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Escadrille LaFayette

 

 

 

LES SIOUX DU LA FAYETTE

En 1916, sept Américains constituèrent le premier noyau de la fameuse escadrille La Fayette, composée de volontaires venus d'outre-Atlantique combattre dans les rangs de l'aviation française

A la déclaration de guerre, le 2 août 1914, un certain nombre d'étrangers émirent spontanément le désir de participer au combat aux côtés des Français. Dès le 31 juillet, la presse parisienne avait publié un manifeste, signé du Suisse Blaise Cendrars et de l'Italien Canudo, appelant tous les étrangers résidant en France à se joindre aux forces de ce pays.

Titulaire de la médaille militaire et de la croix de guerre avec palme, Raoul Lufbery fut le premier as au palmarès de l'escadrille La Fayette, avec dix-sept victoires homologuées entre le 31 juillet 1916 et le 19 mai 1918

Le lendemain de la mobilisation, un groupe de jeunes Américains se présentèrent dans ce but à l'ambassade des États-Unis où ils s'entendirent répondre que tout Américain se mettant au service d'une nation étrangère s'exposait à perdre sa qualité et ses droits de citoyen.

L'ambassadeur leur donna néanmoins le moyen de tourner la difficulté : l'engagement dans la Légion étrangère. Le 25 août, quarante-trois volontaires s'enrôlaient ainsi dans l'infanterie de la Légion et, après une période de préparation intensive, montaient au front le 30 septembre.

Les premiers aviateurs

Persuadés que la guerre serait courte, les étrangers s'engagèrent massivement dans la Légion; mais, quand la guerre de mouvement fit place à la guerre de position et que tout espoir en une victoire rapide fut perdu, certains d'entre eux tentèrent de se faire verser dans une arme convenant plus à leurs aspirations l'aviation.

C'est ainsi que William Thaw, pilote expérimenté, n'hésita pas à contacter directement le commandant de l'escadrille défendant le secteur dans lequel son unité était au repos, le lieutenant Brocard. Ce n'était pas la première fois que Thaw exprimait le désir de servir dans cette arme, mais sa demande avait été refusée, l'aviation ne possédant pas suffisamment d'appareils pour les pilotes français.

Inspirée de l'insigne personnel de Willis, la tête de Sioux devint, en avril 1917, l'emblème officiel de l'escadrille La Fayette. Conservé jusqu'à nos jours, le svastika disparut tempoorairement pendant la Seconde Guerre mondiale

Son entretien avec le lieutenant Brocard devait cependant porter ses fruits. Dans les derniers jours de décembre 1914, il obtint, avec deux de ses amis, Jimmy Bach et Bert Hall, d'être affecté dans l'aviation.

Les débuts des aviateurs américains ne furent guère glorieux. Si Thaw, pilote civil confirmé sur Curtiss, s'adapta rapidement au Caudron, il n'en fut pas de même pour Bach et Hall, qui, malgré leurs affirmations catégoriques, n'avaient aucune expérience en matière d'aéronautique.

Après plusieurs accidents, ils furent envoyés au centre de formation de Pau. William Thaw fut donc le premier pilote américain à être affecté dans une escadrille, la C.42, où, à partir de mars 1915, il se distingua dans des missions de réglage d'artillerie et montrèrent très vite une forte tendance à se disperser. Mac Connell, aveuglé par le soleil, perdit totalement contact avec ses compagnons et, désorienté, mit le cap sur la Suisse.

Ne craignant plus de violer la neutralité de leur pays, les pilotes américains de la SPA. 124 ont hissé le drapeau étoilé

Thenault se lança à sa poursuite et parvint à le rattraper. Tous deux rejoignirent le reste de l'escadrille, et la mission se déroula sans encombre. Cependant, les maigres performances de l'appareil qui lui était confié et la faiblesse de son armement ne permirent pas à Thaw de livrer le combat aérien qu'il recherchait avec acharnement. De leur côté, Bach et Hall, après leur stage à Pau, se révélèrent d'excellents pilotes et furent versés dans une escadrille de chasse dotée de Morane « Parasol ». Acceptés dans l'aviation, quelques autres volontaires américains furent, comme les précédents, dispersés dans différentes escadrilles et intégrés dans le cadre français.

L'Américain Walter Lovell devant son SPAD S-VII, dont le pot d'échappement démonté est déposé sur les haubans de voilure. La N.124 avait officiellement adopté la désignation d'escadrille  La Fayette  en décembre 1916

L'escadrille américaine

C'est sous l'impulsion de Norman Prince que vit le jour la première unité constituée uniquement d'Américains. Né aux États-Unis et diplômé de l'université Harvard, Prince avait passé une partie de son enfance à Pau et comptait de nombreux amis à Paris.

C'est ainsi qu'un certain ,larousse de Sillac, le mit en rapport avec le colonel Bouttiaux, personnage important du ministère de la Guerre, qui se laissa convaincre de ne plus faire obstacle à l'engagement direct des Américains dans l'aviation française. Une rencontre avec le général Hirschauer, chef du Service de l'aéronautique, aboutit à la création d'un comité franco-américain (présidé par Sillac et par le docteur Gros) chargé du recrutement des volontaires.

Le 18 octobre 1915, dix-sept Américains servaient en escadrille ou accomplissaient leur stage de formation en école. Lors d'un voyage qu'ils effectuèrent aux États-Unis à la Noël 1915, Thaw, Prince et un autre pilote, Cowdin, purent se rendre compte que l'opinion publique leur était extrêmement favorable, et ce, malgré la violente campagne menée par quelques journaux germanophiles qui, arguant de la neutralité de leur pays, demandaient aux autorités de s'opposer au retour en France des trois hommes. Le fait que le gouvernement américain ignora délibérément cet avis suffit à témoigner de l'ampleur du courant de sympathie que leur exemple avait suscité.

A leur retour en France, en janvier 1916, Thaw Prince et Cowdin reçurent un accueil chaleureux, et Rockwell allant même jusqu'à survoler le terrain d'Habsheim, l'une des principales bases de la chasse adverse.

le lieutenant Lufbery photographié à côté de son Nieuport en 1916

II fallut attendre le 18 mai pour que l'escadrille 124 obtint sa première victoire, et ce, grâce à Rockwell. Parti pour une patrouille en solitaire entre Mulhouse et le Hartmannswillerkopf, celui-ci sentit son moteur faiblir alors qu'il franchissait les lignes.

Sachant qu'en cas de panne l'altitude à laquelle il volait (3 000 m) lui permettrait de rejoindre les lignes françaises en vol plané, Rockwell poursuivit néanmoins sa mission. Soudain, il repéra au-dessous de lui un biplan allemand croisant à environ 700 m. L'appareil, un LVG C-1, était un adversaire dangereux puisque armé de deux mitrailleuses, servies l'une par le pilote, l'autre par l'observateur.

le commandant Thenault, chef du La Fayette », sur le terrain de Bar-le-Duc peu de temps avant que l'unité ne passe sur SPAD

Oubliant ses problèmes de moteur, Rockwell amorça un piqué vertigineux. Le tir du mitrailleur allemand fut assez précis pour loger une douzaine de projectiles dans les ailes et le moteur du Nieuport, mais il ne put faire dévier le pilote américain de sa trajectoire. Parvenu à une trentaine de mètres de son adversaire, Rockwell tira une courte rafale (cinq ou six cartouches) puis bascula vers la droite pour éviter la collision avec le LVG, qui s'écrasa immédiatement derrière les tranchées allemandes.

La victoire fut rapidement confirmée par un poste d'observation français. Pour fêter l'événement, son frère Paul lui envoya une bouteille d'un bourbon très rare (80 ans d'âge), ce qui allait être à l'origine d'une des traditions de l'escadrille : il fut en effet décidé que seuls les pilotes remportant un succès homologué auraient droit à une ration du précieux nectar. Surnommé « bouteille de la mort », le flacon présida longtemps aux célébrations officielles.

les SPAD S-X111 de l'escadrille  La Fayette rassemblés près du village de Ham, sur le front de la Somme, au printemps 1917, peu de temps après l'entrée en guerre des États-Unis.

Verdun

Le 19 mai, la N.124 reçut l'ordre de se déplacer à Béthonne (près de Bar-le-Duc) pour apporter son soutien à l'aviation française. Après trois mois de combats acharnés, celle-ci commençait à prendre le dessus sur son adversaire, mais les pertes étaient lourdes, et beaucoup d'as avaient laissé leur vie à Verdun.

Dernière arrivée sur le terrain, l'unité américaine se vit confier le rôle, peu enviable, d'assurer au niveau le plus bas l'appui des troupes au sol. Dans ce type de mission, trois escadrilles opéraient en effet conjointement, l'une à 4 000 m, l'autre à 2 000 m et la dernière à 300 m. Voler à cette altitude au-dessus du champ de bataille - les avions se trouvaient sur la trajectoire des obus de tous calibres (parfois, touchés de plein fouet, ils se désintégraient littéralement en vol) - exigeait, à n'en pas douter, une grande bravoure et une profonde abnégation.

Les Américains subirent avec courage ce redoutable baptême du feu. Le 22 mai au matin, Hall, attaquant en solitaire trois biplaces allemands avait été accueilli par un tir nourri et n'avait dû son salut qu'à un dégagement précipité. Cette expérience ne refroidit pas l'ardeur du téméraire pilote. Apercevant un Aviatik qui regagnait ses lignes, il n'hésita pas à se séparer de ses compagnons pour se lancer à la poursuite de l'avion ennemi. Grâce à la vitesse acquise en piqué,il n'eut aucun mal à le rattraper.

plus de peur que de mal pour C. Campbell, contraint de poser son Nieuport 17 dans un champ de betteraves, avec un demi-plan arraché. Il fut abattu en combat aérien en octobre 1917.

Bien que son Nieuport eût reçu quelques balles, Hall se mit en position, et la rafale de sa Lewis tua le pilote adverse, qui s'écrasa à l'intérieur des lignes allemandes. Le 24, Thaw en patrouille avec Rockwell, réussit à abattre un Fokker monoplace. Le combat se déroula aux aurores. Revenus à leur base, les deux hommes n'eurent que le temps de refaire le plein de munitions et de carburant avant de reprendre l'air pour un vol groupant la totalité des pilotes sous les ordres de Thenault.

Se dirigeant vers le secteur de Saint-Mihiel, la formation se rassembla au-dessus des Éparges. Les consignes de Thenault étaient strictes : ne franchir en aucun cas les lignes ennemies et ne déclencher des attaques que sur son ordre. Connaissant la valeur de l'adversaire, le capitaine ne voulait pas engager ses hommes, encore mal aguerris, dans de dangereux combats.

Ils survolaient le fort de Douaumont lorsqu'ils aperçurent, volant à très basse altitude au-dessus de leurs lignes, douze biplaces frappés de la croix noire.

Une telle formation disposait d'une puissance de feu considérable;

en outre, l'attaque de ce type d'appareil exigeait une expérience qui faisait encore défaut à la plupart des pilotes de la N.124;

enfin, l'altitude à laquelle évoluaient les Allemands mettait tout assaillant à la merci des chasseurs qui auraient pu se trouver à l'affût à une hauteur supérieure.

Thenault était donc résolu à ne pas engager le combat, quand un des biplaces, quittant la formation, fondit sur les Nieuport.

le pilote Willis devant la tête de Sioux, en fait, celle d'un chef séminole qu'il légua à la N.124 après en avoir fait son insigne personnel. Vingt-six ans plus tard, le pilote américain retrouva le  La Fayette  en Afrique du Nord, où il lui livra son premier Curtiss P-40.

Cette attaque rompit le fragile équilibre qui existait chez chaque pilote entre l'impétuosité et la discipline, et tous y comprit Thenault  s'élançèrent sur l'adversaire. Le combat qui suivit fut confus et se prolongea en une série de duels isolés, la fougue des combattants ayant eu pour effet de faire céder le cercle défensif que les biplaces avaient constitué en hâte.

Trois avions ennemis furent mis hors de combat, mais purent atterrir; Chapman et Rockwell furent légèrement blessés. De retour au terrain, on constata que le Nieuport de Thaw était manquant. Après un long moment d'angoisse, un coup de téléphone détendit l'atmosphère : bien que gravement blessé au bras, Thaw avait réussi à se poser dans les lignes françaises, il avait atterri dans les barbelés près du fort de Tavannes, où les fantassins lui avaient porté secours. Il fut par la suite transféré à l'hôpital américain de Neuilly.

Pour courageuse qu'elle fût, l'action du 24 mai avait mis en évidence les faiblesses de la N.124, qui, en particulier, se pliait difficilement à la discipline du vol en groupe. Le capitaine Thenault ne pouvait être tenu pour responsable de cette situation, des ordres émanant du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Guerre lui ayant enjoint de ne pas appliquer dans son unité les mesures disciplinaires et les punitions en vigueur dans l'aviation française.

II ne pouvait donc compter que sur son ascendant personnel pour contenir la fougue de ses subordonnés. Cependant, l'agressivité dont ces derniers avaient fait preuve dans ce premier grand combat laissait présager favorablement de l'avenir de l'escadrille. II n'empêche que, dans les semaines qui suivirent, la N.124 subit des pertes sensibles.

départ en mission des Nieuport 11 du  La Fayette » au printemps 1916.

Le 17 juin, Victor Chapman dut tenir tête à cinq adversaires, mais la rencontre tourna bien vite en un duel avec un Allemand particulièrement audacieux, qui, au dire de l'Américain, manoeuvrait « infernalement bien ». C'est un appareil criblé de balles, bon pour la réforme, que Chapman ramena à Froidos, sur le terrain de l'escadrille 67. Par recoupement, il sut qu'il avait eu affaire à Boelcke, le pilote allemand le plus redoutable du moment.

Deux jours plus tard, le jeune Clyde Basley, venant du corps des ambulanciers et récemment arrivé en escadrille, eut à affronter deux Fokker au nord de Verdun. Il fut touché à la cuisse par une balle explosive, qui lui fracassa le bassin et lui perfora les intestins. Par un extraordinaire effort de volonté, Basley réussit, malgré son horrible blessure, à ramener son avion, qu'il posa près des premières lignes françaises.

Il fut transporté dans le centre de soins le plus proche, et ses amis apprirent bientôt que la gravité de son état l'obligerait à rester allongé pendant au moins un an. Le blessé ne pouvant absorber que du jus d'orange, Chapman résolut de lui porter des fruits, et s'envola vers le centre de soins.

En chemin, il ne résista pas à la tentation de venger son camarade. Sur le front, l'explosion des obus de DCA trahissait la présence d'avions ennemis, Chapman se précipita et engagea le combat avec cinq Fokker; mais, malgré sa bravoure, il ne put surmonter le handicap du nombre.

Le 11 août, le sergent Paul Pavelka, blessé l'année précédente alors qu'il servait dans la Légion étrangère, connut une des aventures les plus terrifiantes qui puissent arriver à un pilote : alors qu'il survolait les lignes, son Nieuport prit feu. Pour ne pas brûler vif, il n'avait qu'une solution : piquer pour essayer d'étouffer les flammes et atterrir avant qu'il ne soit trop tard. Ce qu'il fit. Fort heureusement un marécage amortit sa chute, et il se tira de ce mauvais pas avec quelques légères blessures.

Ces coups du sort répétés n'avaient cependant pas émoussé la combativité de l'escadrille. Dans la première semaine de juillet, lors de son bref passage au sein de la N.124, Charles Nungesser abattit un appareil ennemi. Le lieutenant De Laage de Meux concrétisa enfin sa science remarquable du pilotage en sortant vainqueur d'un combat le 27 juillet.

 

Quatre jours plus tard, Raoul Lufbery, affecté à l'escadrille à la fin du mois de mai, remportait à son tour une victoire qui devait être la première d'une série impressionnante de succès. Né en France en 1885, cet Américain menait une existence de globe-trotter quand éclata la guerre. Engagé dans la Légion étrangère, il parvint à se faire verser dans l'aviation grâce à l'appui de son ami l'aviateur français Marc Pourpe.

Après un passage à l'école de Chartres, il servit quelque temps dans l'escadrille de bombardement 106, puis, formé sur Nieuport à l'école du Plessis-Belleville, il passa à l'escadrille américaine. Après sa victoire du 31 juillet, Lufbery abattit encore deux appareils le 3 août, près du fort de Vaux, et un autre cinq jours plus tard, au-dessus de Douaumont. Le 16 août, Lufbery recevait la médaille militaire et la croix de guerre avec palme. Dans la première semaine de septembre, Rockwell et Prince remportèrent chacun une victoire.

le SPAD S-VII de Soubiran. La N.124 abandonna ses Nieuport 11 au cours de l'hiver 1916 au profit des N.17, plus puissants et mieux armés.

La pression sur Verdun commençant à se relâcher, une grande partie des forces aériennes fut envoyée sur la Somme pour appuyer l'offensive déclenchée par les Alliés. Le 12 septembre 1916, l'escadrille américaine recevait l'ordre de rejoindre Luxeuil. En trois mois, elle avait accompli dans la région de Verdun un travail efficace :  

en 146 combats, elle avait remporté treize victoires homologuées, sans compter les nombreux appareils tombés derrière les lignes ennemies. Un pilote, Chapman, était mort, trois autres avaient été blessés en combat aérien et quatre mécaniciens tués lors du bombardement de leur terrain.

La protection du bombardement

Les instructions prescrivant à la N.124 de rejoindre Luxeuil précisaient que les avions arrivés à la limite d'usure devaient être laissés sur place. Aucun appareil n'étant encore livré à la nouvelle base, Thenault accorda à ses pilotes l'autorisation d'effectuer un détour par Paris. Grâce à une annonce relevée dans le New York Heraid, Thaw se rendit acquéreur d'un animal appelé à devenir la mascotte de la formation, un lionceau qui répondit bientôt au nom de Whisky. II se lia bien vite d'amitié avec Fram, le chien-loup du capitaine Thenault. La « ménagerie » fut ensuite complétée par l'arrivée d'un second lion, lequel fut baptisé Soda.

Les nouveaux appareils qui furent fournis à l'escadrille américaine étaient des Nieuport 17 à moteurs de 100 ch et armés de deux mitrailleuses Vickers tirant à travers l'hélice. Malgré la demande expresse du commandant Happe, que les pilotes avaient retrouvé à Luxeuil et qui entendait préserver tous les appareils disponibles pour une mission importante qu'il avait en projet, Lufbery et Rockwell ne purent résister à l'envie d'expérimenter les machines qu'on leur avait confiées.

Le 23 septembre, ils effectuaient une reconnaissance entre Mulhouse et le Hartmannswillerkopf, quand ils rencontrèrent un groupe de trois Fokker. Au cours de l'engagement, la mitrailleuse de Lufbery s'enraya. Il dut rompre le combat, et son compagnon l'escorta jusqu'au terrain de Fontaine. Lufbery en sécurité, Rockwell repartit en solitaire vers son dernier combat. Ayant repéré un Albatros biplace, il l'attaqua en piqué, s'offrant ainsi aux coups du mitrailleur. Il reçut une balle dans la tête, et son avion s'écrasa près du village de Rodon, sur les lieux mêmes de sa première victoire.

La grande opération mise sur pied par le commandant Happe se déroula le 13 octobre 1916. A cette date, en effet, une soixantaine de bombardiers allèrent attaquer les usines Mauser d'Oberndorf sous la protection d'une escorte de chasse. La tâche des Nieuport était délicate, car ils ne disposaient que d'une autonomie de deux heures, alors que la mission impliquait un vol de cinq heures.

pilotes français et américains en juillet 1916 : de gauche à droite, lieutenant De Laage de Meux, Chouteau, Johnson, Lawrence Rumsey, James Mac Connell, Thaw, Lufbery, Rockwell, Didier Masson, Norman Prince et Bert Hall

Les pertes les plus sensibles furent enregistrées lorsque les chasseurs, à court de carburant, abandonnèrent la formation pour aller se ravitailler. Revenue sur les lieux du combat, la N.124, qui alignait quatre avions, trouva les bombardiers dispersés, aux prises avec une meute d'appareils allemands. Chacun prit sous sa protection un groupe ami et tenta d'en éloigner les chasseurs adverses. Au cours des combats, De Laage abattit deux appareils, Lufbery, Masson et Prince remportèrent chacun une victoire.

Malgré les efforts déployés, 10 % des bombardiers furent détruits, et l'escadrille fut endeuillée par la mort de Prince. Protégeant un groupe d'attardés, ce dernier ne put rejoindre le terrain de Corcieux qu'à la nuit tombée et ne vit pas une ligne électrique, que son appareil percuta. Celui qui avait tant oeuvré pour la création de l'escadrille américaine mourut des suites de ses blessures le 15 octobre 1916. Il avait participé à cent vingt-deux combats aériens et abattu cinq avions allemands. Proposé au grade d'officier, il fut promu chevalier de la Légion d'honneur sur son lit de mort.

Soubiran devant son N.17 frappé de la tête de Sioux et de ses initiales

Combats sur la Somme

Le 23 octobre 1916, la N.124 quittait la base de Luxeuil pour aller s'établir à Cachy, sur le front de la Somme, où, grâce à la concentration des forces aériennes opérée par le colonel Barès et à l'apparition d'un nouvel avion, le SPAD, les Alliés étaient maîtres de l'air. La N.124, placée sous les ordres du commandant Féquant, au sein du groupe d'escadrilles n° 13, réceptionna son premier SPAD, à moteur HispanoSuiza de 140 ch, dans les premiers jours de novembre, alors que le mauvais temps avait pour effet de ralentir l'activité de l'aviation.

C'est à cette époque que l'escadrille reçut son appellation définitive-: le 4 novembre, un message du ministère de la Guerre stipulait que le nom d'Escadrille américaine devait être abandonné pour celui d'escadrille des Volontaires.

Cette mesure, motivée par des raisons d'ordre diplomatique, fut très mal accueillie par les pilotes, et, le 6 décembre, un nouveau télégramme donnait à l'unité le nom définitif d'escadrille La Fayette », qui fut adopté avec enthousiasme. Elle choisit comme emblème la tête de Sioux dessinée par le mécanicien Suchet et améliorée un peu plus tard par le sergent Harold Willis.

Avec le retour du printemps, l'activité aérienne reprit. Le haut commandement avait besoin de renseignements précis sur le repli des troupes allemandes dans le secteur de Saint-Quentin. C'est au cours de l'une de ces missions de reconnaissance que le sergent Mac Connell fut abattu. Suivant la progression du front, l'escadrille s'installa à Ham, où elle apprit, le 6 avril 1917, que les États-Unis étaient entrés dans la guerre.

L'enthousiasme que souleva cette nouvelle devait cependant être tempéré par une série de deuils. Le jeune pilote Genet, qui était arrivé à l'escadrille en janvier 1917 et avait activement milité en faveur de l'entrée en guerre de son pays, tomba le 16 avril, suivi le 23 par Ronald Wood Hoskier; affecté à l'escadrille dans le courant de l'hiver, celui-ci fut abattu aux commandes du seul biplace que possédât l'escadrille et à bord duquel avait également pris place Dressy, l'ordonnance du lieutenant De Lage.

Ce dernier fut profondément affecté par la mort de cet homme qui lui avait sauvé la vie en 1914, alors qu'il était lieutenant de dragons. Il ne devait pas lui survivre longtemps, puisque, le 23 mai, victime d'un incident mécanique, son avion s'écrasait, l'entraînant dans la mort. Il totalisait sept victoires. Les conditions du combat avaient désormais radicalement évolué. Les Allemands ne se présentaient plus qu'en grandes formations, rapidement dénommées par les Alliés « Flying Circuses ».

le commandant Battesti au poste de pilotage de son Gourdou 32 en 1928. Cet officier français fut le premier à reprendre l'insigne de tradition du La Fayette  après la guerre

Il faut croire que les Américains s'adaptèrent très bien à ces conditions de combat, puisque durant son séjour à Ham, qui s'acheva le 3 juin, l'escadrille « La Fayette » soutint 66 combats, remportant sept victoires homologuées et huit probables, mais au prix de la perte de quatre pilotes (trois tués et un blessé).

Ses effectifs furent alors renforcés. Comptant vingt-sept pilotes et dix-huit appareils (dont dix SPAD), elle fut engagée au plus dur de la bataille, d'abord dans le secteur du Chemin des Dames, puis, à partir du 17 juillet, dans les Flandres, à Saint-Pol-sur-Mer. Le 7 juillet, elle avait reçu son drapeau, que le commandant Du Penty remit sur le front à William Thaw.

Pour la première fois, dans la préparation d'une offensive, le GQG semblait avoir pris pleinement conscience du « fait aérien ». L'attaque projetée devait commencer par la destruction systématique de l'aviation ennemie, tant en vol qu'au sol. Pour ce faire, l'escadrille s'entraîna au bombardement à très faible altitude.

L'offensive débuta le 31 juillet, par un temps déplorable qui cloua l'aviation au sol et finit par stopper l'élan de l'infanterie. Durant les éclaircies, l'escadrille « La Fayette » dut affronter un adversaire redoutable, le « cirque Richthofen », et fut pour la première fois citée à l'ordre de l'armée le 15 août 1917. Quand l'offensive des Flandres fut suspendue, l'escadrille quitta Saint-Pol (20 août) pour Senard, en Argonne, précédée par l'élite de l'aviation allemande!

Dans ces circonstances difficiles, Lufbery se montra encore le pilote le plus remarquable, multipliant patrouilles et combats. Les tâches assignées à l'escadrille durant cette seconde bataille de Verdun furent multiples. Tout au long du mois de septembre, elle livra cent cinquante combats et remporta cinq victoires confirmées, accomplissant en outre de nombreuses missions de protection ou même de mitraillage de tranchées. Un pilote, Mac Monagle, trouva la mort le 24 septembre au-dessus de la forêt de Hesse.

La dissolution de l'escadrille

Le 30 septembre, l'escadrille regagnait le terrain de Chaudun pour participer à la reconquête du Chemin des Dames. Le le" octobre, jour de l'offensive, Campbell fut abattu au-dessus de l'Ailette. Le même jour, Lufbery détruisait six appareils, dont trois furent homologués.

A la fin du mois d'octobre, l'escadrille se vit affecter, avec Christopher W. Ford, le dernier des trente-huit pilotes qui combattirent dans ses rangs. Un accord passé entre la France et les États-Unis permit aux aviateurs de choisir l'armée dans laquelle ils désiraient continuer la lutte. A l'exception de Parson, qui resta dans l'armée française et combattit au sein de la SPA.3, tous optèrent pour l'US Army.

Le transfert officiel eut lieu le ler janvier 1918. Rebaptisée N.103, l'escadrille devait constituer le noyau du premier groupe de chasse américain, qui fut placé sous les ordres de Thaw. Lufbery, promu commandant, fut chargé d'en organiser un second, mais, le 19 mai, il trouva la mort au-dessus de la région de Toul.

L'escadrille « La Fayette » remporta quarante et une victoires homologuées durant le premier conflit mondial, mais son apport le plus important fut sans aucun doute de symboliser, dès les premiers jours, la solidarité de l'Amérique avec la France. Au total, deux cent dix Américains (dont trente-huit pilotes) servirent dans l'aéronautique française, constituant le « La Fayette Flying Corps ».

La tradition du « La Fayette » fut reprise en 1920 par une unité française. Vingt ans plus tard, la tête de Sioux s'inscrivait encore sur le fuselage d'appareils combattant sur de nouveaux champs de bataille aériens.

 


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Fan d'avions © 16 Mai, 2001