PREMIER AUTOUR DU MONDE
La Douglas Aircraft Company : l'un des constructeurs aéronautiques les plus puissants du monde, dont l'histoire a commencé par un périple autour du globe
La Douglas Aircraft Company est actuellement l'une des divisions les plus importantes de la McDonnellDouglas Corporation, qui figure au nombre des plus célèbres entreprises industrielles de pointe au niveau mondial. Peu de noms sont ainsi demeurés sur le devant de la scène aéronautique, et, dans le domaine aérospatial, aucune société n'a créé autant de produits différents qui aient été des succès.

|
Le Cloudster premier avion de la firme en cours de montage dans l'atelier de la Davis-Douglas Company, à Los Angeles, en 1920. Donald Wills Douglas, en costume sombre, est assis en place arrière dans le fuselage, construit en bois et en toile
|
L'aventure commença le 22 juillet 1920, quand Donald Wills Douglas, abandonnant son travail chez Martin, décida de construire pour son propre compte des avions à usage civil. Il n'aurait pu choisir plus mauvaise période, les surplus militaires regorgeant à l'époque d'appareils bon marché.
Né à Brooklyn en 1892, Douglas, après avoir suivi les cours de l'US Naval Academy, obtint le diplôme d'ingénieur en aéronautique du Massachusetts Institute of Technology, avant de devenir en 1914 le premier pilote instructeur du MIT. Après un passage à la Connecticut Aircraft, il entra comme ingénieur en chef à la Glenn L. Martin Company (1916), où il conçut les premiers bombardiers Martin.
L'après-guerre s'annonçait difficile, et, bien que Martin apparût comme l'une des rares firmes aéronautiques dont l'avenir semblât assuré, Douglas décida de faire ses preuves sous son nom. Il s'établit en Californie et, avec l'aide d'un riche sportif nommé David R. Davis, fonda la Davis-Douglas Company. Il installa son bureau dans l'arrière-boutique d'un coiffeur et loua un atelier à Los Angeles.
De la première commande passée par Davis naquit le Cloudster, un imposant biplan de sport à la finition soignée, avec deux sièges-baquets en tandem. Construit en bois entoilé et entretoisé avec des fils métalliques,
il était propulsé par un moteur Liberty de 400 ch et fut présenté comme le premier avion au monde à pouvoir transporter une charge marchande supérieure à son propre poids à vide. Si, techniquement, le Cloudster était une réussite, commercialement, il ne pouvait être compétitif par rapport aux appareils provenant des surplus. Par chance, sa taille, sa puissance et sa charge utile correspondaient exactement aux spécifications
émises par la
Navy en 1921 pour un bombardier torpilleur.

|
le prototype du DT-1. Ce monoplace de torpillage était extrapola du biplace de tourisme Cloudster, dont il différait principalement par son fuselage en tubes d'acier, son train d'atterrissage plus lourd et plus robuste et par ses ailes repliables.
|
Examiné en avril, le projet Douglas (Douglas Torpedo 1) fut sélectionné. Pour l'époque, c'était une machine robuste et bien équipée, d'une envergure de 15,24 m pour une longueur de 11,46 m et un poids en charge de 3 308 kg. Il différait du Cloudster par son fuselage (armature de tubes d'acier et entretoisement plus serré) et par le fait que, malgré sa taille, il était monoplace; le siège du pilote était situé en arrière des
ailes, celles-ci
étant repliables.
Trois appareils ayant été commandés, Douglas et ses huit employés s'installèrent, pour démarrer la production, dans un hangar à ballons loué à la société Goodyear. A l'origine, les trois exemplaires du DT-1 devaient être munis de roues et de flotteurs interchangeables. Mais le deuxième et le troisième exemplaires, modifiés, furent redésignés DT-2 et donnèrent naissance à la série.
Le DT-2 fut dans les années vingt le torpilleur standard de l'US Navy. Il était pourvu de trois cockpits séparés pour le pilote, le mécanicien torpilleur (également chargé de la navigation et de la visée) et l'opérateur radio, qui s'occupait aussi de la mitrailleuse dorsale (disposition qui restera en vigueur jusqu'à la Seconde Guerre mondiale).

|
un des quatre Douglas « World Cruiser » (développements du DT-2) qui effectuèrent, en 1924, le premier périple autour du monde. L'avion, baptisé New Orleans et piloté par les lieutenants Harding et Nelson, est vu, ici, avant sa traversée de l'Atlantique
|
En comptant les deux premiers exemplaires, Douglas construisit au total quarante DT-2 (qui furent livrés entre 1922 et 1924), vingt autres ayant été produits par l'IWF Engineering Company Inc. et six par la Naval Aircraft Factory. Les bénéfices ainsi réalisés permirent à Douglas d'assurer seul le financement de son entreprise, qui devint la Douglas Aircraft Company.
« Premier autour du monde »
En 1923, l'Army Air Service décida d'organiser un raid autour du monde. Le DT-2 apparaissant comme l'appareil le mieux adapté au projet, l'Army commanda une version biplace de plus grande autonomie, qui fut désignée Douglas « World Cruiser » (DWC). Le prototype fut livré en quarante-cinq jours, et quatre appareils furent construits.
Possédant une cellule et un moteur identiques à ceux de la version de base, ils emportaient 2 270 litres d'essence en configuration terrestre (et 1 700 litres en version hydravion) et étaient pourvus de la double commande. Numérotés de 1 à 4, ils reçurent les noms de Seattle, Chicago, Boston et New Orleans, et décollèrent de Seattle le 6 avril.
Sur ennuis de moteur, le Seattle s'écrasa en Alaska, sans dommage pour l'équipage, qui fut récupéré par un bâtiment de la Navy. Après être passés par la plupart des grandes capitales, dont Paris (le 14 juillet), les trois autres DWC, ayant « grillé » pas moins de vingt-neuf moteurs, avaient à peu près bouclé leur tour du monde, quand le Boston dut amerrir sur l'Atlantique, au large des îles Féroé; mais une fausse manoeuvre
durant les opérations
de sauvetage entraîna la perte de l'appareil.

|
le biplan d'observation 0-38E, dernière évolution du modèle O-2, en service aux États-Unis, dans les National Guards, de 1933 à 1942
|
En Nouvelle-Écosse, les deux biplaces restants furent rejoints par le prototype, rebaptisé Boston II, et les trois avions arrivèrent triomphalement à Seattle le 28 septembre, après un périple de 45 000 km qui avait duré 175 jours. Le Chicago et le New Orleans sont actuellement conservés respectivement au National Air and Space Museum de Washington et à l'USAF Museum de la base de Wright-Patterson. Pendant de nombreuses années,
le badge de
Douglas représentait trois avions survolant le globe terrestre avec la devise : « Premier autour du monde ».
Cinq O-5, identiques aux DWC, furent commandés par l'Air Service pour l'observation maritime, puis Douglas construisit des transporteurs à huit places dérivés du DWC, soit dix C-1, un C-lA et dix-sept C-1C, ces derniers à neuf places. En 1929, un C-1 servit au ravitaillement en vol du Fokker C-2A Question Mark durant son vol record d'endurance (cent cinquante heures sans escale).
En 1924, Douglas remporta un important marché pour un avion d'observation destiné à l'Air Service, avec un dérivé du Cloudster et du DT: le O-2, dont quarante-six exemplaires furent commandés après que le XO-2 eut triomphé dans une compétition ouverte aux avions équipés de moteurs Liberty. 11 s'agissait de biplaces en tandem, armés d'une mitrailleuse fixe à l'avant et de deux mitrailleuses dorsales placées dans le cockpit
arrière. Suivirent
vingt 0-2A, équipés pour le vol de nuit, six 0-2B à double commande, quarante-six 0-2C, deux 0-2D et un 0-2E, tous légèrement améliorés.
Le 0-2H, en revanche, qui fut construit à cent un exemplaires, était très différent, puisque ses ailes, ses empennages et son moteur avaient été modifiés. Deux 0-2J, similaires aux H, servirent au transport des personnalités; trente-neuf 0-2K à double commande, redésignés BT-1, resteront en service jusqu'en 1935. Différents moteurs furent essayés sur des cellules proches de celle de l'O-2H : ainsi le Pratt & Whitney R-1340
Wasp de 450
ch sur deux 0-22 et le Curtiss V-1570 Conqueror de 600 ch sur l'unique 0-34.

|
construit au début des années trent le bimoteur amphibie Douglas « Dolphin », initialement destiné au service commercial, emportait six à huit passagers sur des distances allant jusqu'à 800 km. Plusieurs versions militair furent produites pour l'Arr Air Corps, l'US Navy et les Coast Guards
|
Ce dernier moteur devait équiper le XO-25A, puis cinquante 0-25A et trente-cinq 0-25C, identiques au H excepté le nez. Trente 0-32A, dotés de Wasp, devinrent des BT-2 et BT-2A d'entraînement, puis Douglas produisit cent quarante-six BT-2B et vingt BT-2C. En fin de carrière, certains BT-2, pourvus d'un train tricycle, servirent de cibles radioguidées.
Cette longue lignée s'acheva avec le 0-38, équipé du Pratt & Whitney R-1690 Hornet de 525 ch et construit à quarante-six exemplaires. Suivirent soixante-trois 0-38B, un 0-38C, destiné aux Coast Guards, puis un 0-38D, trente-sept 0-38E et huit 0-38F, les derniers exemplaires ayant été livrés en 1934. Employés en grand nombre dans les National Guards pour des missions de servitude, les 0-38 resteront en service jusqu'en
1942.
Des voies nouvelles
Le premier bimoteur de Douglas fut construit en 1927 à partir de plans fournis par l'US Navy. Il s'agissait d'un bombardier torpilleur biplan, avec un équipage standard de trois membres. Le prototype XTN-1 fut produit par la Naval Aircraft Factory, puis Douglas livra douze T2D-I, avec des moteurs Wright R-1750 placés sur l'aile inférieure.
C'est un appareil de ce type qui fut le premier bimoteur à être catapulté d'un porte-avions, en l'occurrence l'USS Langley, en 1927. Les dix-huit P2D- I , conçus pour assurer des patrouilles en haute mer, étaient équipés de Wright R-1820 Cyclone et possédaient deux flotteurs. L'armement comprenait une torpille de 735 kg et deux mitrailleuses.
Prévu pour emporter huit passagers, le Dolphin, avion d'affaires amphibie, se caractérisait par sa coque en métal avec une cabine spacieuse, son aile cantilever en bois et son train qui se relevait curieusement de 45°. Les deux moteurs Wright R-975.E Whirlwind étaient montés au-dessus de l'aile, très proches l'un de l'autre et reliés par un petit plan horizontal fixe. Le Dolphin avait une vitesse maximale de 225 km/h et de
190 km/h pour
une autonomie de 885 km. L'Air Corps en utilisa vingt-six exemplaires (C-21 et C-26/C-29), la Navy dix et les Coast Guards treize (RD-1 à RD-4).

|
le seul DC-1 construit fut baptisé aux États-Unis City of Los Angeles et immatriculé NX223Y. Livré en 1933 à la TWA, le premier de la grande famille des DC fut réimmatriculé NC223Y pour finir sa carrière en Espagne dans les rangs de l'aviation républicaine.
|
Devant le succès de ses premiers avions d'observation, Douglas proposa en 1930 le XO-31 et le YO-31, des monoplans à aile en mouette et à cockpit abrité. Cinq 0-3IA servirent pour l'évaluation; ils avaient été dotés de bords de fuite arrondis, leur dérive et la structure de leur fuselage avaient été modifiées. Sept autres appareils présentèrent la même configuration, mais c'est le 0-43A, à aile parasol, qui fut mis en production.
Un prototype
et vingt-quatre exemplaires sortirent des chaînes. Ils furent suivis de quatre-vingt-neuf 0-46A, à moteur Pratt & Whitney R-1535.7, qui terminèrent cette série.
En 1931, un bimoteur monoplan X0-35 d'observation et sa version bombardier XB-7 furent remarqués pour leur vitesse de pointe (293 km/h). Mais le Martin B-10 présentant des performances nettement supérieures, seuls cinq Y1 0-35 et sept Y1 B-7 furent commandés. C'étaient des appareils tout métal, dotés de moteurs Curtiss V-1570, placés sous des montants accrochés à l'aile en mouette.
L'un des ingénieurs les plus remarquables de Douglas, John K. Northrop, qui avait quitté la firme pour Lockheed en 1927, devait plus tard fonder sa propre société, laquelle devint une filiale de Douglas. C'est ainsi que celle-ci construisit en 1932 le Gamma 2B conçu par Northrop pour l'expédition de Lincoln Ellsworth dans l'Antarctique.

|
un DC-2 de la Swissair, qui fut, avec la KLM, l'une des premières compagnies à utiliser l'appareil sur le réseau européen.
|
Les effets de cette collaboration furent immenses, car Northrop avait mis en oeuvre des techniques d'avant-garde, notamment en ce qui concernait l'aile, constituée d'une structure multilongeron recouverte d'un revêtement métallique travaillant; l'expérience ainsi acquise se révéla capitale au moment où Douglas accepta de sortir un avion de ligne.
Le Douglas Commercial
C'est le 2 août 1932 que Donald Douglas fut contacté par Jack Frye, vice-président de la Transcontinental and Western Air Inc., qui lui proposa de construire une dizaine de trimoteurs tout métal capables de transporter douze passagers sur 1 600 km à 235 km/h et destinés à remplacer les trimoteurs Stinson, Fokker et Ford.
Convaincu qu'un appareil de cette classe ne pourrait pas concurrencer le Boeing 247 le nec plus ultra de l'aviation commerciale, dont soixante exemplaires avaient été commandés par United Airlines, Douglas décida d'aller plus avant et mit au point un projet plus ambitieux : ce fut le DC-1 (D pour Douglas, C pour Commercial), caractérisé par une aile basse multicellulaire et un train rentrant, et doté de deux moteurs
Wright Cyclone
délivrant 875 ch au décollage et 710 ch en vol de croisière.
Le DC-1 pouvait transporter quatorze passagers. Il effectua son premier vol le ler juillet 1933, piloté par Carl A. Cover : une demi-minute après le décollage, le moteur gauche lâcha, puis le droit! L'avion piqua du nez, et alors que les témoins s'attendaient au pire, les deux moteurs repartirent simultanément.
Le DC-1 gagna un peu d'altitude et le manège recommença; au bout d'un quart d'heure, Cover avait atteint 500 m, altitude suffisante pour effectuer un virage, atterrir durement, pratiquement sans moteur, et pourtant sans endommager l'appareil, un exploit fantastique à mettre au crédit du pilote! L'incident résultait de la position du circuit d'alimentation en carburant, qui fut rapidement modifiée. Suivit un programme d'essais
en vol très
rigoureux, mené à bien par Eddie Allen et

|
version militaire du DC-3, le Douglas C-47 (ici, aux couleurs des forces aériennes danoises) est toujours en service.
|
Enthousiasmé par l'appareil, le célèbre Anthony Fokker se chargea de la promotion du DC-2 en Europe. KLM engagea son premier exemplaire, baptisé Viver, dans la course Londres-Sydney en octobre 1934. Il se classa deuxième sur vingt-deux concurrents (pour la plupart des avions de course), et ce, en effectuant 1 600 km de plus que le parcours prévu, afin de reconnaître la future ligne Europe-Indonésie que KLM se proposait
d'ouvrir, et
en emportant trois passagers et 30 000 lettres.
Un an après l'entrée en service de l'appareil, plus de cent DC-2 étaient employés dans vingt et un pays, donnant une dimension nouvelle au transport aérien : avec le DC-2, le transport de passagers suffisant à lui seul pour rentabiliser un avion, le fret postal n'était plus indispensable à la survie des compagnies. En outre, la fiabilité de l'avion était véritablement phénoménale (son taux de régularité fut de 98,80 % sur
les huit premiers
mois d'exploitation aux États-Unis!).
La légende du DC-3
Durant l'été 1934, C.R. Smith, directeur d'American Airlines, demanda à Douglas de construire un appareil, plus grand que le DC-2, susceptible d'assurer un service couchettes pour quatorze passagers. Ainsi naquit le DST (Douglas Sleeper Transport). Les dimensions accrues du fuselage et des ailes, et la modification de l'empennage vertical provoquèrent un déplacement du centre de gravité et, par voie de conséquence, une instabilité
de l'appareil
qui apparut lors des essais en soufflerie.
Le problème fut résolu par modification de la forme et du profil de l'aile. L'intérieur de la cabine passagers fut étudié avec soin, de même que le poste de pilotage. Finalement, le premier vol se déroula sans histoire le 17 décembre 1935, avec Carl Cover aux commandes.
Particulièrement réussi, l'avion affichait des performances supérieures à celles du DC-2, grâce à ses moteurs Wright SGR-1820.G2 de 1 000 ch : sa vitesse en pleine charge (11 430 kg) était de 340 km/h, sa vitesse de croisière de 300 km/h, et, surtout, son rayon d'action lui permettait d'effectuer des trajets sans escale d'une côte des États-Unis à l'autre. Le premier DST entra en service sur la ligne New York-Los Angeles
le 18 septembre
1936.
Le coût très élevé des études du DST conduisit Douglas à proposer une version de transport conventionnelle pour vingt et un passagers, qui fut commandée en un grand nombre d'exemplaires par toutes les grandes compagnies américaines, y compris United Airlines, laquelle demanda que l'appareil fût doté de moteurs Pratt & Whitney Hornet de 1 200 ch, ceux-ci autorisant un léger gain de poids et d'altitude. Le DC-3 connut un
succès tel qu'en
1938 il assurait 95 % du trafic commercial aux États-Unis; il fut également acheté par les principales compagnies européennes et construit sous licence au Japon, où, désigné Showa L2D, il fut produit à quatre cent cinquante exemplaires.
Intéressé par le DC-3, l'Air Corps demanda à Douglas d'étudier une version cargo, à plancher renforcé et avec une large porte à l'arrière du fuselage. Commandé en 1940, le C-47 reçut des Pratt & Whitney R-1830.92 de 1 200 ch. Pour honorer les formidables contrats qui suivirent la conclusion de ce marché, Douglas dut créer deux nouvelles usines, à Long Beach et à Tulsa : 953 C-47, 4 931 C-47A (la plus grande série d'une
même version pour
un avion américain), 3 241 C-47B (ils ne différaient du A que par leur générateur de courant électrique), 377 C-53 de transport civil identiques à la version commerciale, et quelques sous-versions, soit 10 123 exemplaires au total sortirent des chaînes de montage.
Le principal utilisateur du DC-3 fut I'USAAF (5 000 appareils), suivie de la Grande-Bretagne (500 exemplaires, rebaptisés Dakota) et de l'US Navy (500). L'Union soviétique en produisit également plus de 2 000 sous le nom de Lisounov Li-2.
Bien que conçu comme appareil de transport, le « Gooney Bird » servit en fait à d'innombrables tâches : installation de lignes téléphoniques, dépannage d'appareils ensablés, largage de planeurs, épandage de DDT sur les îles infestées de moustiques que les Marines reprenaient une à une aux Japonais.

|
C-47 conservé aux marques du Squadron 108 du Transport Command de la RAF, avec les bandes noires et blanches du débarquement de Normandie. 1 900 exemplaires du Skytrain (Dakota pour les Britanniques) furent livrés à l'étranger dans le cadre de la loi prêt-bail.
|
Sa faculté d'adaptation aux situations les plus imprévues combinée à une solidité à toute épreuve lui valurent la célébrité. Parmi les exploits réalisés par le DC-3 sur tous les théâtres d'opérations, retenons-en deux. Un appareil du 64th Troop Carrier Group, attaqué par deux chasseurs japonais, fut mis en piqué par son pilote, échappant ainsi à la charge du premier agresseur. Le second, incapable d'ajuster son tir, percuta
l'empennage vertical
du DC-3 et s'abattit en flammes.
Disposant d'une dérive de 50 cm, l'appareil américain atterrit malgré tout sans dommage, l'équipage étant crédité d'une victoire aérienne! Quand, après le raid du 18 avril 1942 sur Tokyo, le général Doolittle arriva en Birmanie, un DC-3 des China National Airways l'y attendait.
Il fut stupéfait de voir s'entasser soixante-treize autres personnes (dont vingt-deux enfants) dans un avion prévu pour trois fois moins d'occupants et qui, de plus, devait franchir l'Himalaya pour gagner les Indes. 11 fit alors remarquer au pilote, le Captain Sharp, que, s'il avait encore un minimum de bon sens, il rentrerait chez lui à pied. Pourtant Sharp, habitué à transporter ainsi le triple de la charge autorisée, amena
tous ses passagers
à destination. Rappelons encore qu'en 1944 mille C-47 furent engagés lors du débarquement de Normandie, larguant vingt mille parachutistes avec leur équipement et quarante mille hommes de troupe.
Après la fin de la guerre et la réduction massive des commandes qui s'ensuivit, Douglas poursuivit la construction des appareils civils et livra le dernier des 803 exemplaires du DC-3 à la Sabena le 21 mars 1947.
A cette époque, cinq mille C-47 étaient mis à la disposition de l'aviation commerciale, moyennant des transformations peu coûteuses. Le prix d'achat des cellules étant dérisoire, le C-47, transformé en DC-3, devint le principal moyen-courrier en service dans le monde. Air France, qui ne possédait avant la guerre qu'un seul DC-3 un appareil d'origine, immatriculé F-ARQJ et livré en 1939, en exploitera pas moins de soixante-dix.
Cet avion vieillissait très bien, comme en témoigne le N21278 de North Central Airlines, qui fut retiré en 1966, après avoir accompli 83 033 heures de vol (en neuf ans et demi) et parcouru plus de 20 millions de kilomètres. Cent trente-six moteurs avaient été utilisés, mais plus de 90 % des éléments de la cellule étaient d'origine! Au ler janvier 1979, 557 DC-3 étaient encore en service dans des compagnies assurant des vols
réguliers.

|
le 1er août 1939 à l'occasion de l'US Army Aviation Day, des B-18A du Bomber Squadron 5, basé à Mitchell Field (État de New York), survolent en formation les gratte-ciel de Manhatta.
|
A l'instar des utilisateurs civils, toutes les armées de l'air continuèrent d'utiliser le C-47 après la guerre. Au début des années soixante, plus d'un millier d'appareils étaient encore en service dans l'USAF. L'US Navy avait transformé quatre-vingt-dix-huit modèles standard en R4D-8, identiques au Super DC-3 proposé par Douglas en 1950 : fuselage allongé et renforcé; dérive plus haute; moteurs Wright R-I820.80 de 1 475
ch permettant une
vitesse maximale de 435 km/h; partie extérieure des ailes redessinée et roues entièrement escamotables.
Le C-47 sera de tous les conflits : pont aérien sur Berlin, Indochine, Corée, Algérie, Congo et même Viêt-nam, où des AC-47 baptisés « Puff the Magic Dragon » mirent au point la tactique des Gunships, utilisés la nuit pour saturer l'adversaire avec trois mitrailleuses latérales à tir rapide, guidées par des viseurs électroniques.
Les bombardiers Dauntless
Si le secteur civil prit un essor considérable dans les années trente, Douglas ne négligeait pas pour autant le marché militaire. Ainsi, quand l'Air Corps demanda en 1934 un bombardier pour remplacer le Martin B-10, Douglas présenta le DB-I (Douglas Bomber), qui conservait les ailes, les empennages et les moteurs du DC-2, sur un fuselage adapté à sa nouvelle mission : 2 950 kg de bombes étaient logeables dans la soute, et
trois mitrailleuses
pointaient à l'avant, sous le fuselage et dans la queue.
Il fut choisi au détriment du Martin 146 (le Boeing 299 était trop avancé pour être comparé aux deux autres projets). Les cent trente-trois B-18 commandés en 1936 et 1937 furent suivis de deux cent dix-sept B-18A à l'avant entièrement reprofilé, un poids en charge de 12 530 kg et des moteurs de 1 000 ch autorisant une vitesse maximale de 345 km/h.
Utilisés comme bombardiers standard jusqu'en 1941, ils seront remplacés par des B-17. Cent vingt-deux exemplaires furent alors transformés en B-18B de lutte anti-sous-marine, équipés de radar et d'une queue MAD (Magnetic Anomaly Detection). Le Canada en utilisera également une vingtaine sous la désignation Digby.
A partir du B-18A, Douglas produisit trente-huit B-23 Dragon complètement modifiés, avec un fuselage plus fin et des moteurs de 1 600 ch, leur permettant d'atteindre 455 km/h. En 1942, une douzaine de B-23 furent transformés en avions de transport et rebaptisés UC-67.

|
Douglas TBD-1 « Devastator » (Squadron VT-2 de l'US Navy, embarqué sur l'USS Lexington en 1941)
|
Seul échec de Douglas en matière de bimoteurs durant les années trente : ses derniers hydravions, qui ne dépassèrent pas le stade du prototype, qu'il s'agisse du XP3D-1 et du XP3D-2, bombardiers patrouilleurs de haute mer proposés en 1935 et 1936 à l'US Navy, ou du DF, version civile destinée au transport de vingt-huit passagers. Tous étaient des appareils entièrement métalliques, à aile en mouette pour le XP3D-1, droite
pour les deux autres.
Avec ses deux Wright Cyclone, le DF atteignait la vitesse maximale de 286 km/h.
En 1934, l'US Navy recherchait, pour équiper ses nouveaux porte-avions, un bombardier torpilleur adapté à ce nouveau mode d'opérations. Douglas présenta le XTBD-I, qui vola pour la première fois le 15 avril 1935 et remporta le marché : cent vingt-neuf TBD-1 furent commandés en 1936.
Monoplan triplace à aile basse repliable vers le haut, le Devastator disposait d'un moteur Pratt & Whitney R-1830.64 permettant des pointes de 330 km/h. Entrés en service en octobre 1937, les TBD équipèrent quatre escadrilles. Après des débuts prometteurs, contre les Japonais, trente-cinq exemplaires furent abattus au cours d'une seule action, pendant la bataille de Midway. Immédiatement retirés des opérations, les appareils
restants
servirent quelques années encore pour l'entraînement.
Parallèlement au TBD-1, l'usine d'El Segundo construisit un bombardier en piqué conçu par Northrop, le BT-1, qui fut également acheté par la Chine (quarante-six exemplaires) et par l'Irak (quinze exemplaires). Le dernier des cinquante-quatre avions destinés à l'US Navy fut modifié en XBT-2, très amélioré.
Lorsque Northrop quitta Douglas en 1938, la Douglas El Segundo Division (nouvelle raison sociale de la société depuis 1937), dont les bureaux d'études étaient dirigés par Ed Heinemann, prit en charge le prototype redésigné XSBD-I Dauntless, qui aboutit au SBD-1, construit à cinquante-sept unités pour le Marine Corps, et au SBD-2, un appareil à plus long rayon d'action, dont l'US Navy commanda quatre-vingt-sept exemplaires.
En mars 1941, commença la production du SBD-3, caractérisé par son moteur Wright R-I820.52 de 1 000 ch, son blindage plus important et ses deux mitrailleuses mobiles à l'arrière (qui venaient s'ajouter aux deux armes fixes installées à l'avant).
Les 173 SBD-3 initialement commandés furent suivis de cinq cents appareils supplémentaires après le désastre de Pearl Harbor, où les premiers SBD-2 avaient d'ailleurs été engagés sans grand succès face à un adversaire trop supérieur en nombre.
Les Dauntless prirent leur revanche pendant la bataille de la mer de Corail, en coulant le porte-avions Shoho le 7 mai 1942. Durant cet engagement décisif, ils abattirent quarante des quatre-vingt-onze avions perdus par les Japonais en combat aérien, prouvant qu'ils pouvaient aussi se montrer au besoin excellents chasseurs.
Un même équipage fut crédité de sept victoires en deux jours! Un mois plus tard, à Midway, cinquante-quatre Dauntless coulèrent les porte-avions Akagi, Kaga et Soryu avant qu'ils n'aient lancé leurs avions, puis l'Hiryu, apportant ainsi une contribution majeure à la victoire américaine. Utilisés jusqu'à la fin du conflit, les Dauntless seront crédités du plus fort tonnage de bateaux japonais coulé par un même type d'appareil.

|
après l'armistice de 1940, la RAF reprit à son compte, une partie des commandes de DB-7A et B passées par l'armée de l'Air auprès de Douglas. En Angleterre, ces appareils reçurent le surnom de Boston. Ici, un Boston III livré au cours de l'été 1942 au Squadron 2 de la RAF, opérationnel au-dessus de la France.
|
En octobre 1942 avait débuté la livraison de 780 SBD-4, qui furent suivis à partir de 1943 par 2 964 SBD-5, 60 SBD-5A et enfin 451 SBD-6, dont le dernier devait sortir d'usine en juillet 1944. A partir de 1941, l'USAAF employa, avec beaucoup moins de succès, des SBD « dénavalisés » sous les désignations A-24 (soixante-dix-huit exemplaires), A-24A (cent soixante-dix) et A:24B (six cent quinze) correspondant respectivement
aux SBD-3, 4 et
5.
En France, l'armée de l'Air reçut une quarantaine de A-24B qu'elle affecta en 1944 au GB-I/17 « Picardie », en Syrie, et au GCB-l/18 Vendée », durant la réduction des « poches » de résistance allemandes. L'Aéronavale engagea trente-deux SBD-5 des flottilles 3B et 4B dans les campagnes de France puis d'Allemagne. Ces Dauntless servirent aussi en Indochine, sur l' Arromanches et à terre, au sein de ces flottilles (devenues
3F et 4F), avant
d'être retirés en 1949, les cellules n'en pouvant plus.

|
En haut : un DB-7B commandé par la France en 1939 et livré au GB-I/19 au printemps 1940, Ci-dessus : vainqueurs de la flotte japonaise à Midway, les SBD-3 de bombardement en piqué.
|
Un bimoteur polyvalent
Après avoir arrêté son projet d'avion d'attaque bimoteur modèle 7A en décembre 1936, l'El Segundo Division reprit, sous la direction de Heinemann, le projet d'un avion conçu sur les mêmes bases, mais présentant des performances nettement supérieures. Réalisé en un temps record, le modèle 7B vola pour la première fois le 26 octobre 1938. Capable d'atteindre 480 km/h grâce à ses Twin Wasp de 1 100 ch montés sur l'aile haute,
il présentait
l'originalité d'offrir deux sections avant interchangeables : l'une vitrée, accueillant un navigateur bombardier, l'autre tout métal, contenant quatre mitrailleuses.
Recherchant activement du matériel moderne, la France commanda d'abord, le 15 février 1939, cent DB-7 sensiblement transformés (fuselage plus étroit mais plus profond, ailes médianes avec les moteurs placés sur l'intrados, nez vitré de forme différente), puis cent soixante-dix unités supplémentaires.
Le prototype vola le 17 août 1939 et les premiers exemplaires furent livrés en octobre. L'armée de l'Air ne devait les réceptionner qu'en janvier 1940, à Casablanca, et ils furent engagés pour la première fois en opérations le 31 mai 1940 à Saint-Quentin. A la fin du mois de juin, soixante-six DB-7 se trouvaient sur le continent et vingt-neuf en Afrique du Nord. Cet avion, qui pouvait voler à 515 km/h, emportait 800 kg de
bombes et six mitrailleuses
de 7,5 mm.
Les énormes commandes qui avaient été passées par la France et par la Belgique avant l'armistice furent transférées à la Grande-Bretagne, qui reçut ainsi vingt-sept DB-7, désignés Boston 1 par la RAF, puis cent cinquante Boston II. Transformés pour la chasse et le bombardement de nuit et redésignés Havoc 1, ils furent équipés de radars AI Mk-VI et de huit mitrailleuses. Parmi les quatre-vingt-dix-neuf Havoc II livrés par
la suite, on comptait
encore des DB-7A destinés à la France; leur nez, initialement vitré, fut transformé pour pouvoir emporter douze mitrailleuses.
De son côté, l'Air Corps fit l'acquisition de cent vingt-trois A-20A (DB-7) et de soixante-trois A-20 (DB-7A). Ces derniers, dotés de Wright R-2600.7 à turbocompresseurs délivrant 1 600 ch, atteignaient la vitesse extraordinaire de 625 km/h en pointe (la dérive avait dû être agrandie pour garder son efficacité).
En 1942, soixante exemplaires, modifiés en chasseurs de nuit, furent désignés P-70 : leurs moteurs, dont les turbocompresseurs ne donnaient pas satisfaction, avaient été changés; quatre canons de 20 mm et un radar de conception britannique avaient été montés dans le fuselage. Suivirent treize P-70 A-1 (auparavant, A-20C), vingt-six P-70 A-2 (A-20G), qui servirent avant l'arrivée des Northrop P-6I.

|
Descendant du DB-7, le B-26 Invader fut largement utilisé par l'armée de l'Air en Indochine et en Algérie. une formation de trois RB-26P et d'un B-26B du GB-11/91 « Guyenne » en Algérie fin 1959
|
Sur les 781 Boston III livrés à la RAF, 240 avaient été construits par Boeing, tandis que le nouvel établissement Douglas de Long Beach produisait 999 A-20B, dont 665 destinés à l'U.R.S.S. et 8 à l'US Navy ( BD-2). A partir du A-20C toutes les versions sortirent des chaînes de Santa Monica. Le type A-20C (fabriqué à 808 exemplaires) fut le premier à être engagé en opérations (le 4 juillet 1942, depuis l'Angleterre) et se
révéla très bien
adapté aux missions « lntruder » (pénétration).
La version qui donna lieu à la production la plus importante fut l'A-20G (2 850 unités). Il était doté de moteurs de 1 600 ch, d'un nez en dur, de huit mitrailleuses axiales de 12,7 mm s'ajoutant à deux armes en tourelle dorsale et d'un réservoir de soute qui lui donnait une endurance de dix heures et demie.
Le A-20H (450 exemplaires) était caractérisé par ses moteurs de 1 700 ch, les A-20J (450) et A-20K (413) appelés respectivement Boston IV et V dans la RAF, par leur nez vitré. Au total, 7 479 machines furent construites, dont la dernière fut livrée en septembre 1944. Le principal utilisateur de l'A-20 fut l'Union soviétique, qui en posséda 3 600 exemplaires, soit deux fois plus que les Britanniques et, même, plus que
les États-Unis
qui n'eurent que 1 962 appareils en service.
Bien que l'appareil fût très apprécié des équipages et qu'il eût été employé avec succès sur tous les théâtres d'opérations, son nom n'est resté associé à aucun haut fait.
|