Les
43 prototypes dont il mena l'expérimentation en trente ans
de carrière font de Marcel Doret l'un des pilotes d'essai
les plus prestigieux de l'entre-deuxguerres. Né à
Paris, le 3 mai 1896, ce jeune mécanicien, passionné
d'aviation, vécut son adolescence à Versailles, tout
près du terrain d'lssy-les-Moulineaux sur Iequel il put admirer
les exploits des pionniers du « plus lourd que l'air ».
Quand
éclata la Grande Guerre, Doret, qui venait tout juste d'avoir
dix-huit ans, s'engagea dans l'artillerie, qu'il quitta au bout
de trente-six mois, à la suite d'une blessure. Décoré
de la médaille militaire, le jeune homme fut, une fois guéri,
autorisé à tenter sa chance dans l'aviation. Il partit
donc pour Dijon avant de rejoindre Chartres. Était-il doué
ou avait-on un besoin urgent de pilotes? Toujours est-il que Doret
fut lâché après un peu plus de 1 h 40 mn de
vol en double commande.
Après
avoir achevé sa formation, il fut dirigé sur Avord,
puis vers l'école d'acrobatie de Pau, pépinière
des pilotes de chasse de l'aéronautique militaire française.
Mais, alors qu'il était fin prêt à se battre,
les qualités qu'il avait toujours affichées et les
impératifs de l'heure le firent désigner comme moniteur.
A un homme avide d'action comme Doret un tel poste ne convenait
guère. Aussi fut-il satisfait d'être affecté
au réglage et à la réception des appareils
réparés. C'est ainsi qu'il allait faire ses débuts
dans le difficile métier de pilote d'essai.
Démobilisé,
Marcel Doret fut, comme nombre de ses camarades de l'aéronautique
militaire, obligé de se reconvertir et il dut, quatre années
durant, travailler dans l'industrie automobile comme mécanicien
et représentant. Il ne négligeait cependant aucune
occasion de s'entraîner, n'ayant jamais perdu l'espoir de
revenir à l'aviation. Et puis, un jour, en Grande-Bretagne,
tandis qu'il se livrait à une démonstration pour une
firme automobile, un télégramme de son ami Rabatel
lui annonça qu'une société française
recherchait un pilote d'essai. C'est ainsi que le 1.' juin 1923,
Doret entra chez Dewoitine.
Le
premier appareil qu'on lui confia fut un D.1 C1, dont le prototype
avait été mis au point par Georges Barbot, machine
volante sur laquelle il battit, en décembre 1924, son premier
record de vitesse sur 1 000 km volant à une moyenne de 223
km/h.
Mais le travail de Doret consistait aussi à effectuer
des missions de propagande dans les pays étrangers. Présentant
un jour le nouveau Dewoitine de chasse D.19 à Zurich, il
fit contre son habitude un atterrissage normal, mais avec une charge
de 70 kg en l'occurrence son mécanicien Simon assis dans
le fuselage située en arrière du centre de gravité
de son appareil, prouvant ainsi la stabilité de celui-ci.
En
1927, bien que la maison Dewoitine connat de graves difficultés,
Marcel Doret, sollicité par de nombreux constructeurs, refusa
toutes les propositions qui lui étaient faites par fidélité
à Émile Dewoitine, l'homme qui lui avait donné
sa chance. A partir de ce moment, il vécut exclusivement
de la voltige et acquit un D.1 ter sur lequel il installa une caméra
qui lui permit de tourner de nombreuses séquences d'acrobatie.
Celles-ci, montées par J.C. Bernard, furent rassemblées
dans un film intitulé Roi de l'acrobatie aérienne,
qui fit connaître Doret et lui valut quelques contrats.
Au
cours de l'importante rencontre de voltige aérienne qui se
déroula près de Zurich au mois d'août 1927,
il prit la troisième place, derrière le Français
Fronval et l'Allemand Fieseler. Au mois d'octobre suivant, il rencontrait
à nouveau Fieseler à Tempelhof, dans un duel d'acrobatie
en trois manches dont il sortit vainqueur.
Désormais, il
ne cessa plus de se produire, à Vincennes, au Bourget. à
Bruxelles et aux Etats-Unis où, à l'issue des National
Air Races, il se vit décerner le titre de champion du monde
d'acrobatie aérienne. A cette dernière occasion, il
parvint à effectuer sur un hydravion Savoia-Marchetti qu'il
pilotait pour la première fois une série de loopings
à 200 m, suivie de virages à la verticale.
Puis,
le 21 novembre 1930, Doret prit les commandes du D.33 Trait d'union,
un grand monoplan aux lignes élancées dont le surnom
allait constituer le titre du livre qu'il écrirait par la
suite. Secondé par Le Brix, il réussit, en juin 1931,
à parcourir 10 732 km en circuit fermé sans ravitaillement;
c'était la première fois au monde que le cap de 10
000 km était ainsi franchi.
Aussitôt après,
il s'attaqua à un raid Paris-Tokyo sans escale avec Le Brix
et Mesmin. Une première tentative s'acheva par une panne
au-dessus de l'Oural (juillet 1931). Deux mois plus tard, un second
essai prit fin sur un drame. Si Doret réussit à se
parachuter de son appareil en perdition, ses deux compagnons n'eurent
pas la même chance et ils périrent dans l'accident.
Après
une longue période de doute, le grand pilote d'essai revint
cependant à l'aviation. En juillet 1933, il assura le premier
vol du Dewoitine D.332 et battit, deux mois après, quatre
records de vitesse avec quatre passagers à bord.
Le 26 septembre
suivant, avec trois hommes d'équipage et plusieurs passagers,
il relia Le Bourget à Londres en 1 h 20 mn, établissant
ainsi un record de vitesse sur parcours commercial. Tout en prenant
part à de nombreux meetings, Doret n'en continuait pas moins
à expérimenter les appareils mis au point chez Dewoitine.
En 1937, il essaya à nouveau de réaliser le rêve
qui le hantait depuis des années, le raid Paris-Tokyo, mais
il dut renoncer à 500 km du but.
Après
une longue éclipse due à la guerre et à la
mise sur pied, en 1944, d'un groupe de chasse F.F.I., équipé
de Dewoitine D.520 repris à l'occupant, Marcel Doret recommença
à voler. En 1948, il prit part aux National Air Races de
Cleveland sur un planeur Habitch (il s'était intéressé
au vol à voile avant le conflit), et il fit sa dernière
apparition au cours du meeting de Reims, en juin 1955, avant de
s'éteindre, deux mois plus tard, dans sa maison de Vernet,
près de Toulouse.
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