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Les Forces Aériennes Françaises Libres

LES AILES DE L'ESPOIR

Les Forces aériennes françaises libres : quatre années de combat pour rendre à la France son honneur et sa liberté.

Réaction contre la défaite, l'armistice de juin 1940 et le régime de Vichy, le mouvement de la France libre vit le jour le 28 juin 1940, lorsque le gouvernement britannique reconnut au général de Gaulle la qualité de chef des Français venus en Grande-Bretagne en vue de poursuivre la lutte.

Image symbolique : en 1941, marins et aviateurs se retrouvent en Grande-Bretagne pour poser ensemble l'insigne de l' lle-de-France » sur les Spitfire V du Squadron 340 de la RAF. La création de cette unité mixte soulèvera quelques problèmes entre la Marine et l'armée de l'Air, qui repousseront à l'année suivante son engagement en opérations (photo Service historique de l'armée de l'Air-Arch. B. Bombeau).

Le 7 août suivant, un accord conclu entre de Gaulle et Churchill jetait les bases juridiques de la France libre et autorisait les Français de Londres à mettre sur pied une force de volontaires destinée à combattre, aux côtés des Anglais, les pays de l'Axe. Les Britanniques acceptèrent d'équiper cette force en matériel et s'engagèrent à satisfaire ses besoins financiers, sous promesse d'un remboursement ultérieur. Ainsi se constituèrent les premières unités françaises libres, tant dans la marine que dans l'armée de terre ou l'aviation.

Avant même l'arrangement du 7 août 1940, de nombreux navigants, arrivés de France ou de l'Empire colonial, avaient formé les noyaux des futurs groupes aériens de la France libre. Ces hommes, à quelques nuances près, avaient exprimé, par leur passage en Grande-Bretagne, leur refus de la défaite.

Cette décision était d'autant plus courageuse que le régime de Vichy, produit incontestable de l'écrasement militaire de la France, représentait la légitimité. Les autorités vichystes n'appliquaient-elles pas le qualificatif de « dissident » au mouvement du général de Gaulle?

En outre, en ces sombres mois de juin et de juillet 1940, l'Allemagne paraissait posséder toutes les chances de gagner la guerre. Les hommes qui passèrent du côté de la France libre ils furent en tout 3 500 de 1940 à 1943 furent déclarés hors la loi, perdirent, pour certains, la nationalité française, subirent de sévères condamnations et durent rompre, pendant de longues années, toute attache avec leurs familles ou les êtres qui leur étaient chers.

En fait, comme l'écrivit l'un d'entre eux, François de Labouchère : « La difficulté était devenue non de faire son devoir mais de le discerner. »

Combattants de la première heure

Nombreux furent ceux qui partirent avant même la fin de la campagne de France et l'entrée en vigueur de l'armistice. Le 17 juin, en effet, dix officiers et sous-officiers de la base de Mérignac quittaient la France pour la Grande-Bretagne à bord d'un bimoteur britannique, imités deux jours plus tard par cent huit élèves de l'école de pilotage de Morlaix, sous la conduite du lieutenant Pinot, qui quittèrent Douarnenez, avec leurs armes, à bord du langoustier Le Trébouliste.

Si certains d'entre eux demandèrent à rentrer après la signature de l'armistice, la plupart signèrent leur engagement dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL). Le 20 juin, un Farman 222 emmena vers l'Angleterre le capitaine Goumin et dix-huit officiers et sous-officiers du groupe aérien d'instruction de Saint-Jean-d'Angély. Trente autres aviateurs, revêtus d'uniformes polonais ou britanniques, s'embarquèrent sur des navires anglais, le 26 juin, à Port-Vendres, avec les derniers partants.

le 10 avril 1942, les « Spit » du groupe « Ile-de-France » décollent pour leur première mission de guerre au-dessus du cap Gris-Nez, sous le commandement du capitaine de corvette de Scitivaux (photo Service historique de l'armée de l'Air-Arch. B. Bombeau).

A ces départs collectifs s'ajoutèrent de très nombreuses évasions individuelles. Elles étaient le fait d'hommes venus de l'Empire colonial, surtout d'Afrique du Nord, où une fraction importante de l'armée de l'Air avait été évacuée avant la fin de la campagne de France. Profitant de la confusion et de la période deflottement qui précéda l'installation des commissions de contrôle germano-italiennes, huit appareils français rallièrent Gibraltar entre le 26 et le 29 juin 1940.

Des drames ponctuèrent ces tentatives. Le 30, un Glenn Martin 167, qui tentait de se poser sur la base britannique, fut pris sous le feu de la défense antiaérienne espagnole; l'avion s'écrasa au sol et les quatre hommes qu'il transportait y périrent. A Fez (Maroc), un Potez 540 emportant huit fuyards s'abîma en bout de piste au moment du décollage. Du 5 juillet au 23 août, treize autres appareils quittèrent l'Afrique du Nord.

Les bases britanniques de Palestine et d'Égypte furent également des centres d'accueil pour les navigants partis du Levant (Syrie et Liban). Le capitaine Tulasne, futur commandant du groupe de chasse « Normandie » déserta, en décembre 1940, à bord d'un Morane-Saulnier 406 du GC-1/7, pour rejoindre l'Égypte. Pour éviter la dissolution de cette unité par les commissions d'armistice, il fut signalé comme disparu en mer. Enfin, de nombreux pilotes arrivèrent à Aden à partir de Djibouti ou à Singapour au départ d'Indochine.

Les ralliements territoriaux représentèrent une autre forme de passage dans le camp de la France libre. Les Nouvelles-Hébrides, condominium franco-britannique, optèrent le 20 juillet 1940 pour la poursuite de la lutte. Mais c'est sans doute la dissidence de l'Afrique-Équatoriale française qui fut l'événement le plus marquant de cette période. Sous l'impulsion de son gouverneur, Félix Éboué, le Tchad rompit avec Vichy. Au Cameroun, l'action du colonel Leclerc, soutenu par René Pleven, fut déterminante. Les FAFL obtinrent ainsi leur première assise territoriale.

les Glenn Martin 167F, achetés en hâte aux États-Unis avant la guerre et restés en Afrique, serviront de point de départ à la constitution de nouvelles unités de bombardement et de transport pour les FAFL (photo ECP Armées-Coll. Jean-Noël).

L'affaire de Mers el-Kébir (bombardement de la flotte française par les navires de l'amiral britannique Sommerville) suscita chez les Français une vague d'anglophobie qui freina certainement les départs vers la Grande-Bretagne.

Les évasions diminuèrent au cours des mois d'août et de septembre pour se faire de plus en plus rares jusqu'à la fin de l'année. Les mesures de surveillance et de répression édictées par Vichy eurent à coup sûr un rôle dissuasif, tandis que le coup de main anglo-gaulliste contre le port de Dakar, au mois de septembre 1940, provoquait en France un regain d'anglophobie.

tous les matériels récupérés ne sont pas « bons de guerre », mais beaucoup serviront en seconde ligne, comme ce De Havilland DH-80A Puss Moth », utilisé comme avion de liaison (photo Arch. B. Bombeau).

Le Ier juillet 1940, lorsque les FAFL virent le jour, elles ne regroupaient que quelques centaines d'hommes des jeunes pour la plupart, frais émoulus des écoles de l'armée de l'Air, mal formés et comprenaient assez peu d'officiers. Leur premier commandant fut, paradoxalement, un marin, l'amiral Muselier.

le général d'armée aérienne Martial Valin, chef d'état-major des FAFL en 1941, chef d'état-major général de l'armée de l'Air et commandant des forces aériennes françaises en Grande-Bretagne en 1943 (photo Service historique de l'armée de l'Air).

Ne disposant pas d'un officier général de l'armée de l'Air, le général de Gaulle avait nommé à la tête des unités navales et aériennes de la France libre cet homme d'une rare énergie, qui choisit comme chef d'état-major le capitaine Chevrier (celui-ci fut remplacé en janvier 1941 par le lieutenant-colonel Pijeaud).

Les premières créations d'unités

Jusqu'en juillet 1941, date à laquelle il céda son commandement au colonel Valin, l'amiral Muselier mit sur pied onze unités aériennes, aussi bien en Grande-Bretagne qu'en Afrique ou au Moyen-Orient. Tous les navigants français n'y furent pas obligatoirement affectés. Nombreux furent ceux qui servirent dans les squadrons de la Royal Air Force et y firent de brillantes et fulgurantes carrières.

Dès le mois de juillet 1940, des aviateurs français libres participèrent au premier bombardement de la Ruhr par des avions du Bomber Command. D'autres, à peine une demi-douzaine, combattirent avec le Fighter Command au cours de la bataille d'Angleterre. Au mois de janvier 1941, dix-sept pilotes des FAFL servaient dans des unités de chasse britanniques. Une minorité vola encore, sur Short « Sunderland », dans les squadrons du Coastal Command.

Bien qu'il eût aimé voir des unités aériennes françaises se battre de façon autonome contre l'ennemi, le général de Gaulle dut, dans un premier temps, accepter l'intégration dans les grandes formations britanniques des troupes ou escadrilles des FAFL en cours de constitution.

Les premières unités aériennes françaises libres furent créées, sur le théâtre d'opérations du Moyen-Orient, le 8 juillet 1940. Ce furent les Free French Flights (FFF) I, 2 et 3. Le FFF 1 fut mis sur pied à Aden, avec deux Glenn Martin 167F évadés d'Algérie et eut une existence éphémère.

Il vécut aussi longtemps que ces deux appareils furent capables de voler et fut dissous après leur disparition, fin 1940. Le FFF 2, né à Haïfa (Palestine), provenait d'une fraction du groupe de chasse 1/7 passée du côté britannique un peu avant la conclusion de l'armistice. Deux Morane-Saulnier 406 et deux Potez 63-11 de reconnaissance furent sa seule dotation.

le commandant Lionel de Marmier, qui, dès août 1940, forma en Angleterre le groupe de combat n° 1, doté d'un matériel hétéroclite d'origine française et britannique. Ce groupe de combat, également appelé « Menace », participa à l'attaque contre Dakar (photo ECP Armées).

De Palestine il passa en Libye, puis fut chargé de la protection aérienne du canal de Suez. Au mois de mai 1941, il opéra au-dessus de la Crète, durant l'invasion de l'île par les troupes aéroportéesallemandes (son commandant, le capitaine Jacquier y fut abattu et fait prisonnier). Quant au FFF 3, il fut équipé de deux petits appareils de liaison, un Bloch 81 et un Simoun, qui assurèrent plusieurs missions entre l'Égypte et la Palestine. Devenu French Transport Flight en janvier 1941, il servit de noyau aux Lignes aériennes militaires (LAM), du colonel de Marmier.

La Grande-Bretagne fut un autre pôle de regroupement pour les FAFL. Le ler août 1940, le commandant Lionel de Marmier formait à Odiham le 1 st Fighter Group (groupe de combat n° 1), qui comptait une vingtaine d'appareils répartis en quatre escadrilles une de chasse (deux Dewoitine 520), une de bombardement (six Bristol « Blenheim » cédés par les Britanniques) et deux de reconnaissance (Caudron « Luciole >: et Lysander). Une escadrille indépendante, baptisé( « Topic », fut constituée à la même époque; placée sous les ordres du commandant Astier de Villatte, elle dis. posait de six Bristol « Blenheim ».

A la suite des accords passés entre Winston Churchill et le généra de Gaulle, ces unités furent dirigées vers l'Afrique Le 1 st Fighter Group devait participer à l'attaque avortée contre Dakar, opération dont il garda le nom « Menace » (il fut également baptisé « Jam »). Ainsi les Luciole, partis d'un porte-avions britannique, dépo sèrent sur la base d'Ouakam des émissaires du général de Gaulle ayant pour mission de la rallier à la « dissidence »; mais ils ne parvinrent pas à la retourner, et, faits prisonniers, furent inculpés de haute trahison.  

le capitaine de Saint-Péreuse (à gauche) commandant la 2' escadrille, du GRB-1 à Fort-Lamy en 1941, en compagnie du général Vuillemin (photo ECP Armées).

L'escadrille « Topic » fut chargée d'assurer la protection de l'Afrique-Équatoriale française, devenue Afrique française libre, contre un éventuel retour en force des troupes vichystes, encore solidement implantées au  Gabon. Dans ce dernier pays, les violents affrontements qui opposaient les Français libres aux partisans du maréchal Pétain, ne prirent fin que vers le milieu du mois de novembre 1940.

La France libre utilisa largement l'infrastructure mise en place en Afrique équatoriale avant la guerre. Le détachement permanent des forces aériennes du Tchad fournit des Potez 25 et 29 et quelques Bloch 120 trimoteurs; il transporta, en outre, le général de Gaulle lors de la tournée que celui-ci effectua dans la région en octobre 1940,  des unités du même genre avaient vu le jour au Cameroun, sous le commandement du capitaine Biarnais (Lysander), et au Gabon et au Moyen-Congo (lieutenant Ezanno), sur Lysander, Potez 25 et Bloch 120.

Ces détachements furent dissous fin 1940, sauf celui du Cameroun, qui exista jusqu'en septembre 1941.Le mois suivant, les Britanniques allouèrent au détachement quatre Lysander.

En dehors des unités volantes, la France libre se dota également d'une unité de parachutistes, la 1 re compagnie de l'air, placée sous le commandement du commandant Bergé. Après avoir opéré en Bretagne et en Guyenne (avril 1941), cette formation fut ensuite engagée en Crète (1942), où son chef fut fait prisonnier.

Le groupe réservé de bombardement n° 1

Les FAFL connurent leur première réorganisation pendant l'hiver 1940-1941. A la veille de Noël, le commandant Astier de Villatte prit la tête de la première grande unité des FAFL : le groupe réservé de bombardement n° 1 (GRB-1). Composé de deux escadrilles de six Blenheim chacune (la 1 re, placée sous les ordres du capitaine Lager, la 2e, commandée par le capitaine de Saint-Péreuse), il résultait de la fusion de l'escadrille de bombardement du 1 st Fighter Group et de l'escadrille « Topic ».

sous les ordres du commandant Astier de Villatte, les Blenheim Mk-lV du GRB-1, basés à Ounianga (Tchad), participèrent, entre décembre 1940 et février 1941, à la première attaque de la colonne Leclerc contre l'oasis de Koufra. Du fait des longues distances à couvrir et d'un matériel peu adapté, de nombreux appareils furent perdus durant cette campagne (photo ECP Armées- Coll. Jean Noël).

Le GRB-1 effectua, en coopération avec le détachement permanent des forces aériennes du Tchad, trois bombardements de l'oasis de Koufra, que le colonel Leclerc disputait aux troupes italiennes. Au cours de ces missions, il perdit d'ailleurs de nombreux équipages et obtint sa première citation.

Après son retour à Fort-Lamy, le GRB-1 fut scindé en deux fractions : une escadrille resta au Tchad, et la seconde prit le chemin de l'Éthiopie, où elle s'intégra au 202nd Group de la RAF pour participer à des missions de bombardement contre l'armée italienne. Le 16 août 1941, cette escadrille se posait sur l'aérodrome de Damas, ville récemment conquise sur les troupes vichystes. Un mois plus tard, elle devenait l'escadrille « Metz » du groupe de bombardement « Lorraine ».

En janvier 1941, une escadrille de chasse n° 1 fut formée au Caire, à partir de l'escadrille de chasse du 1st Fighter Group. Cette unité remporta treize victoires en deux semaines au-dessus de Tobrouk et constitua le noyau du groupe de chasse « Alsace ».

Enfin, à la suite d'accords passés à Londres entre la France libre et les Britanniques, une escadrille de bombardement n° 2 vit le jour, à Brazzaville, en mars 1941. Le capitaine Goumin en prit la tête et la commanda durant la campagne de Libye, où elle soutint les unités terrestres de la France libre. En septembre, elle se joignait à l'escadrille « Metz », prenait le nom de « Nancy » et donnait naissance au « Lorraine ».

Martial Valin

Il fallut attendre le milieu de l'année 1941 et la prise de commandement du colonel Valin pour voir les FAFL trouver leur physionomie définitive. Jusque-là, les unités aériennes avaient été mises sur pied selon les circonstances et sans plan précis, avec, en général, du matériel de moyenne qualité. Or, le mois de juillet 1941 marqua, en quelque sorte, le tournant de l'histoire des formations aériennes de la France libre. Deux événements en furent à l'origine : l'arrivée de Martial Valin et la conquête des États du Levant.

lles armes du Lorraine «, dont la tradition s'est perpétuée jusqu'à nos jours au sein de l'armée de l'Air (photo ECP Armées- Coll. F. Broche).

Au moment de la défaite, Martial Valin faisait partie de la mission militaire française au Brésil depuis le mois d'avril 1940. Quelques jours avant l'armistice, il avait appris sa nomination au grade de lieutenant-colonel. Le régime de Vichy lui demanda alors de poursuivre sa tâche en Amérique du Sud. Martial Valin refusa et prit contact avec le général de Gaulle. Le 11 février 1941, il s'embarqua pour la Grande-Bretagne, où il arriva le 9 avril.

Dès le lendemain, il signait son engagement dans les FAFL, dont le chef de la France libre décida de lui confier le commandement. Mais il fallait que le nouveau venu se fît connaître des aviateurs français et de ses homologues britanniques. Aussi fut-il d'abord nommé chef d'état-major des FAFL avant d'en prendre le commandement en juillet 1941, avec le grade de colonel. Le 12 août suivant, il passait général de brigade.

Un mois plus tard, les autorités vichystes le condamnaient à mort, le déclaraient déchu de la nationalité française et ordonnaient la confiscation de ses biens. Enfin, lorsque fut créé le Comité de libération nationale, au mois de septembre 1941, le général Valin devint commissaire national à l'Air, cumulant des fonctions politiques et militaires.

Entre-temps, des événements importants, qui allaient exercer une influence directe sur la mise sur pied des groupes autonomes des FAFL, s'étaient déroulés au Moyen-Orient. Depuis mai 1941, les Britanniques n'avaient cessé de lancer des attaques aériennes contre les États du Levant aux mains du régime de Vichy, par lesquels transitaient les avions allemands qui soutenaient directement l'insurrection pronazie lancée en Irak par Rachid Ali.

Dans la première semaine de juin, après accord avec le général de Gaulle, l'armée britannique envahissait la Syrie et le Liban, et, le 14 juillet, les troupes fidèles au maréchal Pétain capitulaient. Cette campagne victorieuse offrait aux Français libres une occasion unique d'accroître leurs forces. L'infrastructure aérienne de cette région était de très bonne qualité. De plus, un certain nombre de navigants semblaient disposés à rejoindre la France libre.

un Blenheim du « Lorraine lors d'une mission de bombardement dans le secteur de Tobrouk. Baptisé en septembre 1941 et composé de deux escadrilles « Nancy et « Metz », ce groupe participa de novembre 1941 à février 1942 à la contre-offensive britannique en Libye (photo ECP Armées-Coll. Jean Noël).

Avant même la fin des combats, Martial Valin accompagna donc le général Catroux au Caire, où il négocia avec les représentants de Vichy les conditions du ralliement de l'armée du Levant. Les résultats furent décevants. A peine 10 % des effectifs présents acceptèrent de se joindre au général de Gaulle, les autres préférant retourner en métropole tant leur rancune envers les Britanniques était grande. Parmi les ralliés se trouvaient cependant de nombreux mécaniciens (ceux-ci avaient cruellement manqué aux FAFL depuis leur création). Les Britanniques leur cédèrent également les Morane-Saulnier 406 qu'ils avaient pris au groupe de chasse 1/7 de l'armée de l'air d'armistice.

C'est en septembre 1941 que les grandes unités autonomes des FAFL virent le jour. Quatre mois plus tôt avait été baptisée la première promotion des pilotes français formés dans les écoles britanniques. Les hommes évadés de France, dans des conditions défiant parfois l'imagination, et ceux des colonies permettaient d'assurer une relève. De leur côté, les Britanniques paraissaient décidés à donner du matériel un peu plus moderne. Tout était donc prêt pour entamer la réorganisation prévue.

en décembre 1940, à Fort-Lamy, le sergent Le Calvez, pilote à la 1re escadrille du GRB-1, peint une croix de Lorraine sur le fuselage du Blenheim à bord duquel il disparaîtra en février 1941 (photo Icare-Coll. F. Broche).

Martial Valin voulait créer, du côté français, des formations du type de celles que les Tchèques ou les Polonais mettaient en oeuvre au sein de la Royal Air Force. Il donna aux nouvelles unités des noms de provinces françaises, pensant que cette initiative permettrait aux Français soumis à l'occupation allemande d'apprendre la présence de quelques-uns de leurs compatriotes aux côtés des Alliés.

Le colonel Pijeaud s'attela plus particulièrement à cette tâche difficile. Ainsi, le groupe de chasse « Alsace » fut constitué le ler septembre 1941 sur la base syrienne de Rayak. Placé sous les ordres du commandant Tulasne, il reçut en dotation des Morane-Saulnier 406, que remplacèrent assez vite des Hawker « Hurricane ».

Le groupe fut alors engagé en Libye, d'avril à août 1942, puis assura la défense aérienne d'Alexandrie après son retrait du front. En septembre 1942, il se trouvait au Caire et, trois mois plus tard, partait pour la Grande-Bretagne. Après un entraînement intensif sur Spitfire V, il perçut des Spitfire IX et effectua ses premières sorties au-dessus de la France au début d'avril 1943.

Le « Lorraine » vit également le jour en Syrie, le 2 septembre 1941. Il comprenait deux escadrilles (« Metz » et « Nancy »), qui firent leurs premières armes en Libye. Au mois d'octobre 1942, le groupe entier fut envoyé en Grande-Bretagne par la voie maritime. Un sous-marin allemand ayant attaqué le convoi durant la traversée, plusieurs hommes disparurent dans le naufrage d'un navire torpillé.

les Yak-3 du « Normandie-Niemen » sur le terrain du Bourget à leur retour en France, le 20 juin 1945. Du 28 novembre 1942 au 9 mai 1945, les pilotes français engagés aux côtés de l'U.R.S.S. ont remporté 273 victoires et perdu soixante-six des leurs (photo ECP Armées).

A Glasgow, où se déroula l'entraînement, le « Lorraine » fut placé sous les ordres du lieutenant-colonel de Rancourt et fut équipé de Boston IIIA. Le 12 juin 1943, sous la dénomination de Squadron 342 de la RAF, il survola pour la première fois le territoire français.

Le groupe de chasse « Ile-de-France » fut formé, non sans difficulté, sur le sol britannique. Depuis le début de l'année 1941, la constitution de cette unité donnait lieu à d'âpres discussions entre les Français et les Britanniques. Puis un conflit aigu opposa à son sujet l'aviation et la marine de la France libre, Martial Valin souhaitant que l'« Ile-de-France » fit partie de l'armée de l'Air, tandis que l'amiral Muselier réclamait son rattachement aux forces navales.

Ces polémiques qui résultaient du fait que le groupe comprenait des pilotes de l'Aéronavale et des navigants de l'armée de l'Air retarda la naissance de cette formation jusqu'en octobre 1941, date à laquelle le général de Gaulle autorisa sa création sous la responsabilité des FAFL. En janvier 1942, le capitaine de corvette de Scitivaux prit le commandement de l'« Ile-de-France » et le mena à la bataille sur Spitfire V; il accomplit sa première mission le 10 avril 1942, au-dessus du cap Gris-Nez.

Au cours d'un engagement avec les chasseurs ennemis, de Scitivaux fut abattu et fait prisonnier. Il ne rejoignit les Alliés, à sa cinquième tentative d'évasion, qu'en janvier 1945. L'« Alsace », lui, fut chargé d'assurer le soutien aérien de l'opération « Jubilee » contre Dieppe, en août 1942.

La création du groupe de chasse « Normandie » résulta du souci du général de Gaulle d'affirmer, partout où faire se pouvait, la présence de la France libre. Dès le début de l'année 1942, il envisagea avec grand intérêt de détacher une formation des FAFL auprès de l'armée de l'air soviétique.

Le 10 juillet suivant, le général Valin recevait l'ordre de constituer une unité de chasse avec des pilotes provenant de Grande-Bretagne, du Levant et de l'Empire colonial. Les négociations menées avec les Soviétiques aboutirent à un accord signé le 26 novembre 1942, à Moscou, entre le général Petit, chef de la mission militaire française en U.R.S.S. et le général de l'armée rouge Falalieiev. Le ler septembre précédent, un groupe de chasse n° III avait vu le jour sur la base de Rayak.

Il partit vers l'U.R.S.S. le 12 novembre 1942 et atteignit Ivanovo, à 150 km de Moscou, le 2 décembre. Le Yak 7 fut l'avion qui servit à l'entraînement des pilotes français. Le 26 mars 1943, le commandant Tulasne emmenait ses hommes dans leur première sortie sur le front de l'Est. Si les missions du début furent peu éprouvantes, tout changea au mois de juillet, lorsque le groupe fut mis en ligne dans la région d'Orel, en pleine contre-offensive soviétique. Le commandant Tulasne y disparut comme de nombreux autres navigants.

quelques instants avant le largage de ses bombes, un Boston IV de l'escadrille « Nancy » du « Lorraine » en vol au-dessus de l'Allemagne au début de l'année 1945 (photo ECP Armées-Coll. F. Broche).

En Afrique, le détachement permanent des force aériennes du Tchad donna naissance, le 1er janvier 1942, au groupe de bombardement « Bretagne ». Cette unité comprenait deux escadrilles : « Rennes », ave six Lysander, et « Nantes », équipée de trois Glen Martin 167 et de quelques appareils de liaison. L « Bretagne » appuya le général Leclerc dans la can pagne que celui-ci mena contre les postes italiens d Fezzan pendant une grande partie de l'année 194: La vétusté du matériel dont il était pourvu empêch le groupe de prendre part à la campagne de Tunisie en 1943. 11 fallut attendre plusieurs mois avant que les Américains se décident enfin à lui céder des B-2 Marauder.

L'« Artois », formé en Afrique française libre 3 août 1942, reçut pour mission principale de fais la chasse aux sous-marins allemands croisant dans golfe de Guinée. Commandé successivement pi les commandants Bonnafe, Kopp et Mord, il mit e oeuvre des Lysander puis des Avro « Anson ».

La dernière-née des unités des FAFL fut le groupe « Picardie ». Avec des Blenheim, des Potez 25 pu des Douglas A-24, il assura la surveillance des zones désertiques des États du Levant. Dans le domaine de transports aériens, l'action du colonel de Marmier et pour résultat, en septembre 1941, la création des Lignes aériennes militaires, qui assurèrent une important autonomie à la France libre.

La renaissance de l'armée de l'Air

Au cours du printemps 1942, bien que l'éventuali d'un débarquement sur le continent européen ne fi pas encore à l'ordre du jour, le général de Gaul pensait déjà à la mise en oeuvre d'un vaste programn de réarmement s'appliquant à la fois aux unités frai çaises libres et à celles qu'il comptait constituer après la libération de la France.

Mais les Américains, qi étaient les seuls à pouvoir fournir au chef de la France libre l'aide matérielle nécessaire, appuyaient sans réserve le général Giraud, seul capable à leurs yeux de faire basculer l'Empire colonial français dans le camp allié. Giraud reçut l'assurance d'un soutien américain lors de l'entrevue secrète de Cherchell, le 23 octobre 1942. Au cours de la conférence d'Anfa, les Alliés réitérèrent leurs promesses.

La perspective de l'aide anglo-américaine impliquait la reconstitution de l'armée française. Il fallait donc mettre un terme à la dualité néfaste qui existait entre les FAFL et l'armée de l'air d'Afrique, formée à partir des unités de l'armée de l'air d'armistice après le débarquement en Afrique du Nord. Mais, un véritable fossé séparait les pilotes de la France libre et les navigants restés en France ou en Afrique de 1940 à 1942 au sein • de l'aviation de Vichy. Des combats fratricides ne s'étaient-ils pas déroulés pendant ces deux années ?

devant son Boston baptisé Bir Hakim, Michel Fourquet, commandant du « Lorraine » du 15 mars au 6 novembre 1944 (photo ECPA-Coll. F. Broche).

En août 1943, les FAFL sont officiellement intégrées à l'armée de l'Air, reconstituée avec les unités « récupérées » en Afrique du Nord après le débarquement allié.

Le général Valin en laisse le commandement au général de corps aérien Bouscat. De nouvelles unités viennent se joindre aux FAFL en Angleterre, dont le GB-2/33 « Guyenne » (ou Squadron 346 de la RAF, intégré au 4th Group du Bomber Command). Ici, image symbolique de la fin d'un combat fratricide, un bombardier Halifax du « Guyenne » survole Paris libéré (photo Service historique de l'armée de l'Air-Arch. B. Bombeau).

Ce fut le général Bouscat qui réalisa la fusion des deux branches séparées depuis le mois de juillet 1940. Le ler juillet 1943, trois ans après la création des FAFL, l'armée de l'Air renaissait officiellement. Deux jours plus tard, le général Valin abandonnait le commandement des FAFL, qui, désormais, faisaient partie intégrante des forces françaises reconstituées.

Il adressa à ses hommes un message rédigé en ces termes : « Au moment où je quitte le commandement des Forces aériennes françaises libres, je tiens à redire une phrase que j'ai prononcée à la radio de Londres, le 10 avril 1941, m'adressant alors à nos camarades soumis au régime de Vichy : « Venu ici sans ambition personnelle, je n'aspire qu'à reprendre ma place dans l'armée de l'Air le jour où celle-ci reprendra le combat. » Ce jour est arrivé. Le général de corps aérien Bouscat vient d'être nommé chef d'état-major des forces aériennes françaises...

En mai dernier, faisant abstraction de ma propre position et fidèle à ma ligne de conduite, j'avais suggéré au général de Gaulle, avant son départ, la solution que j'estimais la meilleure pour réaliser l'unité de l'armée de l'Air. Cette solution est finalement retenue... Nous allons servir maintenant sous les ordre d'un grand chef et d'un aviateur qui a donné, toute sa vie, mille preuves de son énergie et de son allant. Je suis convaincu que vous saurez servir sous ses ordres avec le même dévouement et la même fidélité que vous m'avez toujours témoignés. »

en novembre 1944, dernières consignes avant le départ pour un équipage du « Lorraine » à Vitry-en-Artois (photo Service historique de l'armée de l'Air).

Tout n'alla pas, malheureusement, selon les voeux du général Valin. Pour parvenir à la fusion désirée, le général Bouscat dut recourir à la politique de l'amalgame. Ainsi, des pilotes de l'armée de l'air d'Afrique furent intégrés dans les unités des FAFL, tandis que des navigants français libres servirent dans des groupes reconstitués en Afrique du Nord. La fin des possibilités d'engagement dans les FAFL fut fixée au ter août 1943.

Les unités des FAFL n'en continuèrent pas moins à intervenir sur divers théâtres d'opérations. Au début de l'année 1944, au terme de patientes négociations avec les Alliés, les dirigeants de l'armée de l'Air, et en particulier le général Valin, avaient obtenu que les forces aériennes basées en Grande-Bretagne participent aux opérations de débarquement sur le continent. Or, une grande partie de ces forces appartenaient aux FAFL.

Il s'agissait des groupes de chasse « Alsace » et « Ile-de-France », rattachés au 84th Group de la Royal Air Force, et du « Lorraine », dont les Boston opéraient avec le 2nd Group britannique. Le 6 juin 1944, le « Lorraine » exécuta une mission de la plus haute importance : tendre un rideau fumigène dans le secteur où les troupes britanniques allaient prendre pied, afin de masquer l'arrivée des péniches. Le 13 juin après la consolidation des têtes de pont, les appareils des groupes « Alsace » et « Ile-de-France » purent se poser en France. Par la suite, les groupes des FAFL appuyèrent l'avance alliée vers la frontière belge.

En décembre 1944 et en janvier 1945, le « Lorraine » opéra dans la région d'Aix-la-Chapelle. A la même époque, l'« Ile-de-France », qui s'était rendu en Grande-Bretagne pour se reposer et toucher des Spitfire XVI, revint sur le continent, ce qui permit à l'« Alsace » d'être relevé à son tour. L'« Ile-deFrance » exécuta alors de nombreuses attaques contre les lignes de communication allemandes au milieu des effroyables tirs de barrage de la Flak.

à Vitry-en-Artois, le capitaine Jacques Ballet (assis) interroge l'équipage du lieutenant Christienne (au centre) au retour d'une mission sur l'Allemagne, en janvier 1945 (photo ECP Armées-Coll. F. Broche).

Le 23 mars 1945, avec leurs quarante Spitfire XVI, « Ile-de-France » et l' « Alsace » couvrirent l'armada de plusieurs centaines de bombardiers qui pilonnèrent la région de Wesel pour ouvrir la voie aux troupes terrestres britanniques et canadiennes qui se préparaient à passer le Rhin. Début avril, le « Lorraine » percevait des B-25 Mitchell, avec lesquels il termina la campagne d'Allemagne.

Intégré à la 31e escadre de bombardement, mise sur pied le 1 er avril 1944, le G B « Bretagne » avait participé à la très active campagne de bombardement qui précéda l'offensive alliée contre Rome. Il mit à mal les lignes de communication allemandes en s'attaquant aux ponts routiers et ferroviaires, ainsi qu'aux tunnels. Les avions du « Bretagne » firent ensuite partie des deux cent cinquante appareils français engagés dans le soutien aérien du débarquement en Provence au mois d'août 1944.

en 1959, dix-huit ans après leur disparition, une patrouille de goumiers retrouve, dans le nord-est du Tchad, l'épave de l'avion et les restes de l'équipage du sergent pilote Le Calvez (photo Icare-Coll. F. Broche)

La 31e escadre bombarda notamment les batteries de marine de la presqu'île de SaintMandrier. A la fin de l'année 1944, le « Bretagne », comme les autres groupes de bombardement moyen français, entra dans la composition de la 1 1 e brigade de bombardement et, à partir de Saint-Dizier, soutint l'avance de la Ire armée française. Il prit part à la réduction des fameuses poches de l'Atlantique vers la fin de la guerre.

Le groupe « Normandie » prit la désignation de régiment au début de l'année 1944. L'offensive d'été de l'armée rouge, lancée le 22 juin, le mena jusqu'aux frontières de l'Allemagne. Là, il toucha des Yak-3, en tous points supérieurs aux Focke-Wulf Fw-190.A, et reçut, le 28 novembre 1944, le nom de « régiment du Niemen ».

De 1940 à 1942, les FAFL symbolisèrent la présence de l'armée de l'air française, écrasée pendant la campagne de 1940, aux côtés des armadas aériennes alliées. C'est une unité française, le « Normandie-Niemen », qui totalisa le plus grand nombre de victoires enregistrées par l'armée de l'Air de 1939 à 1945 (273 sûres et 37 problables).

C'est aussi un pilote des FAFL, Pierre Clostermann, qui fut le premier as français du conflit avec 33 victoires sûres et 12 probables. Quant aux pertes, celles du « Lorraine » donneront une idée de leur importance : ce groupe compta, en effet, 108 tués et disparus, ce qui représente le double de son effectif normal.


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  Fan d'avions © 16 Mai, 2001