HÉRITIER DE GUYNEMER
Né à Valenciennes le 5 février 1912, Marin la Meslée eut ses premiers contacts avec le plus lourd que l'air par l'intermédiaire de son père, un ingénieur des Arts et Métiers passionné d'aéronautique, qui avait construit plusieurs planeurs et mis sur pied l'aéro-club de Valenciennes. Après avoir passé avec succès son baccalauréat, le jeune homme, gagné par le virus, entreprit des études de droit, qu'il abandonna rapidement pour
se consacrer au pilotage.
Grâce à une bourse d'État, qui lui permit de suivre les cours de l'école Morane, il obtint son brevet de pilote le 1er août 1931 sur le terrain de Villacoublay. Dès lors, il n'avait qu'une alternative : s'engager dans l'armée ou renoncer sur-le-champ à piloter.

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Le commandant Marin la Meslée, titulaire de vingt victoires, fut le symbole de la chasse française pendant la Seconde Guerre mondiale Chevalier de la Légion d'honneur, titulaire de douze citations à l'ordre de l'armée, Marin la Meslée revendiqua en quatre ans de combat vingt victoires, dont seize homologuées et quatre probables
Avec vingt victoires à son actif, Edmond, Édouard, Raymond Marin la Meslée est l'un des grands as français de la campagne de 1939-1940. Il a fait l'objet de plusieurs biographies, dans lesquelles il est souvent comparé à Guynemer.
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Marin la Meslé
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Voler coûtait en effet très cher, et rares étaient les pilotes qui avaient la possibilité d'acheter un avion. Edmond Marin la Meslée choisit donc la première solution. Devançant l'appel, il signa un engagement dans l'Aéronautique militaire et fit ses premières armes à l'école de pilotage d'lstres, d'où il sortit avec le grade de caporal-chef, le 20 avril 1932.
Après avoir décroché un brevet d'observateur en avion, il se présenta au concours d'officier de réserve et se classa deuxième sur les trente-deux candidats admis. Le 20 septembre 1932, à Avord, il recevait ses galons de sous-lieutenant. Cette brillante réussite — il était en effet major de sa promotion le convainquit de poursuivre une carrière d'officier.
Mais, à l'époque, les règlements en vigueur stipulaient que les cadres de réserve ne pouvaient servir au-delà de la période légale du service militaire au sein de l'armée d'active. Pour rester dans l'armée, Marin la Meslée n'avait donc qu'une possibilité : démissionner et rendre ses galons d'officier. Ce qu'il fit en novembre 1932. A peine avait-il signé sa démission qu'il se rengageait comme simple sergent. Suivit toute une
série de démêlés avec l'administration militaire.
Muté à Strasbourg, Marin la Meslée tenta de redevenir officier. Mais il lui fallait passer par une école formant les cadres d'active et, pour ce faire, bénéficier d'une ancienneté de deux ans dans son grade. Ayant opté pour Saint-Cyr et demandé à en suivre les cours préparatoires, il essuya un refus de ses supérieurs et dut donc, pendant ses moments de liberté, travailler pour le concours.

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Hawk H75 C1 (Hawk 75A-3)Unité: 1e escadrille, GC I / 5, l'Armée de l'Air Serial: 2 (N217) Pilot - Lt.Edmond Marin la Meslée. Suippes, Mai 1940. |
Il en subit les épreuves en 1933 et fut recalé. L'année suivante, la chance lui sourit, puisque une décision ministérielle leva l'interdiction faite aux officiers de réserve de faire carrière dans l'armée. Sa demande de réintégration dans son grade initial (sous-lieutenant) fut cependant rejetée. Prenant son mal en patience, il attendit encore deux ans pour se présenter au concours d'élève-officier, qu'il réussit en 1936. A sa
sortie de l'école militaire de l'Air, en octobre 1937, il arborait à nouveau des galons de sous-lieutenant.
Vingt victoires en six mois
De Salon-de-Provence Marin la Meslée partit pour Reims, où stationnait le groupe de chasse 1/5, commandé par le capitaine Accart. Au mois d'août 1939, alors que l'armée de l'Air mettait en oeuvre les premières mesures préludant à la mobilisation, le GC-1/5, rééquipé de Curtiss H-75, importés des États-Unis, se trouvait sur le terrain de Suippes. Pour Marin la Meslée, nommé lieutenant en octobre 1939, les trois premiers mois de
la guerre se résumèrent à de fastidieuses patrouilles de chasse à haute altitude.
Le 11 janvier 1940, au cours d'une sortie de routine avec le lieutenant Rey, il parvint à abattre son premier ennemi, un Dornier Do-17 de reconnaissance. Le pilote allemand aperçut trop tard les deux Curtiss fonçant sur lui et n'eut pas le temps de s'esquiver. Une rafale tirée par Marin la Meslée eut vite raison du moteur droit. Lâchant des bouts de tôle, le bimoteur se mit en vrille et s'écrasa près de Longwy. Le vainqueur eut
alors droit à sa première citation.
Le 12 mai 1940, deux jours après le début de la grande offensive allemande à l'Ouest, plusieurs Curtiss dirigés par Marin la Meslée interceptèrent une formation de vingt Junkers Ju-87 qui attaquaient des fantassins français. Les appareils engagèrent le combat, envoyant au sol douze des avions d'attaque en piqué, dont deux furent portés au crédit de Marin la Meslée. Le 18 du même mois, c'est un groupe de vingt et un He-111 qui
essuya le feu des mitrailleuses du GC-I/5.
Mais, ce jour-là, l'appareil de Marin la Meslée fut touché par une balle, qui sectionna le circuit hydraulique commandant la manoeuvre du train d'atterrissage. L'huile envahit aussitôt l'habitacle du chasseur et asphyxia à moitié son pilote. Obligé d'ouvrir sa verrière, Marin la Meslée se préparait à sauter dans le vide, mais l'air frais le rasséréna, et il décida de ne pas abandonner le Curtiss. Il ramena donc l'appareil à sa
base, où il le posa sur le ventre. Le lendemain, il abattait un Heinkel He-111.

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En septembre 1943, son unité reprit le combat aux côtés des Alliés sur Bell P-39 Airacobra », puis sur Republic P-47 « Thunderbolt »
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Le 22 mai, Marin la Meslée, titulaire à cette date de neuf victoires, réussit une mission difficile qui lui valut une nouvelle citation. Les Potez 63/11 affectés aux missions de reconnaissance étant incapables de se mesurer à la chasse ennemie, le commandement décida de leur substituer des appareils plus rapides et mieux armés, en l'occurrence des chasseurs.
S'étant porté volontaire, Marin la Meslée effectua le travail demandé puis revint vers ses lignes, non sans avoir mitraillé au passage une colonne motorisée allemande. Quand il se posa à Suippes, la nuit venait de tomber et il ne lui restait pratiquement pas d'essence.
Deux jours plus tard, il détruisait un Henschel Hs-126, dont seul le mitrailleur put sauter en parachute. Les 27 et 28 mai, il abattit encore respectivement un Hs-l26 et un He-111.
Le 3 juin, deux jours après avoir succédé au capitaine Accart, blessé en combat, à la tête du GC-l/5, Marin la Meslée commit une imprudence qui eût pu lui coûter la vie. Ce jour-là, alors qu'il venait de descendre un He-111, deux appareils se présentèrent dans son dos, qu'il prit pour ses équipiers.
Mais une rafale, qui fit éclater son tableau de bord et son pare-brise, eut tôt fait de lui rappeler quelques règles essentielles du combat aérien, à savoir toujours se garder sur ses arrières. Dégageant brusquement, il échappa à grand peine à ses poursuivants.
Marin la Meslée remporta sa dernière victoire le 10 juin, lors de l'attaque d'une formation de Ju-88 escortée par plusieurs Bf-109. Le 20, sur l'ordre du grand quartier général aérien du général Vuillemin, le GC-l/5 se repliait en Afrique du Nord, où il s'installa sur la base d'Alger-Maison-Blanche. Marin la Meslée y apprit sa nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur (il était déjà titulaire de la croix de guerre
avec plusieurs palmes). Le nombre de ses victoires se montait à vingt.
La dernière mission
Pour le GC-l/5, la vie africaine fut monotone. Après que quelques-uns de ses Curtiss eurent tenté d'arrêter les appareils britanniques qui attaquaient Mers el-Kébir le 3 juillet 1940, le groupe fut envoyé au Maroc, où il occupa successivement les terrains de Meknès, de Fès et de Rabat.
En novembre 1942, les Alliés débarquaient en Afrique du Nord, mais le 1/5 dut attendre le mois de septembre de l'année suivante pour être rééquipé de Bell P-39 « Airacobra » et reprendre la lutte dans le cadre du Coastal Command (il prit alors le nom de « Champagne », puis fut basé à Tafaraoui, au sud d'Oran).
Lors des cent deux missions de ce type qu'il accomplit le long des côtes algériennes, Marin la Meslée repéra plusieurs fois des Junkers Ju-88 de reconnaissance, mais le plafond limité de son P-39 lui rendit toute interception impossible.
Le 15 janvier 1944, Marin la Meslée prit le commandement du GC-l/5. Celui-ci ne fut engagé ni dans l'attaque sur Rome, ni dans le débarquement de Provence. Le 20 septembre, il vint s'établir à Salon, puis, reconverti sur Republic P-47 « Thunderbolt », il fut engagé dans des missions d'appui tactique.

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Marin la Meslée en vol sur son Curtiss H-75 du GC-//5. Après l'armistice, ce groupe fut replié sur l'Afrique du Nord, où il tenta de s'opposer à l'attaque britannique contre Mers el-Kébir
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C'est au cours d'une sortie de ce genre, le 4 février 1945, qu'Edmond Marin la Meslée, nommé commandant au mois de juin précédent, devait disparaître. Ce jour-là, l'officier de liaison avec les troupes terrestres assigna à onze P-47 du « Champagne », chargés chacun de deux bombes, un objectif principal situé sur le Rhin et, comme but secondaire, l'anéantissement des colonnes allemandes circulant au nord de la forêt de la Hardt.
En dépit d'une vive réaction de la Flak, la première partie du plan fut exécutée sans incident notable. Puis, les pilotes se séparèrent et prirent chacun pour nouvel objectif un tronçon de route dans la zone prescrite. Le ciel bouché leur permit d'éviter le tir très dense de la défense antiaérienne.
Lors d'une première passe, Marin la Meslée mitrailla un convoi de camions. Un camion-citerne explosa sous les impacts et communiqua le feu à un autre véhicule. Le chef du GC-l/5 ordonna alors de lancer une autre attaque et se présenta une nouvelle fois au-dessus de la chaussée.
Son P-47 était en légère descente, comme à l'atterrissage, quand il fut touché par la Flak. L'appareil piqua doucement vers la terre en virant. Il fumait et, d'après les témoignages des pilotes n'était visiblement plus piloté. Effectivement, les Allemands découvrirent le corps de Marin la Meslée intact. L'officier français avait été tué sur le coup par les éclats d'un obus de 40 mm qui avait pénétré à la base du crâne.
Les Allemands le transportèrent au cimetière de Rustenhardt pour l'inhumer, mais ils furent surpris par l'avance française, et c'est l'abbé Weber, curé de ce village, qui organisa alors la sépulture. Le commandant Marin la Meslée était mort au cours de sa vingt et unième mission.
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