, éprouvées par les actions de la veille, ne furent prêtes à repartir que tardivement. Ce sont donc les Britanniques qui inaugurèrent une nouvelle série d'attaques. Battle et Blenheim furent encore une fois décimés par la chasse et la Flak.

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Pendant la drôle de guerre, des pilotes de chasse français se préparent pour une mission. Surclassés par le matériel allemand, ils se battirent néanmoins jusqu'au dernier jour.
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A leur tour, les Breguet 691 et 693 du groupement d'assaut 18 bombardèrent et mitraillèrent les véhicules ennemis qui encombraient les routes reliant Tongres à Looz et à Waremme. Mais ils furent sévèrement étrillés, et huit des dix-huit appareils engagés s'écrasèrent au sol.
Le 13 mai, alors que débutait la bataille de la Meuse, le haut commandement de l'armée de l'Air prit la décision de soutenir les forces terrestres avec toutes les unités disponibles. Pour ce faire, le général Vuillemin dégarnit la couverture aérienne de la basse Seine en y prélevant les groupes de chasse 11/10 et 111/10 et les escadrilles de chasse de nuit de la région parisienne.
En outre, cinq groupes de bombardement furent mis à la disposition du général Têtu. Le 14 mai, harcelées tout au long de la journée par les chasseurs et les bombardiers français, les troupes allemandes réussirent cependant à franchir la Meuse. Devant cette situation dramatique, le haut commandement de l'armée de l'Air leva les restrictions qui limitaient à la nuit l'emploi du matériel de bombardement ancien.
Au début de l'après-midi, treize Amiot 143 démodés des groupes de bombardement de nuit 1/34 et 1/38 et six LeO-45 assaillirent à basse altitude Sedan et Bazeilles. Cinq d'entre eux furent abattus et deux autres gravement touchés. Le 15 mai, une autre action, menée dans la même région par une quinzaine de LeO-45 et de Breguet 693, ne put empêcher les blindés allemands de rompre le front de la IXe armée.
LA BATAILLE DE FRANCE
Dès lors, les Panzer exploitèrent leurs succès et reprirent leur progression vers l'ouest. Les forces aériennes soutinrent alors les troupes terrestres, qui tentaient désespérément de colmater la brèche.
L'avance allemande menaçait les bases de l'armée de l'Air, et, dès le 16, le général Vuillemin commença à envisager les premiers replis. Ce jour-là, le GC-11/6, surpris au sol par une formation de Dornier Do-17, perdit seize de ses dix-huit Morane 406. Il fallut le renvoyer à l'arrière pour le reconvertir sur Bloch 152.

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Fairey Battle du Squadron 88 de l'AASF, escortés par des Curtiss H-75 de la 1 re escadrille du GC-I/5, basé à Suippes. Jusqu'au 16 mai, huit squadrons de bombardement léger de la RAF furent sacrifiés dans la bataille.
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Sur le front, l'aviation de bombardement s'attacha à freiner les chars qui fonçaient vers la Manche. Les LeO-45 et les Breguet 693 remportèrent quelques succès, qui n'influèrent guère sur le cours général des combats. Le 17 mai, après avoir envoyé au général Têtu trois groupes de bombardement, un groupe de chasse et une escadrille d'attaque en piqué de la Marine, le général Vuillemin annula les missions de bombardement prévues
pour la journée, afin de permettre un regroupement et une remise en état des unités.
Le lendemain, le chef des forces aériennes de coopération demandait aux bombardiers d'opérer le plus près possible du front dans le but d'économiser le matériel, car le potentiel des formations de chasse et de bombardement s'épuisait dangereusement.
Les pilotes de chasse manquaient, et il avait fallu faire appel aux moniteurs des écoles. De même, le nombre de chasseurs disponibles devenait insuffisant. Les avions armés des centres d'instruction durent être amenés en première ligne. L'inefficacité du service de guet n'arrangeait pas les choses.
Le 19 mai, des Heinkel He-111 bombardèrent le terrain de Persan-Beaumont, où se trouvaient concentrés les appareils de trois groupes de bombardement français, ne laissant intacts que quatre Le0-451. Le 19 marqua aussi le chant du cygne des avions d'attaque en piqué français : les Loire-Nieuport 401 et 411.
Intégrés dans les escadrilles AB.2 et A B.4 de l'Aéronavale, ces appareils, au nombre d'une vingtaine, se présentèrent au-dessus des colonnes allemandes près de la forêt de Mormal. Dix d'entre eux furent abattus; les autres s'échappèrent de cet enfer troués comme des passoires. Le lendemain, les Chance Vought VF-156 de l'escadrille AB.1 n'eurent pas plus de chance, et six des dix avions qui attaquèrent un front sur l'Oise
furent
détruits par la Flak.

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seuls bombardiers gros porteurs de l'armée de l'Air, les quelques Farman F.222-2 de la 150 escadre participèrent à la « guerre des tracts », et, bien que totalement périmés, furent engagés dans des missions offensives en mai et juin 1940.
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Le 21 mai, les Allemands établirent une tête de pont au sud d'Amiens. L'engagement de la totalité de la chasse française coûta une douzaine d'avions à la Luftwaffe. Il n'en restait pas moins que, le 23, le groupe d'armées Nord se trouvait bel et bien encerclé dans les Flandres. La chasse et le bombardement couvrirent les unités prises au piège en Belgique pendant la journée du 24.
Trois jours plus tard, des formations de la Royal Air Force et deux groupes aériens français étaient chargés d'assurer la couverture aérienne du groupe d'armées Nord. Le 28, les Belges capitulaient en rase campagne, tandis que les Anglais lançaient l'opération « Dynamo », qui visait à évacuer les troupes du corps expéditionnaire britannique et les Français de la Ire armée, encerclés dans la « poche » de Dunkerque.
Constatant que, depuis le 10 mai, la plus gram partie des unités dont il disposait avaient été engagé, au profit de la zone d'opérations aériennes Nord, général Vuillemin en reprit le contrôle le 31. Le 2 jui l'évacuation des armées franco-britanniques ve l'Angleterre était sur le point de s'achever. Les All mands décidèrent alors de frapper un grand coup si le plan psychologique en bombardant Paris et r détruisant les usines
de constructions aéronautiques la capitale et de sa banlieue. Le 3 juin, deux cents bon bardiers He-111 et Do-2I 5, accompagnés par ce] cinquante Bf-109 et Bf-110, s'envolèrent vers Paris.
Prévenus depuis le 23 mai, les Français avaient organi un puissant système de défense. Les groupements ( chasse 21 et 23 et les Po-631 de chasse de nuit de région parisienne attendaient les bombardiers de la Luftwaffe sur le chemin de l'aller, tandis que le groupement de chasse 22 était chargé de les « cueillir » sur celui du retour. Les Belges et les Polonais du GC-I/145 participèrent à cette dure bataille aérienne, qui
fut
la plus meurtrière de la campagne. Treize navigants furent tués, et les divers groupes de chasse revendiquèrent dix-neuf victoires, dont six probables.

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Breguet 693 AB2 de la 54e escadre de bombardement et d'assaut repliés à Toulouse-Francazal en juin 1940. Sur les cent trente-neuf Breguet 691 et 693 livrés à l'armée de l'Air avant l'armistice, cinquante-neuf furent perdus en six semaines de combat.
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Le bilan de cette première phase de la gigantesque bataille qui s'était livrée en Belgique et dans le nord de la France s'établissait ainsi : 787 appareils perdus par l'armée de l'Air (473 chasseurs, 120 bombardiers, 194 appareils de reconnaissance ou d'observation) et 549, dont 375 sûrs (chiffres français), par la Luftwaffe.
La fin et l'armistice
Les Allemands repartirent à l'attaque sur la Somme et l'Oise le 5 juin au matin. Une fois de plus, le général Vuillemin céda aux forces aériennes de coopération une importante partie de ses moyens, à savoir un groupe de reconnaissance et sept groupes de bombardement. Renforçant l'action de l'aviation de chasse, ces formations ne purent empêcher les blindés de percer le front.
Au cours de la nuit, l'aviation britannique intervint en bombardant les lignes de communication allemandes. Mais, le 7 juin, les Panzer exploitaient déjà la percée et se dirigeaient vers Rouen et Beauvais. L'aviation de chasse dut alors se lancer dans de dangereuses attaques au canon contre les blindés ennemis, missions dont peu d'appareils revenaient indemnes.
De son côté, le bombardement léger s'attachait à couper les ponts restés intacts. Le 9 juin, les Allemands atteignaient la Seine et, le lendemain, ils prenaient Rouen. Le repli des formations aériennes s'accéléra avec l'avance allemande, ajoutant à la fatigue des pilotes déjà surmenés. Tous les deux ou trois jours, les unités se voyaient obligées de changer de terrain.

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formule civile adaptée aux « besoins » des militaires, le Caudron C-714 s'avéra d'emblée un échec lamentable. Seuls les pilotes polonais du GC-I/145 se battirent aux commandes de ce chasseur léger et parvinrent à remporter sept victoires entre le 2 et le 10 juin 1940.
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Les avions s'entassaient de plus en plus nombreux sur des aérodromes qui se faisaient de plus en plus rares. La confusion qui régnait au sol poussa le commandement terrestre à faire appel toujours davantage à l'aviation pour connaître exactement la situation générale et la position des unités. En plus de ses missions normales, l'aviation de chasse dut assurer des sorties de reconnaissance et pallier la défaillance presque
totale
de l'aviation de renseignement, chassée du ciel.
Le 16 juin, inquiet de l'entassement des formations sur un nombre restreint de terrains, le général Vuillemin estima que le transfert en Afrique du Nord de la majorité des unités de l'armée de l'Air s'imposait. Depuis le 14 Paris était tombé, et l'issue de la campagne ne faisait désormais plus de doute.
Dans la mesure où leur rayon d'action rendait possible la traversée de la Méditerranée, plus de six cents appareils modernes vinrent se réfugier en Algérie et en Tunisie. Ce même 16 juin, en raison de l'enchevêtrement des unités, le général Vuillemin décida de limiter les opérations de bombardement à des objectifs bien précis et d'intervenir de nuit.
Du côté britannique, toutes les formations qui restaient sur le continent se replièrent sur la Grande-Bretagne, à l'exception de cinq squadrons de chasse. A partir de ce moment, l'activité de l'armée de l'Air commença à décroître. Les derniers bombardements et les ultimes mitraillages furent effectués contre les colonnes allemandes dont l'avance menaçait directement les communications du groupe d'armées des Alpes.

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Curtiss H-75 de la 2e escadrille du G C-11/5 victime d'une « mise en pylône » sur le terrain embourbé de Toul - Croix-de-Metz au printemps 1940
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Le 10 juin, avec l'entrée en guerre de l'Italie, l'armée de l'Air était engagée sur le front des Alpes. Le 26 mai, un groupement de chasse 24 avait été formé avec le GC-III/3, l'escadrille de chasse de nuit 5/13, l'escadrille mixte polonaise, le GC-I1I/6, l'escadrille polonaise de Montpellier, une escadrille de la Marine et une flottille d'hydravions.
Ce groupement fut renforcé, début juin, par un autre groupe et quatre escadrilles. Les hostilités débutèrent seulement dans la nuit du 12 au 13 juin, lorsque la Regia Aeronautica bombarda une fabrique de torpilles située à Saint-Tropez. Le 13 juin, des Fiat BR-20, surpris par une patrouille de chasse au-dessus d'Hyères, perdirent trois des leurs.
Un important combat aérien se déroula le 14 juin au-dessus de Saint-Tropez contre des Fiat CR-42; ce jour-là, l'adjudant Le Gloan abattit cinq avions italiens, ce qui lui valut ses galons de sous-lieutenant. Par la suite, Marseille, les terrains de Corse et Cannes furent attaqués. De leur côté, les Français bombardèrent des objectifs militaires en territoire italien.

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Les Lioré et Olivier LeO-451 étaient, avec les Amiot 351 et 354, les seuls bombardiers vraiment modernes dont disposait l'armée de l'Air; quatre escadres en étaient équipées au moment de l'offensive allemande. Rapides et bien défendus, ils subirent néanmoins de lourdes pertes, car employés à trop basse altitude
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Le 25 juin 1940, l'armistice entrait en vigueur, à 0 h 15 avec l'Italie et à 0 h 35 avec l'Allemagne. L'armée de l'Air n'existait pratiquement plus en métropole. Mais la chasse et la DCA françaises revendiquaient respectivement 733 et 120 appareils allemands, ce qui portait le total des pertes de la Luftwaffe à 853 avions.
Les Français accusaient la perte de 852 appareils (504 chasseurs, 211 bombardiers et 137 appareils de reconnaissance ou d'observation). Sur ce total, 410 avions avaient été détruits en combat, les autres, soit 442, l'avaient été par bombardement ou par accident entre le 10 mai et le 25 juin 1940; cinq cents pilotes français furent tués, blessés ou portés disparus, ce qui représentait 20 % des officiers et 15 % des sous-officiers
navigants de l'armée de l'Air.

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un sous-officier de la Luftwaffe examine le Morane-Saulnier MS-406 (abandonné) d'un commandant de groupe de la 2e escadre de chasse. L'appareil arbore les emblèmes de quatre SPA de cette unitée.
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Il est certain que les 853 appareils perdus par la Luftwaffe, sans compter les accidents et les pertes dues aux aviations belge et néerlandaise, manquèrent cruellement à Goering au moment où il lança ses avions vers un autre objectif : l'Angleterre.
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