Handley-Page
LES GÉANTS DU RFC
Produits pour bombarder et paralyser l'industrie de guerre allemande, les Handley Page 0/100 et 0/400 furent les premiers bombardiers stratégiques britanniques.
La création du premier bombardier lourd anglais résulte d'une décision du gouvernement britannique contraint de faire face à deux événements de taille : d'une part, la course à la mer (octobre-novembre 1914), qui devait assurer aux Allemands le contrôle du littoral et couper l'Angleterre du continent; d'autre part, à dater de janvier 1915, les raids de Zeppelin sur Londres et sa banlieue.
Encouragé par la réussite des bombardements effectués par les pilotes du RNAS (Royal Naval Air Service) en septembre et en novembre 1914 sur les usines et les hangars Zeppelin à Cologne, Düsseldorf et Friedrichshafen, l'état-major britannique choisit le bombardier comme l'une des armes de représailles.

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Une vue impressionnante d'un Handley Page 0/100 en France. Sa voilure (158 m2) recouvre un petit parasol de chasse Morane-Saulnier A.I
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Pour pallier la faible puissance de feu des avions alors utilisés Sopwith 1 1/2 et Avro 504 , le département Aviation de la Navy voulait s'équiper d'« un appareil capable d'effectuer de véritables missions de guerre sur de grandes distances à partir de bases françaises ou anglaises et de transporter des charges plus lourdes que les bombes de 10 kg généralement utilisées ».
A l'époque, c'était là une véritable gageure. Le défi fut pourtant relevé par Sir Frederick Handley Page, déjà connu des milieux aéronautiques anglais pour avoir créé dès 1910 une série de monoplans proches des Taube allemands, puis des biplans à ailes en flèche.
Genèse et prototypes
Sir Handley Page et son ingénieur dessinateur Volkert optèrent d'emblée pour un biplan lourd bimoteur. Quand le projet fut présenté au département Aviation de la Navy, son directeur, Murray Sueter, impressionné, déclara « qu'après quelques modifications cet appareil serait digne du surnom de Bloody Paralyser (littéralement : « bougre de paralysateur »).

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l'accueil enthousiaste réservé par les Palestiniens au 0/400 en septembre 1918.
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Le 9 février 1915, la société Handley Page décrochait un contrat pour une tranche de douze appareils, dont quatre prototypes. Le nouveau bombardier fut désigné 0/100, par référence à l'envergure de l'aile supérieure, qui mesurait 100 pieds (30,48 m). Le 01 vola pour la première fois le 17 décembre 1915 sur le terrain de Hendon.
Ce modèle se caractérisait par son long fuselage (18,85 m), dont l'avant, en menton carré, était surmonté de panneaux vitrés fermant l'habitacle, où étaient logés côte à côte le pilote et l'observateur. Les deux ailes, de forme rectangulaire, étaient reliées par quatre paires de mâts. Le plan supérieur (30 m d'envergure) et le plan inférieur (18,80 m) représentaient, avec les empennages horizontaux, une surface portante de
158 m2.
Les ailes du 0/100 se repliaient parallèlement au fuselage à partir du bâti externe des moteurs, ce qui simplifiait les manoeuvres au sol et permettait de ranger cet immense appareil dans un hangar de taille moyenne. Moteur et réservoir étant montés en tandem, les fuseaux-moteurs blindés, reposant sur une structure en tubes d'acier, avaient un profil aérodynamique assez long.
Le problème du propulseur se trouva résolu par l'arrivée sur le marché du moteur Rolls-Royce Eagle, un 12-cylindres en V à refroidissement par liquide, développant une puissance nominale de 250 ch. Ces propulseurs étaient dotés sur le 0/100 d'hélices quadripales. La soute à bombes, placée dans le deuxième tronçon du fuselage, était positionnée au niveau des points d'accrochage de l'aile inférieure.
Elle pouvait contenir seize bombes de 51 kg ou de 48 kg, arrimées verticalement et pointées vers le haut dans les alvéoles en nid d'abeilles, équipés d'un rabat à ressorts que les bombes repoussaient lorsqu'elles étaient larguées. Chaque train d'atterrissage, de type classique, comprenait deux roues d'un diamètre de 0,80 m.

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ce dernier fut le bombardier lourd britannique le plus utilisé à la fin de la Grande Guerre.
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Au vu de ce premier prototype, l'Amirauté décida de plusieurs modifications qui devaient donner au Handley Page 0/100 sa silhouette définitive. L'habitacle blindé de l'équipage fut supprimé au profit d'une tourelle de mitrailleuse à l'extrémité avant et de deux postes de tir placés derrière la voilure et couvrant le champ de tir arrière de l'appareil vers le haut et vers le bas. Les mitrailleuses étaient des Lewis aviation
de 7,7 mm, alimentées
par un chargeur à tambour. Ces quelques changements ayant été exécutés sur les trois derniers prototypes, le Bloody Paralyser fut immédiatement versé en escadrille sur le front de l'Ouest.
En escadrille
C'est en novembre 1916 que les deux premiers HP 0/100 de série furent livrés au 3rd Wing du RNAS, basé à Luxeuil. Le troisième 0/100 de série, se rendant de Manston (Kent) à Esquennoy (Oise), s'étant égaré en cours de route et ayant atterri derrière les lignes ennemies, fut soigneusement étudié par les Allemands, qui le rebaptisèrent « Amazona ».
Quelques mois plus tard, à l'apparition des premiers Gotha, la presse alliée déclara le plus sérieusement du monde que ces avions étaient dérivés du Handley Page capturé. En juin, le 3rd Wing fut dissous, et les deux 0/100, portant les numéros 1459 et 1460, furent affectés au 5th Wing, basé à Coudekerque et chargé d'attaquer des objectifs industriels dans la vallée de la Sarre. Les deux Handley Page prirent part aux opérations;
le premier
d'entre eux à le faire fut le 1460, qui, dans la nuit du 16 au 17 mars 1917, bombarda un noeud ferroviaire à Moulins-lèsMetz. Les opérations se poursuivirent jusqu'au mois de mai.

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le premier des cent exemplaires de 0/400 commandés en juin 1918 à la nouvelle usine Handley Page, dénommée National Aircraft Factory No. 1.
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Parallèlement à ces missions au-dessus de l'Allemagne, les appareils effectuaient des patrouilles de jour de surveillance et de reconnaissance armée au-dessus des côtes flamandes. Le 23 avril, trois 0/100 attaquèrent cinq destroyers allemands en vue d'Ostende, laissant l'un d'eux en mauvaise posture. Mais, quelques jours plus tard, un Handley Page était abattu lors d'une mission similaire. Après cet « incident », l'Amirauté
ordonna que le
0/100 ne fût plus utilisé que pour les raids de nuit, en particulier contre les bases de sous-marins en mer du Nord et contre les bases de Gotha.
C'est à cause de sa grande autonomie (onze heures de vol en croisière) que, le 23 mai 1917, un Handley Page (3124) fut envoyé à Mudros, en neuf étapes, pour couler le croiseur allemand Goeben, ancré à Istanbul. La mission se solda par un échec, les bombes n'ayant pas atteint leur but. Un second raid fut tenté le 9 juillet, à partir de Lemnos, en mer Égée.

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premier bombardier de la toute jeune Royal Air Force (née en avril de cette même année 1918), cet appareil présentait malgré sa masse et ses dimensions de multiples facilités d'entretien, en particulier grâce à sa voilure repliable et à ses solides structures.
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Mais la défense antiaérienne turque contraignit le bombardier à amerrir dans le golfe de Xeros. Son équipage fut fait prisonnier (parmi ses membres se trouvait le Captain John Alcock, futur héros de la première traversée de l'Atlantique sans escale).
Malgré le surcroît de puissance fourni par le nouveau moteur Sunbeam Cossak monté sur les six derniers exemplaires sortis des usines de Cricklewood, le Handley Page 0/100 ne fut produit qu'à quarante-six unités.
Fer de lance du bombardement
Le Handley Page 0/100 fut abandonné au profit du modèle 0/400, qui différait de son prédécesseur par son moteur, un Rolls-Royce Eagle Viii de 360 ch, par sa structure renforcée autorisant l'emport d'une charge de bombes plus importante, et, enfin, par la suppression des réservoirs situés à l'arrière des nacelles, remplacés par quatre réservoirs (deux principaux et deux auxiliaires) montés au-dessus de la soute à bombes, ce
qui permit de
diminuer les fuseaux-moteurs.
Versé en unité au début du printemps 1918, le 0/400 devint le fer de lance de la RAF, née le ler avril de la fusion du RNAS et du RFC (Royal Flying Corps).
Finalement, en novembre 1918, le Squadron 83 comptait sept wings de 0/400 et un mixte (0/100 et 0/400). Les 0/400 participèrent très activement aux derniers bombardements lourds de la guerre. Le Squadron 214 eut ainsi le privilège de lancer la première bombe de 746 kg, ce, dans la nuit du 24 au 25 juillet.
En septembre et en octobre, puis lors des dix premiers raids de novembre, les avions du Squadron 83 larguèrent 356 t de bombes à raison d'un raid par nuit, mettant en oeuvre en moyenne quarante appareils. Le raid de nuit qui regroupa le plus grand nombre de Bloody Paralyser fut celui du 14 au 15 septembre 1918 sur Sarrebruck, Kaiserslautern, Ehrang, Metz-Sablons, Courcelles et Frescaty. Neuf bombardiers revinrent avec des
ennuis de moteurs
sans avoir atteint leur but, un tomba en panne et trois furent portés absents.

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cette image d'un 0/400 à l'atterrissage permet d'apprécier le grand allongement de la voilure et sa faible profondeur.
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Un Handley Page 0/400, immatriculé C968I, connut son heure de gloire en Palestine, au sein du Squadron 1. Le 19 septembre 1918, cet appareil donna le signal de l'offensive du général Allenby par le bombardement d'El-Afule, détruisant la gare et le central téléphonique, ainsi que le QG de l'armée turque. Il était piloté par le Lieutenant Ross Smith, qui, treize mois plus tard, devait remporter sur Vickers « Vimy » la course
Angleterre-Australie.
Service après-guerre
Au lendemain de la guerre, la plupart des 0/400 furent reconvertis au transport à long rayon d'action. Au sein de la RAF, huit 0/400 étaient en service au 86th Communication Wing. Le plus célèbre d'entre eux est sans doute le D8326, baptisé Silver Star, réservé aux déplacements du roi George V, et qui fut mis à la disposition de la délégation anglaise à la conférence de la Paix à Paris en 1919.
Après avoir assuré le transport du courrier à destination des forces d'occupation en Allemagne, les autres 0/400 de la RAF furent affectés en Égypte dès la fin de 1919, et effectuèrent des liaisons civiles et postales avec la Palestine et l'Irak jusqu'en 1921.
Désireuse de ne pas laisser inemployés les 0/400 décommandés après l'Armistice, la société Handley Page créa une filiale spécialisée dans le transport aérien. Les types 0/7 et 0/10 furent modifiés de façon à pouvoir emporter des passagers et le 0/11, des passagers et du fret.
Ces appareils eurent de nouveau leurs réservoirs transférés dans les nacelles-moteurs, comme sur le 0/100. Les premiers services du Handley Page « Transport » étaient principalement axés sur Paris, Bruxelles, Amsterdam. En 1923, la ligne Londres-Paris fut prolongée jusqu'en Suisse. Cependant, après l'absorption de la firme par Imperial Airways en avril 1924, toutes les variantes du 0/400 furent retirées du service. Un problème
analogue se
posa pour le Handley Page V/1500, qui avait été construit en grand secret au début de 1918 pour lâcher la nouvelle bombe de 1 500 kg sur Berlin.

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l'un des quarante 0/400 transformés en transports civils après la guerre.
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Un dernier-né trop tardif pour le conflit mondial
Bien que directement issu de l'expérience des 0/100 et des 0/400, le Handley Page V/1500 différait largement de ses prédécesseurs. Ainsi, de cordes égales, les ailes mesuraient 38 m d'envergure, les plans inférieurs supportaient quatre moteurs Rolls-Royce Eagle VIII de 375 ch montés en tandem, les hélices tractives étaient souvent bipales et les propulsives, quadripales. Mais les principales modifications résidaient dans
la charge de bombes
transportée (1 600 kg) et la création, pour la première fois, d'un poste de tir dans la queue.
Construit à Belfast, dans les usines Harland & Wolff, le premier prototype vola le 22 mai 1918 à Cricklewood. Un contrat avait été signé pour 255 exemplaires, mais soixante d'entre eux seulement furent livrés (dont six avant la fin des hostilités), le reste ayant été décommandé en décembre 1918.

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l'équipage du V/1500 photographié à Terre-Neuve avant sa tentative manquée au-dessus de l'Atlantique Nord en 1919.
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Donc, fin octobre 1918, trois V/ 1500 étaient préparés pour bombarder l'Allemagne. L'objectif était de frapper la capitale du Reich, puis, en fonction du carburant disponible, d'atterrir en pays neutre. Le 9 novembre, cette mission fut reportée de quarante-huit heures en raison de la météo défavorable; mais, deux jours plus tard, peu de temps avant le décollage, on apprit que l'Armistice était signé.
Pourtant deux actions rendirent le V/1500 célèbre auprès du public. Tout d'abord, le troisième prototype, le H MA (His Majesty's Aircraft) Old Carthusian, piloté par un équipage de la RAF, effectua le deuxième vol Angleterre-Indes, précédé de quelques semaines par un 0/400. Cet appareil fut également le seul V/1500 à larguer des bombes en opérations, lors d'une attaque contre la forteresse de l'émir Aman Allah à Kaboul, pendant
la troisième
guerre anglo-afghane. Plusieurs bombes de 104 kg firent mouche sur l'arsenal.
En 1919, un autre V/1500 (F7140) fut envoyé par bateau à Terre-Neuve pour y préparer une traversée sans escale de l'Atlantique; la réussite du Vickers « Vimy » d'Alcock et Brown coupa court à cette tentative.
A la fin de janvier 1920, les Squadrons 166, 167 et 274, équipés de V/1500, étaient dissous, la RAF ne conservant que quelques appareils en vue de tester les nouveaux moteurs, tel le Napier Lion.
Après 1920, seuls les États-Unis utilisaient les rares 0/400 et V/1500 construits sous licence dans les usines de la Standard Aero Corporation pour essayer des projectiles de gros calibre sur le polygone d'Aberdeen.
Bombardier sans guerre, le Handley Page V/1500 eut donc l'honneur d'être le premier quadrimoteur de la RAF, et ce, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les gros porteurs n'étant plus à la mode en Grande-Bretagne.

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à gauche, le second prototype du Halifax essayé avec son équipement opérationne sur le terrain de Martlesham Heath à l'automne 1937.
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LE RIVAL DU «LANC»
Surnommé « Hallybag » par ses équipages, le Handley Page « Halifax » prit, aux côtés du Lancaster, une large part aux bombardements sur l'Allemagne dès 1942

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deux mois après le vol du second prototype, le Squadron 35 touchait ses premiers Halifax : un record pour un appareil de cette catégorie.
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Dans un ouvrage paru en 1947 sous le titre Bomber Offensive, l'Air Marshal Sir Arthur Harris, commandant en chef du Bomber Command de la RAF, écrivait : « 11 aurait valu la peine de perdre une année de production des Halifax pour permettre aux ateliers de se reconvertir dans la fabrication du Lancaster. Je n'empruntai pas cette voie, ajoute-t-il, mais, par d'autres moyens, j'étais néanmoins parvenu, à la fin de la guerre,
à transformer sur
Lancaster plusieurs unités de Halifax du Bomber Command. »
Malgré leurs défauts (en particulier, dans les débuts, un manque de puissance), les « Hallybag » effectuèrent au cours de la Seconde Guerre mondiale pas moins de 75 352 sorties, durant lesquelles ils larguèrent 227 807 t de bombes, dont 34 016 t en 1943 et 148 450 t en 1944.
Un appareil polyvalent
Désigné HP-57 par le constructeur, le Halifax Mk-I était un appareil très polyvalent, beaucoup plus que le Lancaster ou le Short « Stirling ».
Il fut le seul bombardier quadrimoteur anglais à servir dans son rôle d'origine à partir de terrains situés hors des frontières britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale. Quand son intervention en Libye fut rendue officielle, au mois d'août 1943, il s'était déjà révélé comme l'un des plus efficaces parmi les appareils en service sur le théâtre de la Méditerranée.
Le Halifax fut aussi utilisé pour le largage de mines, le parachutage d'armes et de ravitaillement destinés aux maquis. Le Coastal Command l'employa également pour des patrouilles à grande distance, et, aux côtés des hydravions Short « Sunderland », pour la lutte contre les sous-marins et contre les navires.
Ainsi, à la mi-janvier 1945, deux squadrons équipés de Halifax avaient lancé une centaine d'attaques contre la marine allemande dans la région du Skagerrak. En un peu plus de trois mois, ils avaient repéré 364 navires en mer Baltique et dans les eaux norvégiennes, et pendant le seul mois de décembre en avaient attaqué trente-sept.
Le Halifax servit enfin comme transport de parachutistes et pour le remorquage de planeurs (il était le seul appareil capable de remorquer le gros Hamilcar de la General Aircraft Ltd., qui joua un rôle important lors du débarquement du 6 juin 1944).
La naissance du Halifax
L'origine du Halifax remonte à la spécification P13/36 de l'Air Ministry, en date de novembre 1936, dont résulta également l'Avro « Manchester ». Cette spécification réclamait un bombardier entièrement métallique, d'un poids maximal de 20 400 kg, équipé de deux Rolls-Royce Vulture d'une puissance de l'ordre de 1 700 ch, qui étaient alors en cours de développement.

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sur les B Mk-ll série la tourelle avant fut remplacée par une large coupole transparente, qui améliorait les qualités aérodynamiques de l'avion. En contrepartie, la majorité des séries I et IA reçurent une tourelle dorsale avec quatre mitrailleuses de 7,7 mm en remplacement des postes de tir latéraux.
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HANDLEY PAGE « HALIFAX »
Son envergure ne devait pas excéder 30,50 m (limite maximale pour que l'appareil pût entrer et sortir des hangars de la RAF); il devait en outre être capable d'effectuer des bombardements en piqué et de larguer des torpilles.
Pour répondre à ces normes, G.R. Volkert, chef du bureau d'études de Handley Page, et son équipe élaborèrent au cours des années 1936-1937 le modèle HP-56, dérivé du bombardier bimoteur HP-55, qui répondait à un programme de 1935 et qui n'avait jamais été construit.
En avril 1937, la firme Handley Page reçut une commande pour deux de ces appareils. Dans les mois qui suivirent, la décision fut prise d'agrandir l'appareil pour l'équiper de quatre Rolls-Royce Merlin. Le contrat de l'Air Ministry fut modifié dans ce sens le 3 septembre 1937, deux ans juste avant qu'éclate la Seconde Guerre mondiale.
Ainsi naquit le HP-57, qui présentait une envergure de 30,43 m, contre 26,82 m pour le HP-56. Afin de gagner du temps, il fut décidé que le premier prototype sortirait sans armement ni équipements militaires, et ce, dans le but d'accélérer les essais, effectués à l'A & AEE (Aeroplane & Arma-ment Experimental Establishment, Centre d'essais pour avions et armements) de Martlesham Heath (Suffolk). Le L7244 y serait rejoint
par le second prototype, qui devait, quant à lui, être essayé avec son équipement opérationnel.
La production en série
Dès le début de février 1939, l'Air Ministry avait demandé à la compagnie English Electric, déjà prête à construire des Hampden en sous-traitance, de se préparer également à mettre en chantier des Halifax. C'est ainsi que la compagnie de Preston devint le premier des quatre partenaires du groupe Halifax.
Le Halifax apparaissait comme un appareil idéal pour la production en série, car il était constitué de deux douzaines de sous-ensembles principaux, fabriqués dans différents ateliers et pouvant être très rapidement réunis avec un minimum de main-d'œuvre spécialisée.

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GR Mk-ll série IA du Coastal Command équipés d'hélices quadripales et de réservoirs supplémentaires dans les soutes à bombes. Une partie de la charge offensive était reportée sur la voilure, entre les fuseaux-moteurs intérieurs et le fuselage.
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Pour accélérer les cadences, Handley Page utilisa, pour la première fois dans l'industrie aéronautique britannique, la technique du tracé photographique, employée aux États-Unis dans la construction navale. Les pièces détachées étaient dessinées avec la plus grande précision possible sur des tôles spécialement préparées puis photographiées. Ces schémas originaux pouvaient alors être reproduits avec exactitude sur des tôles
préalablement
sensibilisées, qui, ensuite, étaient réparties dans les firmes annexes et chez les sous-traitants en vue d'être façonnées.
Ci-dessous : en vol, un B Mk-1 du Squadron 7 qui fut la deuxième unité du Bomber Command à être opérationnelle, en juillet 1941, sur ce type d'appareil. Ce squadron, qui vola sur Halifax jusqu'en mai 1945, prit une large part aux bombardements britanniques sur l'Europe il participa également à trois attaques contre le cuirassé Tirpitz.
Tout le personnel de Cricklewood se mit rapidement au travail. Par rapport au bombardier moyen Handley Page « Hampden » (9 000 kg), le Halifax faisait véritablement figure de monstre avec une masse en charge de 30 845 kg, ce qui n'alla d'ailleurs pas sans poser d'importants problèmes sur le plan technique. Mais, comme pour le Handley Page 0/100 pendant la Première Guerre mondiale, ceux-ci furent assez rapidement résolus.
Le 7 janvier 1938, la firme recevait une commande pour un premier lot de cent HP-57 (peu de temps après, l'appareil reçut la désignation officielle de « Halifax »). Le montage des deux premiers prototypes démarra en mars. Le premier (L7244>, terminé à la veille de l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne, ne put être essayé sur le terrain de Handley Page, à Radlett, celui-ci ne présentant pas toutes les garanties de sécurité
nécessaires. L'appareil fut alors démonté et ses éléments transportés, sur remorques, jusqu'au terrain de Bicester (non loin d'Oxford), appartenant à la RAF, où, avec le Major Cordes aux commandes, il effectua son premier vol le 25 octobre 1939.

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Le Halifax B Mk-ll série I différait du Mk-I par ses moteurs plus puissants et sa tourelle dorsale à deux armes.
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Le deuxième prototype (L7245), quant à lui, prit l'air à Radlett le 17 aout (soit près de dix mois après le premier avion), doté des mêmes moteurs (des Rolls-Royce Merlin X de 1 280 ch) mais avec un armement complet et divers accessoires. L'armement défensif était constitué de six mitrailleuses : deux de nez et quatre de queue, montées sur deux tourelles Boulton-Paul. Les hélices De Havilland à pales en Duralumin avaient
été
remplacées par des Rotol à vitesse constante à pales Schwartz en bois.
Faisaient également partie du groupe Halifax, la compagnie Rootes Securities, de Speke (près de Liverpool), et Fairey Aviation, sise à Errwood Park (Stockport), qui, avec English Electric, constituaient le secteur Nord du groupe. Le quatrième partenaire était le London Aircraft Production Group, qui comprenait le London Passenger Transport Board (LPTB), ainsi que plusieurs entreprises s'occupant normalement de la fabrication
d'autobus.
C'est Handley Page qui fut à l'origine de cette association et qui en assura la supervision. L'assemblage final du Halifax et les vols d'essai devaient avoir lieu à Radlett. Mais le LPTB assurait le montage des Halifax sortant de chez LAP (London Aircraft Production) et les essayait sur l'aérodrome de Leavesden, près de Watford. La Chrysler Motors Ltd., située près de Kew Gardens, livrait aux ateliers de Leavesden l'arrière
complet des fuselages; la partie extrême des ailes, les nacelles ainsi que les capots-moteurs venaient de la Park Royal Coachworks (Park Royal et White City), une fabrique d'autocars; les empennages et les volets étaient fournis par Express Motors et Body Works (Enfield), les parois du fuselage par Duple Bodies & Motors Ltd., à Hendon. Tous les accessoires et pièces détachées étaient vérifiés par le LPTB, qui, de son côté, montait la section centrale de la voilure dans ses ateliers de Chiswick, avant de transférer
le tout à Leavesden.

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Halifax B Mk-ll série IA du Squadron 78. L'adoption de la coupole vitrée améliorait la visibilité du bombardier, lui facilitait le travail et permettait de regrouper l'équipement radio et les instruments de navigation.
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Chaque filiale du groupe Halifax jouissait d'une large autonomie, la société mère jouant essentiellement un rôle de conseiller, fournissant les gabarits, vérifiant les schémas de montage, etc. Du point de vue de la fabrication, les obligations des cinq partenaires principaux du groupe étaient les mêmes, tant pour la manufacture et l'approvisionnement en matériel que pour les délais de livraison.
De plus, afin de maintenir un standard élevé dans la construction des appareils, dès qu'une centaine de Halifax avaient été assemblés, l'un d'entre eux était choisi au hasard et convoyé jusqu'à Radlett, où il était testé par les pilotes de Handley Page. Toute correction ou modification nécessaire était immédiatement signalée au constructeur.
Lorsque la production du Halifax atteignit son maximum, vers 1943, le groupe fabriquait un avion par heure. Le montage était assuré par 41 usines, employant 51 000 personnes, et près de 600 sous-traitants participaient à la fabrication des diverses pièces.
Les performances du Halifax
Les premiers Halifax, désignés Mk-I série I, étaient équipés de quatre moteurs Merlin X. Leur masse passait de 16 300 kg à vide à 24 900 kg en pleine charge. Tous les Mk-1 série I furent fabriqués par la compagnie mère, de même que les série II et les série III, qui leur succédèrent sur les chaînes. Quelques exemplaires de la série III furent dotés de Merlin XX et d'un réservoir supplémentaire de carburant.
Avec le Merlin X, la vitesse de croisière du Halifax était de 300 km/h à 4 500 m d'altitude, et sa vitesse maximale de 440 km/h à 5 330 m. Son plafond pratique était de l'ordre de 5 550 m. Quant à la distance franchissable, elle s'élevait à 1 370 km avec la charge offensive maximale, soit 5 900 kg de bombes, et à 2 960 km avec 3 060 kg de bombes.
Avec une longueur de 21,34 m, le Halifax était aussi spacieux intérieurement que le Short « Stirling » (27,28 m), et son équipage, normalement composé de sept hommes, pouvait s'y déplacer facilement. Sous le poste du mitrailleur de nez, équipé d'une tourelle électrohydraulique munie de deux mitrailleuses Browning jumelées, se trouvait le bombardier, qui opérait à plat ventre sur un matelas spécial. Le viseur de bombardement
était placé au-dessus d'une plaque de verre optique. D'abord assuré par l'observateur, le pointage fut ensuite confié au bombardier. L'observateur put alors se consacrer exclusivement à la navigation. Il disposait d'une table à cartes, d'un thermomètre, d'un altimètre et d'un indicateur de vitesse.

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Deux Halifax B Mk-ll série I (spéciale) avec le nez non transparent caractéristique de cette version. Ces appareils appartenaient en 1942 au Squadron 7.
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Derrière le navigateur, sur le côté gauche de l'appareil, se trouvait l'installation radio (poste émetteur-récepteur). Sur la droite, un petit passage (dans lequel on pouvait installer une double commande) menait au poste de pilotage. Le pilote était placé juste au-dessus de l'opérateur radio, ce qui permettait aux deux hommes de communiquer facilement. Sur la paroi droite de la cabine était fixé le siège (repliable) du second
pilote. Derrière ce dernier se trouvait le mécanicien de bord, dont le siège (également repliable) était tourné vers la queue de l'avion. Une coupole transparente lui permettait de guider le tir des mitrailleuses ou de diriger la manoeuvre en combat.
Au poste du mécanicien, fermé par une cloison blindée percée d'une porte, faisait suite, vers l'arrière, une vaste soute, servant aussi de « salle de repos » pour l'équipage. A l'arrière de la voilure médiane, des marches donnaient accès à la tourelle du mitrailleur supérieur, qui disposait de deux mitrailleuses Browning. Enfin, dans la queue se trouvait une autre tourelle, munie de quatre armes. L'avant de la soute à bombes
(6,71 m de long) se trouvait à la verticale du poste de pilotage, l'arrière étant au niveau du bord de fuite de la voilure.

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un B Mk-III décolle après avoir subi une révision de détail dans les ateliers Handley Page. Sur cette version, les moteurs Merlin en ligne avaient été remplacés par des Hercules en étoile, qui modifiaient la silhouette de l'appareil.
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Le Squadron 35
Le premier Halifax Mk-I de série commença à voler dès le 11 octobre 1940, soit moins de deux mois après le second prototype. Le 13 octobre, il quitta Radlett pour effectuer des essais à l'A & AEE de Boscombe Down (Wiltshire). Un mois plus tard, le Squadron 35 était sélectionné pour voler sur Halifax.
Fin novembre 1940, cette unité quitta Boscombe Down pour Leeming (Yorkshire), emmenant le second prototype du Halifax — temporairement équipé d'une double commande — et le deuxième avion de série. Le 5 décembre, elle s'installait à Linton-on-Ouse, autre aérodrome du Yorkshire dépendant du 4th Bomber Group, où elle fut progressivement transformée sur Mk-I.
C'est dans la nuit du 11 au 12 mars 1941, cinq mois après l'apparition de la version de série, que le Squadron 35 effectua sa première mission sur Halifax. Six équipages furent envoyés au-dessus du Havre pour bombarder le port. L'un d'entre eux, n'ayant découvert ni l'objectif principal ni l'objectif secondaire, en l'occurrence Boulogne-sur-Mer, largua ses bombes sur Dieppe. Un autre appareil, également incapable de trouver
Le Havre et n'ayant plus assez de carburant pour atteindre Boulogne, décida de regagner sa base après avoir largué ses bombes au-dessus de la Manche.
Un troisième, qui avait, quant à lui, réussi sa mission, fut abattu au-dessus du Surrey par les chasseurs de nuit de la RAF, qui l'avaient pris pour un ennemi! Seuls deux membres de l'équipage réussirent à sauter en parachute.

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prêt à prendre l'air, un B Mk-Ill du Squadron 245 « Alouette de la Royal Canadian Air Force en Grande-Bretagne. Cette unité vola sur Halifax jusqu'en 1943, date à laquelle elle fut transformée sur Lancaster. A noter, la mitrailleuse de défense ventrale, montée sur les derniers B Mk-ll et sur les Mk-III, mais rapidement supprimée au profit de la coupole abritant le radôme du H2S .
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La nuit suivante, deux Halifax du Squadron 35 attaquèrent Hambourg; ils furent les premiers quadrimoteurs de la RAF à bombarder le territoire allemand. (En 1918, déjà, Handley Page projetait la construction d'un appareil capable de remplir des missions de ce genre. La firme avait à l'époque conçu le HP-15, bombardier de nuit V/1500 équipé de quatre Rolls-Royce Eagle VIII de 360 ch, mais l'Armistice vint mettre fin à ces études.)
Dès la mise en service du Halifax, de nombreux problèmes apparurent au niveau du système hydraulique, qui dut être complètement révisé. Ainsi, le verrouillage hydraulique n'était pas suffisant pour maintenir le train Messier escamoté, en particulier en cas d'avarie. De même, la roulette de queue, qui s'escamotait vers l'avant, n'arrivait pas à sortir à l'atterrissage; il fallait alors les efforts du personnel au sol pour
soulever
l'avion en le plaçant sur des sacs de sable. Pour remédier à ce problème, il fut décidé de bloquer la roue arrière en position basse, car, de nuit, il eût été difficile de contrôler visuellement sa position.
La maintenance
Une fois le Halifax opérationnel, un service de maintenance civil fut organisé. Basé à Clifton, aérodrome municipal d'York, il était assuré par Handley Page, sous l'égide du mnistère de la Production aéronautique. En juillet 1941, un premier hangar fut disponible à Rawcliffe, où furent détachés trente et un spécialistes venus de Cricklewood. Les installations prirent rapidement de l'extension, occupant bientôt six hangars
et
s'étendant jusqu'à Water Lane.
En principe, les appareils étaient acheminés par la route jusqu'à Rawcliffe par la Maintenance Unit 60 de la RAF, stationnée à Shipton-by-Beningbrough; mais, si un avion ne pouvait être remis en état sur une base, une équipe se déplaçait spécialement. La York Civilian Repair Organisation assurait également les révisions générales d'appareils n'appartenant pas au Bomber Command. C'est ainsi que, à la fin de la guerre, elle
avait
remis en état 240 Halifax opérant sur le théâtre méditerranéen. Elle employait alors 2 700 personnes, dont 350 sur des terrains autres que celui d'York.
Au total, la York Civilian Repair Organisation reconstruisit 320 Halifax et en répara près de 1 700 autres. Les pièces ou les ensembles irréparables étaient récupérés par Pilkington Bros, de Doncaster, et réutilisés sur les chaînes de montage ou stockés.
Les bombardements de jour
L'armement définitif du Halifax comprenait, outre ses deux tourelles de nez et de queue, deux Vickers en position latérale. Il se révéla néanmoins insuffisant le 30 juin 1941, date à laquelle deux des six appareils engagés par le Squadron 35 dans un raid de jour au-dessus de Kiel furent abattus par la chasse allemande.
A la même époque, le Squadron 76, basé à Middleton Saint George (Durham), devint à son tour opérationnel sur Halifax. Le 24 juillet, les deux unités lancèrent de conserve une attaque contre le croiseur de bataille Scharnhorst, qui mouillait à La Pallice, venant de Brest. Ce fut le premier raid diurne du nouveau bombardier. Des quinze Halifax qui participaient à cette mission, quatorze atteignirent le port français, où ils
furent
pris à partie par la chasse allemande, en l'occurrence une douzaine de Bf-109.F.
Tous furent touchés par les tirs des chasseurs et de la Flak. Cinq d'entre eux ne rentrèrent pas à leur base, et cinq autres furent gravement endommagés. Trois des appareils perdus appartenaient au Squadron 76, commandé par G.T. Jarman, qui réussit à ramener son avion avec un moteur hors d'usage.
En contrepartie, deux appareils ennemis avaient été abattus, et le Scharnhorst avait encaissé cinq coups directs, qui l'obligèrent à regagner Brest après avoir embarqué 3 000 t d'eau.
Les Halifax furent chargés de bombarder Berlin dans la nuit du 25 au 26 juillet. Le seul qui réussit à larguer ses bombes fut celui de Leonard Cheshire, qui, plus tard, devait se rendre célèbre avec les Pathfinders. Six semaines après, des Halifax furent transférés sur la base avancée de Stradishall (Suffolk), d'où, après avoir été équipés de réservoirs supplémentaires, ils partirent bombarder Turin.
Équipant entièrement le 4th Bomber Group de la RAF, le Halifax constitua aussi pendant longtemps la dotation principale du 6th Bomber Group de la Royal Canadian Air Force, dont le centre d'opérations se trouvait à Allerton Park, près de Knaresborough (Yorkshire).
Le centième et dernier Halifax Mk-I fut achevé le 12 septembre 1941 et, le jour même, fut baptisé officiellement par la vicomtesse Halifax. Alors que le nombre des unités équipées de Halifax ne cessait d'augmenter, le Mk-I fut supplanté par le Mk-I I. Outre ses quatre Rolls-Royce Merlin XX de 1 390 ch, il se distinguait par sa tourelle dorsale Boulton-Paul, armée de deux mitrailleuses Browning au lieu des deux Vickers du
Mk-1.
Sa masse totale en charge était de 27 200 kg. Le Mk-II fut construit par English Electric, dont le premier exemplaire (V9976) vola en août 1941 à Samlesbury, et par Handley Page, dont le premier modèle de série décolla à Radlett en septembre, deux mois après le prototype.
Après deux autres raids sur le Scharnhorst et le Gneisenau dans le port de Brest, en décembre 1941, le Halifax fut retiré des opérations de jour. Il avait pourtant montré sa capacité à encaisser les coups, les appareils endommagés regagnant presque toujours leurs bases; mais l'opposition de la chasse ennemie qui ne cessait de croître aurait vraisemblablement augmenté le taux de pertes de Halifax au cours des missions de jour.
La troisième unité dotée de Halifax fut le Squadron 10 (Leeming, Yorkshire); il effectua sa première mission le 30 décembre 1941, celle-ci coïncidant avec le dernier raid de jour sur Brest. A la mi-avril 1942, le Wing Commander D.C.T. Bennett prenait le commandement de cette unité, dont plusieurs Halifax furent détachés à la fin du mois dans le nord de l'Écosse, avec quelques appareils du Squadron 76. C'est de là qu'ils lancèrent
deux attaques contre le cuirassé Tirpitz, mouillé dans l'Aasfjord, en Norvège. Chaque appareil emportait cinq mines Johnny Walker (dont l'encombrement était tel que les portes de la soute à bombes ne se fermaient pas complètement) et devait les larguer de façon qu'elles coulent le long des flancs du cuirassé, ancré à une quinzaine de mètres des bords escarpés du fjord.
Ces deux attaques se soldèrent par des échecs. Lors du premier raid, le Halifax piloté par Bennett prit feu, atteint par la Flak, et l'équipage sauta en parachute. Bennett et son radio réussirent à échapper aux Allemands et, au terme d'un dur périple à travers les montagnes enneigées, réussirent à gagner la Suède, pays neutre. Rejoints par le second pilote et le mécanicien, ils furent rapatriés ensemble en Grande-Bretagne,
Les Pathfinders
En août 1942, Bennett se vit confier le commandement de la Pathfinder Force, qui allait devenir le 8th Group. Comptant à l'origine cinq squadrons à savoir, en plus du Squadron 35, les Squadrons 7 (Stirling), 83 (Lancaster), 109 (Wellington et Mosquito) et 156 (Wellington), il en regroupait dix-neuf à la fin de la guerre.
Les premiers mois de son existence furent consacrés à la mise au point de méthodes permettant de concentrer les attaques à la bombe, et c'est au début de 1943 qu'un équipement spécial de navigation, d'identification et de marquage des objectifs fut adopté : le système H2S, sorte de radar cartographique qui allait révolutionner la technique du bombardement de nuit.
L'efficacité de cet instrument fut démontrée en présence du physicien F.A. Lindemann (plus tard Lord Cherwell), conseiller scientifique personnel de Winston Churchill. Lindemann estima que ce type de radar était indispensable pour les opérations massives prévues au-dessus du territoire ennemi et trouva qu'on avait trop tardé à lui accorder la priorité. « Toute cette affaire sent mauvais », dit-il, et d'ajouter, en souriant
:
« On va donc lui donner le nom de code H2S! » (formule chimique de l'hydrogène sulfuré, à l'odeur caractéristique d'oeuf pourri).
Le Halifax fut le premier bombardier à recevoir le H2S. Deux exemplaires de cet appareil furent envoyés à la Telecommunications Development Unit de Malvern (Worcestershire), devenue aujourd'hui le Royal Radar Establishment, dont l'objectif principal est le développement des techniques du radar et procédant également à l'étude des engins téléguidés.
Son klystron ayant été remplacé par un magnétron, le premier H2S fut testé à bord du V9977, deuxième Mk-II sorti de chez English Electric. Les résultats furent très satisfaisants, mais, le 7 juin 1942, l'appareil s'écrasa dans le sud du pays de Galles, tuant tous ses occupants, y compris les six spécialistes du H2S qui se trouvaient à son bord.
Montés sur des Halifax des Squadrons 7 et 35, les H2S furent utilisés pour la première fois en opérations lors d'un raid sur Hambourg, dans la nuit du 30 au 31 janvier 1943.
Le Squadron 35 vola sur Halifax jusqu'en mars 1944, avant de passer sur Lancaster. En avril 1943, le Squadron 405 (« Vancouver ») de la RCAF était affecté à la PFF; il utilisa des Halifax jusqu'en août 1943, date à laquelle il fut transformé sur Lancaster.
La « Vallée heureuse »
Dès avril 1943, la Pathfinder Force (PFF) fut équipée de Mosquito dotés du fameux système Oboe, destiné à augmenter la précision et l'efficacité des bombardements de nuit. C'est de conserve avec ces appareils que les Halifax de la Pathfinder Force et de la Main Force (groupe de bombardiers lourds) furent engagés dans la fameuse « bataille de la Ruhr ». Du début du mois de mars à la fin du mois de juillet 1943, ils pilonnèrent
les centres industriels de la « Vallée heureuse », comme l'avaient surnommée les Britanniques. A eux seuls, les Halifax du 4th Bomber Group effectuèrent 2 339 sorties, durant lesquelles 138 d'entre eux furent perdus. D'autres furent victimes d'accidents sur le chemin du retour. Ainsi, dans la nuit du 3 au 4 avril, après la troisième attaque sur Essen, un Halifax
endommagé du Squadron 158 (basé à Lissett) percuta des arbres à Catfoss (quatre membres de l'équipage furent tués), et un appareil du Squadron 51 s'écrasa à Snaith (Yorkshire) alors qu'il allait se poser.
A ces accidents, imputables à la fatigue des équipages, s'ajoutaient les collisions en vol et les appareils touchés par les bombes de leurs coéquipiers!
Parmi les principaux objectifs qui furent bombardés lors de la bataille de la Ruhr figurent Bochum, Duisbourg et Düsseldorf. D'autres villes subirent ensuite l'assaut des Halifax : Munich, Stettin, Cologne, Lorient, Nuremberg et Turin. Certains journaux de marche des squadrons du 4th Bomber Group évoquent cette épopée en la comparant à l'enfer de Dante.
Ainsi, le Pilot Officer C.H. Robinson, un Néo-Zélandais du Squadron 158, y relate comment, alors qu'il évitait les incessantes attaques de deux Messerschmitt au cours d'un raid sur Bochum, un obus passa comme un éclair entre ses jambes, puis au ras du crâne de son mitrailleur, avant de sortir à travers le nez du Halifax. L'Australien N.F. Williams, mitrailleur de queue sur un appareil du Squadron 35, eut moins de chance,
dans
la nuit du 11 au 12 juin. L'avion s'apprêtait à larguer ses bombes, quand l'arrière en fut criblé de balles.
Williams reçut des projectiles dans l'estomac et dans les jambes. La tourelle du Halifax fut détériorée et une de ses mitrailleuses rendue inutilisable. Une autre balle effleura la tête du mitrailleur supérieur, qui perdit temporairement la vue. Une aile prit feu. Bien qu'à moitié paralysé, Williams réussit à donner des directives au pilote, car l'appareil était attaqué par deux chasseurs. Le radio prit la place du mitrailleur
supérieur et, de même que Williams, continua à tirer sur l'ennemi, abattant un chasseur allemand. Quand l'aile eut cessé de brûler, le pilote mit le cap sur sa base de Graveley (Huntingdon), où il fit un atterrissage en catastrophe. Il fallut découper la tourelle arrière pour en extraire Williams, qui, de même que le mitrailleur, fut transporté à l'hôpital, où il resta plus de deux mois.
Les variantes du Halifax Mk-II
A cette époque, les premiers Halifax II série IA venaient d'être mis en service par le Bomber Command. Cette variante avait conservé la tourelle de queue Boulton-Paul à quatre mitrailleuses, mais la tourelle dorsale à deux mitrailleuses avait été remplacée par une autre de type Boulton-Paul à quatre armes, tandis que la tourelle de nez avait cédé la place à un carénage entièrement transparent, plus aérodynamique, qui assurait
une position plus confortable au bombardier ainsi que davantage de place pour l'équipement radio et de navigation.
Il était armé d'une mitrailleuse à pointage manuel. Sur les premiers Mk-II série IA, le double radiateur circulaire des Merlin XX avait été remplacé par des radiateurs Morris, plus compacts sous des capots plus aérodynamiques. Les sorties d'échappement pare-flammes avaient également été améliorées. Toutes ces transformations assurèrent un gain de 16 km/h par rapport à la vitesse du Mk-II d'origine, même lorsque ce dernier
volait
sans sa tourelle dorsale.
Une version transitoire du Mk-11 série 1A, le Mk-II série I (spéciale), fut étudiée en 1942 pour répondre aux besoins du Squadron 138 du Bomber Command (basé à Tempsford, Bedfordshire), spécialisé dans des missions clandestines en Europe. Le nez classique fut remplacé par un carénage métallique (cette conversion fut effectuée au dépôt de Rawcliffe). La tourelle dorsale fut supprimée, ainsi que les tuyaux de vidange de carburant
situés aux bords de fuite du milieu des ailes. Sur de nombreux appareils de ce type furent montées des tourelles dorsales Boulton-Paul à quatre mitrailleuses.
Parallèlement à la production des Mk-II, Rootes et Fairey construisaient la version Mk-V. Celle-ci ne différait du modèle II que par les trains d'atterrissage et les équipements hydrauliques. Devant la pénurie d'atterrisseurs Messier, des trains et un système hydraulique Dowty furent adoptés. Ces nouveaux trains se rétractaient plus rapidement, permettant ainsi de meilleurs décollages.
En revanche, pour accélérer les délais de livraison, il était constitué de pièces coulées et non forgées, d'où une moindre résistance aux efforts. Ce défaut apparut trop tard pour que le programme fût modifié, aussi fut-il décidé de limiter le poids maximal à l'atterrissage du Mk-V à 18 000 kg. C'est pour cette raison que ce type de Halifax fut utilisé surtout par le Coastal Command, ainsi que par des unités de transport
ou
de remorquage de planeurs. Cependant, quatre squadrons des 4th et 6th Bomber Groups l'employèrent du printemps 1943 au mois de juillet 1944.
Certains Halifax II et V série I (spéciale) et série IA furent équipés d'une mitrailleuse ventrale Browning à pointage manuel. Les derniers Mk-II et Mk-V série IA avaient des Rolls-Royce Merlin 22, dont la puissance additionnelle permettait d'accroître la masse en pleine charge jusqu'à 29 500 kg, l'appareil emportant ainsi une charge utile supplémentaire de 1 800 kg.
Au cours de l'été 1943, les Halifax furent équipés de nouvelles dérives, rectangulaires et de plus grande surface, qui devinrent standard sur tous les Mk-111 à moteurs en étoile Bristol Hercules. Elles contribuaient à améliorer le comportement de l'appareil au décollage, sa stabilité en vol et, par conséquent, la précision du bombardement.
Ce problème des dérives amène à évoquer l'incident survenu au Halifax DT792 du Squadron 10, un Mk-II série I, lors d'un bombardement de nuit sur Hambourg au cours de l'été 1943. Alors qu'il n'avait pas encore atteint son objectif, le Halifax fut attaqué par un chasseur Junkers Ju-88; son pilote, J.G. Jenkins, fit larguer les bombes et tenta l'impossible pour s'échapper.
Le mitrailleur arrière réussit à abattre le Ju-88; mais les gouvernails de profondeur du Halifax étaient détruits, il avait les ailes percées, le fuselage endommagé et le pneu gauche crevé. Par miracle, aucun membre de l'équipage n'avait été atteint et, au prix de manoeuvres impensables, le pilote parvint à regagner sa base de Melbourne, dans le Yorkshire. Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1943, lors d'une sortie sur Hanovre
à bord d'un Halifax Mk-II série IA, le même Jenkins eut son pare-brise réduit en miettes par un chasseur, sa carlingue criblée de balles et son équipement hydraulique mis hors d'usage.
Cette fois, les bombes ne purent être larguées. Jenkins reprit le chemin du retour; mais, au-dessus de la côte anglaise, il reçut l'ordre de diriger l'appareil au-dessus de la mer et de sauter en parachute. Tout l'équipage fut sauvé.
A la fin de 1943, le 4th Group était entièrement équipé de Halifax et les employa jusqu'à la fin de la guerre. En mars 1945, il disposait de treize squadrons de Halifax. A l'époque, le 6th Bomber Group de la RCAF, qui était en cours de transformation sur Lancaster, comprenait encore cinq squadrons de Hal ifax.
Les moteurs Hercules
Bien que le Halifax à moteurs Rolls-Royce Merlin eût effectué un travail important au sein du Bomber Command, ses performances n'en laissaient pas moins à désirer, la puissance des propulseurs n'étant pas suffisante. Conçu pour opérer à des altitudes moyennes, il constituait une proie facile pour la chasse ennemie, et en 1942 les pertes étaient très sérieuses. De mars à août, au sein du 4th Bomber Group, le taux de pertes
mensuel
oscilla entre 4,80 % et 10,10 %; ce taux élevé amena à suspendre les vols opérationnels pendant trois à quatre semaines.

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Halifax B Mk-lll du Squadron 462 (Royal Australian Air Force) du 4th Group. Au printemps 1944, celui-ci fut rééquipé de Mk-III et engagé aux côtés de la RAF dans des mission: d'appui tactique lors du débarquement de Normandie.
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Les qualités du Halifax ne s'améliorèrent guère au cours de l'année 1943, et il fallut attendre l'arrivée massive en unité du Mk-III, en février 1944, pour que l'Air Chief Marshal Sir Arthur Harris déclarât dans un de ses fameux discours que « le Halifax était désormais capable d'affronter la formidable défense du IIIe Reich ». Néanmoins, même une fois équipé de moteurs Hercules, l'appareil présentait encore certaines lacunes,
particulièrement
quant à son rayon d'action et à sa charge offensive, et il n'atteignit jamais les possibilités du Lancaster.
La décision de construire le HP-61, ou Halifax Mk-III, fit suite aux essais (commencés en octobre 1942) du Handley Page Mk-II R9534, muni de moteurs en étoile Bristol Hercules VI refroidis par air et entraînant des hélices De Havilland à commande hydraulique. Les modèles de série étaient dotés de propulseurs un peu plus puissants (des Bristol Hercules XVI), et leur masse totale atteignait 29 500 kg, y compris le carburant
supplémentaire
qu'exigeaient les moteurs en étoile.
Le premier de ces Halifax, le HX226, vola dès juillet 1943. Son envergure était passée de 30 m à 31,75 m; les saumons d'aile étaient arrondis. L'augmentation de la surface alaire contribua à améliorer le plafond opérationnel, et les ailes allongées devinrent courantes sur les modèles suivants. Parmi les autres caractéristiques figurait la roulette de queue escamotable; en outre, sur certains exemplaires, le radôme du H2S
était remplacé par
une mitrailleuse ventrale Browning. Le Mk-Ill pouvait voler à 450 km/h à 4 000 m. Son plafond opérationnel atteignait 6 000 m environ. Enfin, sa distance franchissable était de 3 195 km avec 3 200 kg de bombes et de 1 660 km avec la charge offensive maximale (6 000 kg).
Le Mk-III fut le Halifax construit au plus grand nombre d'exemplaires. Sa production était répartie entre les cinq membres du groupe Halifax. Au total, 2 127 appareils furent assemblés, dont 2 091 furent livrés avant la fin de la Seconde Guerre mondiale; quelques-uns ne devaient d'ailleurs pas être utilisés comme bombardiers.
Entré en service en novembre 1943 aux Squadrons 433 (RCAF) et 466 (RAAF, Royal Australian Air Force), le B Mk-III équipa progressivement plusieurs autres squadrons des 4th et 6th Bomber Groups. Au début de 1944, tous les Halifax à Merlin du Bomber Command furent remplacés par des B Mk-Ill. La transformation s'acheva en juillet 1944, quand le Squadron 347 des FAFL (basé à Elvington) échangea ses Mk-V série IA contre des Halifax
à Hercules.
Opérations massives sur le continent
Après avoir participé à la préparation du débarquement de Normandie (notamment par l'attaque de gares de triage), les Halifax reprirent après le 6 juin les missions de bombardement de jour à caractère tactique, sur des concentrations de troupes ennemies ainsi que d'autres points vitaux. Les Halifax attaquèrent également les sites de lancement de bombes volantes en 1944.
Le 4th Bomber Group déploya une activité maximale en août 1944 : durant ce mois, les Halifax effectuèrent à eux seuls pas moins de 3 629 sorties. A cette époque, la Luftwaffe, très affaiblie, était en effet incapable de leur opposer une résistance sérieuse. C'est ainsi qu'en juin le 4th Bomber Group avait abattu trente-trois chasseurs ennemis, exploit remarquable pour des bombardiers! Ce Group effectua également des missions
de transport
d'urgence. En un peu plus d'une semaine et 572 sorties, ils transportèrent 2 104 115 litres de carburant jusqu'à Bruxelles, pour répondre aux besoins de l'armée de Montgomery, engagée dans la bataille d'Arnhem.

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la planche de bord et les commandes moteurs d'un Halifax.
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Les raffineries figuraient également parmi les objectifs prioritaires, et l'attaque des usines de Homberg, dans la Ruhr, se solda par une réussite complète. Elle fut le fait, le 27 août 1944, d'une force composée de 216 Halifax Mk-III et de 27 Mosquito et Lancaster de la PFF, accompagnés par une escorte de Spitfire. Les bombardiers ne rencontrèrent qu'un seul chasseur ennemi, un Messerschmitt Bf-110, qui s'enfuit devant les
Spitfire avant
d'avoir pu causer le moindre dommage.
Une Flak intense défendait l'objectif, mais aucun bombardier ne fut gravement atteint, et tous rentrèrent à leurs bases. Ce fut la première opération majeure menée de jour, avec couverture de chasse, par le Bomber Command au-dessus de l'Allemagne en 1944. Des nuages dissimulaient la cible, aussi certaines bombes manquèrent-elles leurs objectifs. Néanmoins, les dégâts provoqués furent très importants.
Au cours de l'année 1944, la participation des Halifax à l'effort de guerre des Alliés se chiffrait à 25 464 sorties en tout genre (bombardement, largage de mines et transport) pour la perte de 402 appareils.
Au début de l'année 1945, le Bomber Command reprit ses attaques massives sur Hanovre, Magdebourg et Stuttgart, bombardant également Cologne, Münster, Osnabrück et d'autres villes allemandes. De jour et de nuit, les Halifax des 4th et 6th Bomber Groups s'acharnaient sur les noeuds ferroviaires, en vue de préparer la traversée du Rhin. En mars 1945, le taux des pertes de Halifax par rapport au nombre de sorties était l'un des
plus faibles
de la RAF.
Deux nouveaux modèles firent leur apparition dans les derniers mois de la guerre : le B Mk-VI et le B Mk-VII (le Mk-IV n'ayant pas eu de suite). Ces deux types étaient dotés d'un système de carburation sous pression; les circuits de distribution de carburant avaient été complètement modifiés, chaque demi-aile contenant des réservoirs supplémentaires. Les carburateurs pouvaient être équipés de filtres à sable, en vue d'une
utilisation au
Moyen-Orient et dans le Pacifique. Tous ces appareils étaient nantis du radar H2S.

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à la tombée de la nuit, préparation d'un Halifax pour une mission au-dessus de l'Allemagne. Les mécaniciens vérifient les moteurs, et les armuriers chargent les bombes. L'appareil emportait environ 4 t d'explosifs pour des missions d'une durée moyenne de six à sept heures.
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Avec ses quatre Hercules 100 de 1 675 ch, le B Mk-VI atteignait 502 km/h à 6 700 m d'altitude, et, dans l'ensemble, ses performances étaient meilleures. Sa masse en pleine charge était de 30 800 kg. Le Mk-VI dont le premier exemplaire de série (NP7I 5) vola le 10 octobre 1944 fut utilisé dans les derniers mois de la guerre par les Squadrons 76, 77, 78, 102, 158, 346, 347 et 640 du 4th Bomber Group.
Le B Mk-VII, doté des mêmes moteurs Hercules XVI que le Mk-III, fut en service dans les Squadrons 408 et 432 du 6th Bomber Group (le 415 en utilisa également six exemplaires).
Le bilan des missions
Les Halifax accomplirent leur dernière mission le 25 avril 1945, lorsqu'ils participèrent avec des Lancaster et des Mosquito à un raid de jour sur les batteries de l'île de Wangerooge (Frise orientale). Quelques jours plus tard, d'autres Halifax du 100th Group (appartenant non au Bomber Command mais au Support Command) exécutèrent, dans la nuit du 2 au 3 mai 1943, des missions de contre-mesures électroniques qui permirent
au Bomber Command
d'atteindre ses diverses cibles.
Pendant la guerre, les Halifax du Bomber Command ont effectué au total 82 773 sorties opérationnelles, non compris les 365 sorties de patrouille anti-sous-marine réalisées dans le cadre du Coastal Command. Ils ont largué 227 794 t de bombes, des marqueurs d'objectifs ainsi qu'un tonnage considérable de mines. Rappelons que c'est un Halifax Mk-II du Squadron 76, le R9487, piloté par M.W. Renaut, qui, dans la nuit du 10 au
11 avril 1942, largua
la première bombe lourde (3 628 kg) sur Essen.

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le Halifax B Mk-lII sériai LV907 Friday the 13th (Vendredi 13), exposé, en juin 1945, dans Oxford Street, à Londres, à l'occasion de la British Aircraft Exhibition, organisée par la RAF. De mars 1944 à mai 1945, cet appareil avait effectué cent vingt-huit missions offensives sur l'Europe.
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Parmi les Halifax qui se sont encore distingués, il faut citer le LV907, du Squadron 158, un Mk-III baptisé Friday the 13th (Vendredi 13), qui accomplit 128 sorties en 550 heures. L'insigne de cet avion et le livre de bord du pilote sont aujourd'hui exposés au musée de la RAF à Hendon. Trois autres Halifax seulement ont dépassé le cap des cent sorties, tous trois étant des Mk-III : le LV937, du Squadron 51, le LW587 et le
LZ527, appartenant
tous deux au Squadron 478.
Rôles particuliers
A la fin de la guerre, les Halifax furent rapidement rayés de l'ordre de bataille du Bomber Command. Mais, au moment de la capitulation du Japon, quelques appareils tropicalisés servaient encore sur le théâtre du Pacifique (sous l'égide du South East Asia Command). Il s'agissait de Halifax à moteurs Hercules utilisés comme détecteurs radar à long rayon d'action. Pour ce faire, ils avaient reçu un équipement électronique spécial
et des réservoirs
supplémentaires.
Au milieu de l'année 1942, les Halifax Mk-II des Squadrons 10 et 76 furent transférés en Palestine. A partir de bases avancées situées en Égypte, ils lancèrent des attaques sur Tobrouk et Benghazi. En septembre, les deux unités furent réunies pour former le Squadron 462, dont la zone d'opérations s'étendit progressivement à une partie de l'Afrique du Nord, à l'Italie, à la Grèce, aux îles du Dodécanèse et à la Sicile. Au
début de l'année
1944, ce squadron lança des tracts sur la Grèce, la Crète, Rhodes, Leros et Samos.
En mars, ayant été muté en Italie, le Squadron 462 fut rebaptisé Squadron 614 et affecté à la PFF. Il vola sur Halifax Mk-II jusqu'au début de 1945, date à laquelle il fut complètement rééquipé de Liberator, qu'il utilisait d'ailleurs aux côtés des Halifax depuis août 1944. Les Squadrons 148 et 178, opérant sur le front méditerranéen, employèrent aussi des Halifax et des Liberator, avec lesquels ils réussirent des missions
périlleuses (ravitaillement
des résistants polonais à Varsovie, parachutages d'armes et de vivres aux partisans yougoslaves et dans le nord-est de l'Italie).

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ancien bombardier affecté au Squadron 466 de la RAAF, le Halifax B Mk-Ill baptisé Waltzing Matilda servit à G.N. Wikner pour son vol record entre l'Angleterre et l'Australie, aux mois de mai et de juin 1946. Démobilisé, l'appareil a reçu une immatriculation civile sur son camouflage d'origine.
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Simultanément, des versions spéciales du Halifax (en particulier le Mk-II et le Mk-V, respectivement construits par Rootes et convertis par Cunliffe Owen à Eastleigh [Southampton] ), effectuaient un excellent travail au sein du Coastal Command, notamment avec les Squadrons 58 et 502. Ces appareils furent en effet employés pour des attaques de jour et de nuit contre les bâtiments de guerre et les sous-marins allemands dans
le golfe de Gascogne
et en Manche.
En mai 1943, W.E. Oulton, commandant le Squadron 58, coula deux sous-marins et participa à la destruction d'un troisième (curieusement, l'immatriculation des trois U-Boote se terminait par 63 : U-663, U-463 et U-563). Dans les derniers mois de la guerre, les Squadrons 58 et 502 furent transférés dans le nord de l'Écosse, où ils remportèrent encore de remarquables succès contre les navires allemands.
D'autres Halifax du Coastal Command, opérant depuis la Grande-Bretagne et Gilbratar, furent utilisés pour des missions météorologiques à long rayon d'action. Bien que peu spectaculaires, ces missions n'en étaient pas moins d'un très grand intérêt, car elles fournissaient des informations importantes non seulement aux divers commandements de l'air, mais aussi à l'ensemble des forces alliées.
Planeurs et troupes aéroportées
Dans le cadre du 38th Group, le Halifax était affecté essentiellement au remorquage de planeurs et au transport de parachutistes. Les modèles les plus utilisés furent le A Mk-V et le A Mk-III, bombardiers modifiés, dotés de crochets de remorquage et équipés de sièges à l'intérieur; une trappe s'ouvrait sous le fuselage, à l'emplacement habituellement occupé par le radôme du H2S; en outre, la tourelle dorsale avait été supprimée.
La première opération de remorquage de planeurs eut lieu en novembre 1942. Deux planeurs Airspeed « Horsa », emportant chacun quinze hommes du génie, partirent d'une base écossaise pour attaquer les usines de Norsk Hydro à Rjukan, spécialisées dans la production d'eau lourde et situées dans le sud de la Norvège. Cette sortie se solda par un échec complet.

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le Mk-IX, derniere version du Halifax, utilisé pour le remorquage de planeurs et le largage de parachutistes.
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Un Halifax s'écrasa sur le flanc d'une montagne, tout son équipage fut tué; l'autre, n'ayant pas réussi à localiser la zone d'atterrissage, perdit son planeur dans une turbulence, alors qu'il repassait au-dessus de la côte norvégienne pour regagner l'Écosse. Les deux planeurs s'écrasèrent non loin l'un de l'autre; les survivants, faits prisonniers, furent exécutés par la Gestapo.
Après la démonstration effectuée par un Halifax V, qui remorqua un planeur sans chargement sur une distance de 2 250 km, puis se posa avec encore une légère réserve d'essence, des planeurs Horsa furent remorqués par des Halifax d'Angleterre en Afrique du Nord en 1943 en vue de participer à l'invasion de la Sicile. Lors du débarquement de Normandie, les Handley Page remorquèrent également les gros planeurs Hamilcar.
Ce sont encore des Halifax ceux du 38th Group qui assurèrent le ravitaillement en armes et en équipements des mouvements de résistance français, belge et néerlandais.
Le Halifax après la guerre
La version C Mk-VIII (type Handley Page HP-70), dont le premier exemplaire vola en juin 1945, fut utilisée par la RAF au lendemain de la guerre. Il s'agissait d'un transport polyvalent dont l'intérieur était aménagé pour recevoir soit du fret, soit dix blessés couchés, soit encore onze hommes assis. Sous l'ancienne soute à bombes, il pouvait emporter un conteneur largable d'une capacité de 3 630 kg. Cet appareil fut en service,
de la fin
de 1945 à 1948, dans plusieurs squadrons du Transport Command.

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GR V série IA du Squadron 518, employé par la RAF pour des missions météorologiques.
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Le dernier appareil de la famille des Halifax fut le A Mk-1X (type HP-71), dérivé du B Mk-VI et mis au point par Boulton-Paul sous licence Handley Page. Il était caractérisé par la suppression de la porte d'accès de gauche et par l'installation, en arrière de la soute à bombes, d'un plancher renforcé percé d'une large ouverture rectangulaire pour le largage de parachutistes. Deux séries de six sièges repliables étaient installés
à hauteur
du longeron arrière de la voilure et du bord de fuite. La tourelle arrière était une Boulton-Paul type D, armée de deux Browning de 12,7 mm.
Le A Mk-IX remplaça le A Mk-VII en 1946 dans deux squadrons de la RAF opérant au Moyen-Orient. En 1950, neuf exemplaires furent vendus à l'armée de l'air égyptienne (parmi eux figurait le RT 938, le dernier des 6 176 Halifax remis par Handley Page à la RAF, le 11 novembre 1946), et l'aviation militaire du Pakistan fit également l'acquisition de six Mk-VI. Ce dernier modèle fut aussi utilisé par l'armée de l'air française,
qui l'employa pour
des missions de reconnaissance météorologique et comme avion de transport.
Le Coastal Command continua d'utiliser le Halifax dans des emplois météorologiques pendant quelques années, la dernière sortie opérationnelle, exécutée depuis Gibraltar, par un GR Mk-VI du Squadron 224 ayant eu lieu le 17 mars 1952. Quant au dernier exemplaire en service dans la RAF, il semble que ce soit celui qui était employé à Henlow (Bedfordshire) en 1954 pour l'essai de parachutes.

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Halifax C Mk-VIII, version de transport en service jusqu'en 1946 dans le Transport Command de la RAF.
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Comme les bimoteurs HP-0/400 l'avaient été après 1918, les Halifax furent reconvertis au service civil après 1945. C'est ainsi que douze C Mk-VIII, redésignés Halton, furent utilisés par la BOAC entre 1946 et 1948 sur les liaisons Londres-Le Caire et Karachi et Londres-Accra.
D'autres appareils dérivés des Halifax B Mk-VI et C Mk-VIII volèrent avec des compagnies de charters (notamment Bond Air Services, Eagle Aviation, Lancashire Aircraft Corporation, London Aero and Motor Services), transportant soit des passagers (sur Londres-New York, par exemple), soit du fret (7 t en moyenne, en soute ou en conteneurs). Un Halifax a également effectué un tour du monde de 43 450 km, reliant certaines escales
en un temps
record.
Quarante et un Halifax civils participèrent également au pont aérien de Berlin; en plus de 8 000 sorties (soit près de 22 000 heures de vol), ils transportèrent environ 54 000 t de fret (charbon, farine, carburant, etc.). Le dernier avion civil à prendre part à ce pont aérien, le 15 août 1949, fut le Halifax immatriculé G-AIAP, de la compagnie Eagle Aviation. A cette époque, les Halifax survivants pouvaient se compter sur
les doigts des
deux mains, et la plupart d'entre eux furent bientôt mis à la ferraille.
Les Français sur Halifax
Lors du débarquement allié de Normandie, il n'existait en Grande-Bretagne que deux groupes français de bombardement lourd, lesquels commencèrent à entrer en opérations en juin 1944. Ils s'ajoutaient ainsi aux divers squadrons de bombardement alliés, dont certains avaient accompli leurs premières missions dès septembre 1940, comme les Squadrons polonais 300 (« Mazovie ») et 301 (« Poméranie »), le Squadron tchèque 311 et,
en avril 1941, les
Squadrons 304 (« Silésie ») et 305 (« Grande Pologne »).

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Sur le terrain d'Elvington, en mai 1944, un Halifax Mk-Ill du Squadron 346 (groupe « Guyenne »), intégré au 4th Bomber Group de la RAF. Composé d'équipages français, ce squadron prit part aux opérations de débarquement et à la reconquête de l'Europe. De juin 1944 à avril 1945, le « Guyenne effectua cent dix-huit missions de guerre.
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Les deux groupes lourds français prirent les désignations de « Guyenne » et de « Tunisie ». Après avoir passé un certain nombre de tests, les équipages allaient subir un entraînement intensif avant de voler sur Halifax. Huit mois après leur arrivée, tous se retrouvèrent sur le terrain d'aviation d'Elvington (près d'York), dépendant du 4th Group.
Les groupes « Guyenne » et « Tunisie » relevaient de l'armée de l'air française quant au commandement interne et aux problèmes administratifs, et du Bomber Command de la Royal Air Force pour les questions opérationnelles. C'est donc dans le cadre du Bomber Command que le « Guyenne » prit la désignation de Squadron 346 (ses Halifax portant la marque H 7) en mai 1944, et le « Tunisie » celle de Squadron 347 (marque L 8) un
mois plus tard.
La première mission du Squadron 346 eut lieu dans la nuit du ler au 2 juin 1944, lorsque onze de ses Halifax attaquèrent la station radar d'Urville, et la première du Squadron 347 dans la nuit du 27 au 28 juin 1944, son objectif étant une rampe de lancement de bombes volantes à Mont-Candom, au sud de Dieppe. Ces deux squadrons utilisèrent d'abord des Halifax Mk-V, qui furent rapidement remplacés par des Mk-III, puis, à partir
du début du
printemps 1945, par des Mk-VI.
Outre des missions d'appui direct des troupes de Montgomery, engagées sur le front de Normandie, ils se virent assigner des objectifs des plus divers : sites de lancement de V-1 (La Chapelle - Notre-Dame, Ardouval, Hauts-Buissons, bois de Cassan, etc.); dépôts de V-2; usines d'essence synthétique et centres industriels allemands; stocks de matériel; terrains d'aviation; ports ennemis en mer du Nord et dans la Baltique, etc.
Les Halifax «
français » participèrent également au transport d'essence entre la Grande-Bretagne et la Belgique du 24 septembre au 5 octobre 1944.
Toutes ces missions se déroulaient suivant les règles immuables instaurées par le Bomber Command en 1942. A tout moment, les quarante Halifax devaient être prêts à prendre l'air. Plus de six cents spécialistes en vérifiaient les moteurs, les instruments de bord, la radio, les appareils de prises de vues, l'approvisionnement en oxygène, etc. Les équipages étaient convoqués par haut-parleur pour le briefing et, peu de temps
après, les appareils
décollaient l'un après l'autre puis se trouvaient absorbés dans la masse énorme des bombardiers des autres squadrons.
La dernière mission des groupes « Guyenne » et « Tunisie » eut lieu le 25 avril 1945 sur des batteries situées dans l'île de Wangerooge, non loin de Wilhelmshaven. L'Air Chief Marshal Sir Arthur Harris avait envoyé le message suivant au QG français de Londres : « Veuillez faire part, s'il vous plaît, à tout le personnel français qui a servi ou sert dans le Bomber Command de mon admiration et de ma reconnaissance pour sa remarquable
coopération
et sa magnifique bravoure.
Nous avons ensemble porté la bataille au coeur de l'Allemagne et donné à l'ennemi une leçon qu'il ne sera pas près d'oublier. Juste retour des choses! Que tous ces braves aviateurs français qui ont combattu dans nos rangs reçoivent les plus chaleureuses salutations du Bomber Command! »
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