Nieuport
UNE DYNASTIE DE CHASSEURS
Les premiers biplans de chasse d'Édouard Nieuport ouvrirent la voie, en 1915, à l'une des plus grandes familles d'intercepteurs français
Lorsque, en décembre 1936, l'usine Loire-Nieuport d'Issy-les-Moulineaux est prise en compte par la nouvelle Société nationale de constructions aéronautiques de l'Ouest (SNCAO), l'illustre nom de Nieuport disparaît complètement de l'actualité aéronautique française, aussi brutalement que, vingt-six ans plus tôt, s'était interrompue la vie trépidante d'Édouard Nieuport, son fondateur.
Durant ce quart de siècle, la firme s'est maintenue et développée, sans autre relation avec celui qui l'avait établie, que ce nom qui n'était, après tout, qu'un pseudonyme...
|
le premier des grands chasseurs français : le Nieuport 17
|
Le génie de la mécanique
Édouard de Niéport naît, le 24 août 1875 à Blida (Algérie). Après de solides études techniques, le jeune homme choisit l'École supérieure d'électricité, mais abandonne ses études en 1897 pour se livrer à son sport favori : la course cycliste, dans laquelle il remporte un certain nombre de succès sous le nom d'Édouard Nieuport.
Mais ce brutal changement d'orientation permet à ce génial « bricoleur » d'appliquer son esprit mécanicien à un domaine autrement prometteur que celui de la « petite reine ». Assistant au développement de l'automobile, il y apporte sa contribution en maîtrisant le fonctionnement aléatoire des premiers moteurs à explosion qu'il dote du premier allumage à haute tension.
Dès 1902, il commence la construction en série d'appareillages électriques dans un petit atelier de la rue de Seine à Suresnes, où il produit aussi des magnétos haute tension, des bougies d'allumage de son invention, ainsi que des accumulateurs.
Il entre en même temps de plain-pied dans l'aviation naissante puisqu'une magnéto et des bougies Nieuport équipent le moteur Antoinette à 8 cylindres du Voisin n° 1 bis avec lequel Henry Farman effectuera, le 13 janvier 1908, le premier « kilomètre en circuit fermé ».
Cette même année 1908, Édouard Nieuport contacte les frères Voisin, les plus célèbres avionneurs de l'époque, et leur commande un appareil biplan mais, le moteur Antoinette à 8 cylindres ne lui convenant pas, il décide d'étudier et de fabriquer lui-même son propre propulseur. Avec son frère Charles, il fonde la société Aérolocomotion, dont l'existence sera éphémère.
|
le biplace Nie-10, premier avion de combat de la firme, entra en service en 1915. De nombreux exemplaires furent par la suite transformés en monoplaces
|
Les premiers Nieuport
Loin de se décourager, les deux frères créent, à la fin de 1908, la Société anonyme des établissements Nieuport et construisent leur premier avion. Monoplan à aile haute, à fuselage en tubes nus, celui-ci est équipé, en attendant mieux, d'un moteur Darracq à 2 cylindres de 20 ch entraînant une hélice bipale.
L'appareil décolle pour la première fois du terrain d'lssy-lesMoulineaux et se comporte suffisamment bien en vol pour conforter Édouard Nieuport dans le choix de la formule monoplane, alors fort décriée. Hélas! ce premier Nieuport est détruit lors des inondations catastrophiques provoquées en janvier 1910 par la crue de la Seine.
Peu de temps après, le moteur bicylindre construit par Édouard Nieuport est achevé; refroidi par air, il développe 28 ch au régime nominal de 1 200 tr/mn et consomme 16 litres de carburant et 2 litres d'huile de ricin à l'heure. Cet engin est monté, en 1909, sur le deuxième avion des frères Nieuport : le type 2 N (pour moteur Nieuport).
Monoplan à aile médiane de 8 m d'envergure et 14 m2 de surface portante, il possède un fuselage complètement entoilé qui protège le pilote et affine l'appareil; dépourvu d'ailerons, celui-ci se dirige par gauchissement des plans. Le 5 janvier 1910, le Nie-2 N décolle pour la première fois du terrain d'Issy-les-Moulineaux, piloté par le lieutenant de Caumont de La Force et, aux essais, il approche les 120 km/h.
|
Entré en service à la fin de l'année 1916, le Nieuport 17 Cl resta en première ligne jusqu'à l'arrivée du SPAD VII. Ce biplan, dont la voilure présentait une surface de 14,75 m2 atteignait 162 km/h à 2 000 m
|
En juillet 1910, Édouard Nieuport engage dans la seconde des Grandes Semaines de Champagne (ReimsBétheny) trois appareils du type 2 équipés de moteurs différents : montant lui-même celui qui reçoit un Anzani de 30 ch, il confie à Maurice Noguès et à Niels les deux autres avions équipés chacun d'un bicylindre Darracq de 25 ch.
Pilote émérite (brevet n° 105 du 10 juin 1910), il arrache la sixième place dans le Prix de la vitesse et se classe deuxième dans le Prix MichelÉphrussi (course de 21,340 km hors aérodrome). Le Nieuport 2 N acquiert enfin la célébrité internationale, le 11 mai 1911, en établissant à Mourmelon le record du monde de vitesse à 119,68 km/h.
De victoire en victoire
Cette année 1911 s'avère bien vite une année faste pour les établissements Nieuport, où un nouvel avion vient de voir le jour : le biplace 4 G, monoplan à aile médiane de 11,60 m d'envergure et 17 m2 de surface portante. Le fuselage et la voilure sont de construction mixte : spruce et tubes d'acier, le tout soigneusement entoilé (l'appareil pèse 350 kg en ordre de vol!).
Le moteur Gnome rotatif à 7 cylindres de 50 ch refroidi par air est parfaitement capoté. Et le 4 G remporte victoire sur victoire, s'adjugeant le 6 mars le record de l'heure avec passager (101,460 km/h) et, trois jours plus tard, le record de vitesse avec deux passagers (109 km/h). Mais le 2 N ne reste pas non plus inactif, et c'est à son bord qu'Édouard Nieuport porte le record du monde de vitesse à 130,057 km/h le 16 juin et à 133,136 km/h le 21 juin.
Le 1er juillet, le pilote américain Weymann remporte la Coupe internationale de vitesse Gordon-Bennett sur un Nieuport équipé d'un Gnome de 100 ch, franchissant les 150 kilomètres du parcours en 1 h 11 mn 39 s, Édouard Nieuport se classant troisième sur l'un de ses appareils équipé d'un moteur Gnome rotatif de 70 ch. Le 26 août, Emmanuel Helen, pilote attitré des établissements Nieuport, gagne la Coupe Michelin 1911 avec un avion de la société, couvrant 1 126 km en 13 h 49 mn, et confirme définitivement sa victoire le 8 septembre en franchissant 1 252,800 km en 14 h 8 mn.
Mais le fait saillant de l'année, c'est le concours militaire de Reims. Organisé par le général Roque, inspecteur de l'Aéronautique militaire, il doit doter la nouvelle arme d'engins répondant aux besoins essentiels de l'armée.
Ces avions doivent être biplaces, faciles à transporter et à mettre en oeuvre, pouvoir se contenter de terrains non préparés, assurer à l'observateur une visibilité parfaite et, aussi, être cent pour cent français, moteur compris! Quant aux performances requises le programme du concours est très exigeant : le matériel proposé doit effectuer, sans escale, un circuit de 300 km à plus de 60 km/h avec 300 kg de charge utile.
Le vainqueur sera récompensé par l'achat (pour 100 000 francs) de son appareil et par la commande de dix machines identiques, payées 40 000 francs chacune. Les quarante-trois constructeurs qui s'inscrivent aux épreuves éliminatoires présentent au total 140 appareils. Celui d'Édouard Nieuport est un monoplan du type 4 G, équipé d'un moteur Gnome rotatif de 100 ch, ayant une surface portante de 22 m2 pour un poids à vide de 483 kg; les deux passagers sont installés côte à côte derrière le pilote, mais ne disposent d'aucune visibilité vers le sol.
Le Nieuport 4 G est l'un des neuf appareils à triompher aux éliminatoires, auxquelles ne participent en fait que trente et une machines. Les épreuves finales commencent le 1 er novembre, mais, fâcheusement ralenties par des conditions météorologiques déplorables, durent plus de trois semaines.
Enfin, le 26 novembre, le Nieuport (piloté par Charles Weymann), le plus rapide avec 119 km/h dans la course de vitesse à pleine charge, remporte le concours : c'est la prospérité assurée pour les établissements Nieuport. Hélas! Édouard ne peut assister à ce triomphe : le 15 septembre, il s'est écrasé à Charny-surMeuse, à bord de l'un de ses appareils.
Double drame
En effet, alors qu'il préparait un monoplan dérivé du type 2, destiné à l'aéronautique militaire italienne, Edouard Nieuport fut convoqué, en septembre 1911, aux manoeuvres du 6e corps d'armée et affecté comme pilote de réserve à l'escadrille d'avions Nieuport commandée par le lieutenant de vaisseau Delage.
Ayant rejoint Mourmelon sur son 2 N, il y reçut l'ordre de se rendre dans la région de Verdun où l'attendait le lieutenant-colonel Estienne. Une panne de moteur l'ayant contraint à prendre l'un des Nieuport Gnome de l'escadrille, il se posa le 15 septembre à Charnysur-Meuse par un temps effroyable. A la requête du lieutenant-colonel Estienne, qui désirait valoriser la nouvelle arme aux yeux du général Perruchon et de son état-major, Édouard Nieuport décolla pour une nouvelle présentation.
A 800 m d'altitude, il coupa son moteur et, au terme d'une impeccable descente en spirale, il se préparait à atterrir lorsque, passant à la hauteur des hangars Bessonneaux, son avion, plaqué par un rabattant, s'écrasa au sol. Dégagé des débris de la machine, le malheureux pilote eut juste le temps d'expliquer les causes de sa chute, avant de s'écrouler, victime d'une hémorragie interne. Ainsi disparaissait l'un des plus remarquables pionniers français, au moment même où son entreprise, soutenue financièrement par l'un des plus généreux mécènes de l'époque, Henry Deutsch de la Meurthe, atteignait la dimension industrielle.
Après la mort d'Édouard, Charles Nieuport reprend la direction de la_société. L'usine d'Issy-les-Moulineaux, qui vient tout juste d'être terminée, assure le lancement de la série de dix appareils commandés à la suite de la victoire de Weymann au concours de Reims. Plusieurs Nieuport 4 sont vendus à la Russie, à la Suède, à l'Italie et à la Grande-Bretagne; le type 8 G sera, quelque temps plus tard, produit sous licence par Macchi.
Moins passionné par l'aviation que son frère, Charles passe pourtant son brevet de pilote (n° 742), le 22 janvier 1912. De nouveaux succès récompensent les efforts de la société Nieuport. Le 24 décembre 1911, Gobé a battu le record du monde de distance en circuit fermé, couvrant 740 km sans escale en 8 h 16 mn.
Le 1er mai 1912, Helen, pilotant un Nieuport à moteur Gnome de 70 ch, s'approprie la Coupe Deutsch (première prime) à 119,352 km/h. Gabriel Espanet s'adjuge le prix spécial du Circuit d'Anjou le 17 juin. Avec un monoplan Nieuport à flotteurs en catamaran, Weymann se classe cinquième au concours d'hydravions de Saint-Malo en août.
Mais, au début de l'année 1913, un second deuil vient assombrir la prospérité des établissements Nieuport. Le 24 janvier, alors qu'il réceptionne des triplaces pour l'armée à Étampes, Charles est victime d'une avarie de gauchissement, qui précipite son avion au sol, entraînant également dans la mort le mécanicien Guyot, qui l'accompagne.
Pourtant, la chance sourit encore cette année-là à la société, dont le directeur technique est désormais Henry de La Fresnaye. C'est ainsi que, le 10 novembre, Bonnier et son mécanicien Barnier relient Paris au Caire à travers l'Europe centrale (5 400 km environ) en quarante et un jours à bord d'un Nieuport doté d'un Gnome de 80 ch, et que, le 28 décembre, Legagneux porte le record d'altitude à 6 120 m sur un appareil identique.
L'avion des as
Ancien pilote de Nieuport militaires, l'enseigne de vaisseau Delage prend la direction technique de l'usine d'Issy-les-Moulineaux le 1er janvier 1914. Dès son arrivée au bureau d'études, il dessine le premier sesquiplan de la firme, le Nie-10 B, en vue de la Coupe Gordon-Bennett de 1914. Hélas! la déclaration de guerre suspend toute activité sportive. Delage, mobilisé au début des hostilités, est rapidement rappelé à la direction de l'usine Nieuport.
Au 1er octobre 1914, l'armée dispose, parmi trente et une autres, d'une escadrille de reconnaissance (N.12) équipée de Nieuport 6 M, et la marine possède plusieurs hydravions du type 6 H à flotteurs provenant d'une commande turque réquisitionnée; cependant, le besoin en appareils nouveaux plus performants, se fait cruellement sentir.
Converti en biplace d'observation, le Nie-10 A2 est présenté au Service des fabrications de l'aéronautique en mai 1915. Cet appareil à structure de bois entoilée, de 18,60 m2 de surface portante, est équipé d'un moteur Rhône de 80 ch et armé d'une mitrailleuse lourde Hotchkiss montée derrière le pilote et servie par l'observateur.
Il est bientôt suivi du type 12 A2, propulsé par un moteur Clerget de 130 ch, qui possède une voilure de 22 m2. En même temps qu'il produit en petite série ces avions de reconnaissance, Delage tente de les transformer en monoplaces de chasse. Le Nie-10 Cl ne donnant pas les résultats escomptés, sa surface portante est réduite à 13 m2, et ce minuscule appareil, que ses dimensions (7,65 m d'envergure et 5,80 m de longueur) font surnommer « Bébé », réalise des performances surprenantes : 156 km/h au niveau de la mer et 4 600 m de plafond!
Immédiatement fabriqué en grande série, le Nie-11 Cl « Bébé » prend du service dès le début de 1916 dans les escadrilles de chasse de l'aviation militaire française, ainsi que dans le Royal Naval Air Service (RNAS) et le Royal Flying Corps (RFC) britanniques.
Équipé d'un moteur Rhône de 80 ch et armé d'une mitrailleuse fixée sur le plan supérieur, afin de tirer hors du champ de l'hélice, il est le meilleur chasseur français à l'époque et assure aux Alliés la maîtrise du ciel de Verdun. Guynemer remporte à son bord ses quatorze premières victoires, et les meilleurs as français (Nungesser, Navarre, Pelletier-Doisy, Dorme, Heurtaux, Pinsard) l'utilisent pour nettoyer le ciel des Fokker et étoffer leur palmarès.
Encouragé par ces résultats, Delage essaye alors un moteur Rhône de 110 ch sur cette cellule (Nie-16), mais il obtient de meilleurs résultats en portant la voilure à 14,75 m2 : c'est le Nie-17 Cl, dont la vitesse est de 162 km/h à 2 000 m d'altitude. Mis en service à la fin de l'année 1916, cet appareil reste en première ligne jusqu'à son remplacement par le SPAD VII, assurant notamment la supériorité aérienne alliée durant toute la bataille de la Somme.
Les Nieuport de chasse et de reconnaissance sont produits à 7 200 exemplaires par Nieuport et six constructeurs travaillant sous licence (dont Savary, Borel et Lioré et Olivier); 1 733 d'entre eux sont utilisés par l'American Expeditionary Force (AEF), et le RFC en reçoit 527. Un certain nombre seront rachetés ou construits sous licence, pendant ou après la guerre, par dix pays alliés.
A la fin des hostilités, la société Nieuport emploie 3 600 ouvriers et sort dix appareils par jour! Enfin, consécration suprême, c'est à bord d'un Nieuport « Bébé » à moteur Gnome de 120 ch que le pilote Charles Godefroy passe sous l'Arc de triomphe de l'Étoile, à Paris, le 7 août 1919 pour protester contre l'absence de l'aviation au défilé de la Victoire.
Les successeurs des « Bébé »
Le 14 juin 1917 vole pour la première fois le Nie-28 Cl, biplan de 8,15 m d'envergure dont le plan supérieur est franchement décalé vers l'avant et dont la voilure est haubanée — nouveauté chez Nieuport — par des paires de mâts profilés parallèles. Équipé d'un moteur rotatif Gnome monosoupape 9 N de 160 ch, remarquable par sa légèreté, il est doté d'un capotage annulaire qui coiffe parfaitement le moteur.
Hélas! cette réussite aérodynamique est à l'origine d'une série d'accidents par incendie en vol, car ce carénage est si étanche qu'il permet l'accumulation de gaz carburés non brûlés qui, lorsqu'ils atteignent un certain volume, s'enflamment spontanément, provoquant l'explosion; des orifices d'échappement, judicieusement percés dans le capot, éliminent définitivement cet inconvénient.
Aux essais, à Villacoublay, l'appareil vole à 209 km/h à 2 000 m d'altitude et grimpe à 5 000 m en 19 mn 50 s. Bien qu'il soit commandé en série par l'Aéronautique militaire, ce n'est pas sous les cocardes françaises qu'il prend part à la lutte, mais aux mains des pilotes de l'AEF, qui à partir de mars 1918 en reçoit 297 exemplaires, versés dans les 27e, 94e, 95e et 147e escadrilles.
Ils se distinguent aux mains de plusieurs as américains (dont Campbell, Rickenbacker, Lufbery) avant de céder, en juillet, le pas aux SPAD XIII et d'être cantonnés dans les tâches d'entraînement.
Douze d'entre eux, ramenés aux États-Unis en 1919, sont adoptés par l'US Navy pour des essais à bord de navires, cependant que certains autres, restés en Europe, sont utilisés par la Compagnie transaérienne à partir du 25 août 1919 pour acheminer sur le trajet Paris-Londres les passagers et le courrier de la première ligne aérienne. Pour parer à tout amerrissage accidentel, ces avions sont munis intérieurement de ballonnets gonflables qui leur assurent une certaine flottabilité.
Étudié parallèlement au type 28, le Nie-29, dessiné lui aussi par l'ingénieur Mary, sort d'usine au début de 1918. Très profilé, il est propulsé par un moteur Hispano-Suiza 8 Fb de 300 ch et s'avère très maniable dès les premiers vols. Testé en août 1918 par les pilotes du Service technique de l'aéronautique (STAé), il se classe, avec une vitesse de 240 km/h, parmi les chasseurs les plus rapides de l'époque.
La fin du premier conflit mondial ralentit considérablement ses essais, et il n'est commandé en série qu'en 1920. Construit aux usines Nieuport d'Issy-les-Moulineaux, mais aussi en sous-traitance chez Schreck, Potez, Levasseur, Blériot et Letord, il équipe dès la fin de l'année 1923 toutes les escadrilles des 1er et 3e régiments de chasse, et, en 1925, vingt-cinq escadrilles ont reçu les deux cent cinquante avions construits, qu'elles conserveront jusqu'en 1929.
Le Nie-29 est aussi largement exporté et produit sous licence à l'étranger : en Belgique par SABCA (cent huit exemplaires), en Italie par Macchi et Caproni (cent soixante), au Japon (six cent neuf), en Espagne (trente), ainsi qu'en Suède et en Argentine.
En 1925, trois d'entre eux sont transformés en appareils d'attaque au sol et munis de six bombes de 40 kg. Engagés dans les opérations du Rif, ces Nie-29 B1 effectuent en un mois soixante-dix sorties, au cours desquelles ils larguent 5 600 kg de projectiles sur les tribus révoltées.
Malgré l'efficacité de ces interventions en vol rasant à la mitrailleuse et à la bombe, cet essai n'est pas poursuivi, et il faudra attendre plus de dix ans la réapparition de cette formule qui n'aura pas, en France, le temps de se matérialiser à nouveau avant le grand choc de 1940.
L'avènement de la « dynastie »
Durant l'entre-deux-guerres, de nombreuses firmes aéronautiques se plaisent à doter leurs productions d'un trait particulier qui les caractérise : leur signature en quelque sorte. C'est ainsi que l'empennage anguleux des Farman, le fuselage à dérive intégrée des Couzinet sont encore présents dans beaucoup de mémoires. Dans cet ordre d'idée, c'est à une longue lignée de chasseurs à l'allure élégante et agressive que se rattache le nom de Nieuport : la «dynastie» des monoplaces sesquiplans Nieuport-Delage.
Lorsque, en 1923, le STAé émet un programme technique pour un monoplace de chasse d'une puissance de 350 ch à 500 ch et armé de quatre mitrailleuses de 7,7 mm, les ingénieurs Pillon et Dieudonné y répondent par un petit monoplan parasol de 12 m d'envergure : le Ni-42. Équipé d'un moteur HispanoSuiza 12 Gd en V de 450 ch, il possède une structure mixte : le fuselage est formé de deux demi-coques constituées par de fines bandes de bois de tulipier collées, croisées sur plusieurs couches et revêtues de toile enduite;
|
Nieuport 17 capturé intact et repeint aux couleurs allemandes. Impressionnés par les performances du chasseur français, les Allemands en réalisèrent une copie très fidèle : le Siemens-Schuckert Dl, qui fut construit à quatre-vingt-quatorze exemplaires
|
la voilure à longeron en Duralumin et nervures en bois, entoilée et haubanée à l'atterrisseur fixe par deux forts mâts en Y profilés, contient les réservoirs d'essence largables. Le prototype vole pour la première fois au début de l'année 1924 et, le 23 juin, Sadi-Lecointe remporte la Coupe Beaumont, à la vitesse de 306,696 km/h, sur la version rapide Ni-42 S équipée d'un Hispano-Suiza 12 Hb de 500 ch. Au Ville Salon de l'aviation de Paris (décembre 1922), une version biplace est exposée auprès du 42 Cl et du 42 S : il s'agit du 42 C2, doté d'un poste de défense arrière et devenu sesquiplan grâce à une voilure supplémentaire de faibles dimensions portant sa surface alaire totale à 30 m2.
A la suite des essais statiques du biplace, le 42 Cl est transformé, de la même façon, en sesquiplan et fait l'objet, en septembre 1925, d'une production de série de vingt-sept exemplaires, qui ne sera entérinée par l'Aéronautique militaire qu'en 1927. Entre les mains de Ferdinand Lasne, le Ni-42 Cl n° 5 bat même, le 25 août 1925, le record du monde de vitesse sur 1000 km à 248,353 km/h et, le 14 mai 1926, les records de distance avec 250 kg de charge (I 000 km) et de vitesse sur 1 000 km avec 236,028 km/h.
En 1926, deux cellules de NiD-42 de série sont équipées de moteurs en W refroidis par liquide. Le type 44 reçoit un Lorraine 12 EW de 450 ch et le 46 un Hispano-Suiza 12 Gb de 500 ch.
Ces deux chasseurs d'altitude ne présentent pourtant pas, du fait de la traînée de leurs radiateurs frontaux, des performances supérieures à celles du type de base et ne font, pour cette raison, l'objet d'aucun développement. Vers la fin de cette année-là décolle pour la première fois une version hydravion à flotteurs (42 HC1), dont les brefs essais ne sont pas couronnés de succès.
Émis en 1926, le surprenant programme des chasseurs « jockeys » demande des monoplaces légers, faiblement armés et dépourvus de protection, mais dont la vitesse maximale dépasse 270 km/h à 5 000 m et le plafond, 8 000 m.
Deux Nieuport « Parasol », dont la structure est sensiblement identique à celle du type 42, sont présentés au STAé : le NiD-48, équipé d'un Hispano-Suiza 12 Jb de 400 ch, et le NiD-48 bis, propulsé par un Hispano-Suiza 12 Hb surcomprimé de 500 ch. Bien qu'ayant largement répondu aux exigences de la spécification technique, ces deux appareils ne sont pas plus retenus que le meilleur de leurs huit concurrents : le Bernard 20.
Racheté par Nieuport en 1930 après deux ans d'abandon, le 48 bis reçoit un moteur Lorraine 9 Na Algol en étoile de 300 ch refroidi par air et acquiert du même coup l'appellation NiD-481. Pris en main par René Paulhan, qui l'utilise, sous une brillante livrée noir et or, dans quelques concours de voltige aérienne, l'appareil est finalement réformé en 1936.
Les faucons de Guadalajara
En 1927 apparaît un nouveau sesquiplan : le NiD-52, à fuselage entièrement métallique, équipé d'un moteur Hispano-Suiza 12 Hb de 500 ch, dont le radiateur Lamblin à nid d'abeilles, monté sous le nez de l'avion, remplace les antiques radiateurs à lames fixés sur les jambes d'atterrisseur des types précédents.
Armé de deux mitrailleuses de capot, le NiD-52 atteint 225 km/h à 7 000 m d'altitude, et son plafond est de 8 200 m. L'Aéronautique militaire ne manifeste aucun intérêt pour cet appareil, dont les performances ne sont pas supérieures à celles du Ni-42 alors en unité; aussi la firme d'Issy-les-Moulineaux le présente-t-elle, en 1928, au concours d'aviation de chasse organisé sur l'aérodrome de Madrid par le gouvernement espagnol.
Opposé au Fiat CR-20 italien, au Dewoitine 27 français et au Loring C 1 espagnol, il remporte la première place et se voit choisi pour rééquiper les escadrilles de chasse espagnoles. Après quelques modifications de détail dans la structure et le montage de deux mitrailleuses Vickers de 7,7 mm synchronisées, tirant à travers le cercle de l'hélice, une première série de quatre-vingt-onze appareils est lancée vers la fin de 1928 par la firme Hispano-Suiza Aviaciôn, dans ses usines de Guadalajara.
Cent vingt-cinq appareils au total sortent des chaînes de 1929 à 1931 et équipent les groupes I l (MadridGetafe) et 13 (Barcelone-Prat), ainsi qu'une escadrille mixte indépendante basée à Séville.
Après cinq ans d'utilisation intensive, soixante Nieuport 52 sont encore en service en août 1936, quand éclate la guerre civile espagnole. Cinquante d'entre eux seront employés durant les deux premiers mois des hostilités par les gouvernementaux, sous le code CN; ils portent sur le gouvernail de direction les trois couleurs espagnoles : rouge, jaune, violet, et, autour des ailes et du fuselage, de larges bandes d'identification rouges.
Du côté nationaliste, dix Nieuport seulement ont été récupérés, dont quatre en état de vol. L'as franquiste Joaquin Garcia Morato en utilise un jusqu'à l'arrivée des premiers Heinkel 51 allemands et abat même à son bord un Vickers « Vildebeest » républicain, alors que sur son Ni-42 le héros des forces aériennes gouvernementales, Andrés Garcia la Calle, appartenant au groupe 11, détruit les premiers Fiat CR-32 italiens au-dessus de Talavera.
Ces vieux appareils encaissent le premier choc sur tous les fronts, et particulièrement en Aragon et en Estrémadure. Quinze Nieuport républicains seront abattus en combat aérien, les autres étant victimes d'accidents en vol ou de mitraillages au sol. Tous les Nieuport utilisés en Espagne par les deux camps en présence disparaîtront dans la tourmente.
Le « merveilleux » 62
Apparu en même temps que le NiD-52, le sesquiplan monoplace 62 résulte de l'adaptation au fuselage du NiD-42 n° 23 d'une voilure améliorée comportant des nervures renforcées et d'un empennage horizontal agrandi de 0,80 m2. Son armement est réduit à deux mitrailleuses de capot, synchronisées pour tirer à travers le champ de l'hélice.
Lors des essais au CEV de Villacoublay, il réalise des performances identiques à celles du type 42, mais sa stabilité longitudinale aux grandes incidences semble nettement améliorée par les grandes dimensions de l'empennage. Trois marchés successifs portent la série à 265 appareils, et la Marine nationale se voit affecter cinquante exemplaires pour ses escadrilles de coopération.
|
un Nieuport 16 aux couleurs françaises; l'avion est équipé de fusées Le Prieur pour la destruction des ballons ennemis. Le type 16 résultait du montage d'un moteur Rhône de 110 ch sur une cellule de Nieuport 11; mais, plus puissant que celui du « Bébé ', ce propulseur alourdissait le nez de l'appareil, réduisant ses performances
|
Le Nieuport 62 no 36 est présenté en juin-juillet 1928 au Xle Salon de l'aviation, et les formations de l'Aéronautique militaire reçoivent leurs premiers appareils au début de 1929. Mais l'avion montre bientôt une fâcheuse tendance à s'engager dans une vrille à plat dont il est impossible au pilote de sortir;
Paulhan ayant été ainsi accidenté au début de 1930, les livraisons en unité sont suspendues. La cellule n° 151 est alors équipée d'une voilure supérieure de moindre profondeur, dont la surface portante a été diminuée de 1,69 m2 et qui est munie d'ailerons sur toute son envergure. Après essais, cette modification est appliquée à la série, dont le numéro de type devient 62.2.
Ce nouvel appareil fait l'objet de trois marchés successifs (1930, 1932 et 1933) portant sur 322 appareils, dont 60 destinés à l'aviation maritime. Ces avions reçoivent le nouveau moteur HispanoSuiza 12 Md de 500 ch, plus léger et dont les cylindres nitrurés augmentent notablement l'endurance. Les premiers NiD-62.2 parviennent en août 1931 au 34e régiment d'aviation du Bourget, qui passe ses NiD-62 aux écoles et centres d'instruction.
Hélas ! au moment où il arrive en unité, le 62.2 — vieux de dix ans —est un avion déjà périmé : le 1er juillet 1933, une patrouille ne parvient même pas à rattrapper les hydravions bimoteurs Savoia-Marchetti S-55 de l'escadre Balbo qu'elle est chargée d'escorter ! Les derniers NiD-62.2 seront pris en compte par l'armée de l'Air en janvier 1935.
Pour tenter de combler l'avance prise par la RAF avec le Hawker « Fury » I, dont la vitesse dépasse de 80 km/h celle du chasseur français le plus rapide, le NiD-62.2, deux marchés de prototypes sont passés avec la société Nieuport pour des développements basés sur des cellules du type précédent. Le NiD-8 est équipé d'un Hispano-Suiza 12 Mc de 500 ch rétablissant sa puissance jusqu'à 4 000 m grâce à son compresseur Farman-Waseige.
|
Le Nieuport 17 C sous d'autres cocardes : celui de Max Orban, de la 5e escadrille de chasse « La Comète », restauré entre juin 1970 et juin 1973 par le groupe de maintenance de la Force aérienne belge et exposé au musée de l'Armée à Bruxelles
|
Le NiD-62.9 reçoit un moteur Hispano-Suiza 12 Mdsh de 500 ch doté d'un compresseur Szydlowski-Planiol. Les essais comparatifs entre ces deux appareils, effectués au centre d'essais de Villacoublay, démontrent la légère supériorité du type 62.9 (280 km/h à 5 000 m), qui est en outre équipé d'amortisseurs oléopneumatiques Messier, très efficaces.
Cet appareil est alors commandé à cinquante exemplaires; tous pris en compte par l'armée de l'Air entre mars et mai 1935, ils équipent les quatre escadrilles de la 6e escadre de chasse de Chartres, où ils seront remplacés par des Loire 46 en novembre 1936, pour passer alors dans les tout nouveaux groupes aériens régionaux d'aviation légère de défense.
La fin d'une « dynastie »
Relativement performant, le NiD-62.9 est déjà périmé lorsqu'il parvient en escadrille. Le type 62.6, version de la série des 62 destinée à l'exportation, ne rencontre guère de succès puisque seul le Pérou en acquiert douze exemplaires, équipés du Lorraine Pétrel 12 Hdr de 500 ch.
En 1928, le nouveau programme technique C.1 demande des performances rigoureuses : vitesse maximale de 300 km/h à 4 000 m, plafond de 10 000 m, autonomie de trois heures en vitesse de croisière, montée à 5 000 m en moins de dix minutes. L'armement imposé comporte deux mitrailleuses. Nieuport présente un dérivé entièrement métallique du type 52 : le NiD-72, déjà en cours de réalisation, que son atterrisseur à essieu handicapera énormément.
Équipé d'un Hispano-Suiza 12 Hb de 500 ch, il pèse 1 800 kg en ordre de vol, chiffre qui le classe dans une catégorie tout autre que celle des chasseurs légers, malgré sa surface portante réduite à 28 m2. Ayant volé pour la première fois le 23 janvier 1928, il est rejeté hors concours et utilisé pendant quelque temps comme avion de servitude. La Belgique et le Brésil commandent respectivement trois et quatre exemplaires d'une version à moteur Hispano-Suiza 12 Lb qui ne sera jamais opérationnelle.
Présenté au Xlle Salon de l'aviation en décembre 1930, le NiD-82, dernier représentant de la dynastie des sesquiplans Nieuport, est équipé d'un moteur en V Lorraine Pétrel 12 Ha de 500 ch. Il résulte d'une amélioration très partielle du type précédent et s'avère décevant dès ses premiers essais, puisqu'il n'atteint que 271 km/h au niveau de la mer.
En août 1931, il est transformé en monoplan parasol par suppression de la petite voilure inférieure. Propriété de la Société générale aéronautique (Lorraine, Hanriot, SAB, SECM et CAMS), à laquelle est affilié Nieuport, il n'effectue que peu d'heures de vol avant de se retrouver au fond d'un hangar, dont il ne sortira que pour être jeté, en août 1936, dans la fournaise espagnole par des chemins détournés et peu glorieux.
Le « trou dans le plan »
En rentrant, vers la fin de l'année 1930, du Japon, où il a assisté quelque temps la société Nakajima, l'ingénieur Mary dessine un chasseur d'aspect assez trapu : le type 120, qui présente des caractéristiques inédites.
Il s'agit d'un monoplan de 13 m d'envergure et 22 m2 de surface portante possédant une aile haute haubanée, percée en son centre d'un « trou d'homme » donnant accès au poste de pilotage. Cette voilure de forme elliptique est néanmoins révolutionnaire en ce sens qu'elle intègre complètement le système de refroidissement du moteur, dont le liquide circule dans une double peau lui servant de revêtement et qui offre 16,73 m2 de surface de contact.
L'air traverse l'intérieur de l'aile, y entrant par vingt ouvertures percées dans le bord d'attaque et en sortant, après avoir cheminé entre les éléments radiants, par des fentes d'extrados, dont certaines sont obstruées par des volets réglables par le pilote. Pour se conformer aux exigences du programme C.1 de 1930, cet intéressant appareil doit recevoir un moteur à compresseur.
Le premier des deux prototypes construits : le NiD-122, équipé d'un moteur Hispano-Suiza 12 Xbrs de 690 ch, vole pour la première fois en août 1932, piloté par Sadi-Lecointe. Il est rejoint en novembre par le NiD-121, propulsé par un Lorraine Pétrel 12 Hdrs de 720 ch avec compresseur Farman à deux vitesses.
Les premiers essais, effectués par Sadi-Lecointe et Paulhan, démontrent que la vitesse maximale du NiD-122 se situe aux environs de 370 km/h, mais, face à des concurrents tels que le Dewoitine 500 ou le SPAD 510, son aile-radiateur présente trois tares rédhibitoires : ses piètres qualités aérodynamiques aux grands angles d'incidence;
sa vulnérabilité aux projectiles, qui en interdit l'utilisation au combat; sa position, qui limite dangereusement la visibilité du pilote à l'hémisphère supérieur. Bien que condamné par les militaires, le NiD-122 poursuit ses essais, lorsque, le
13 avril 1933, engagé dans un piqué en survitesse, son empennage horizontal s'arrache sous l'effet du « buffeting », phénomène encore inconnu à l'époque. Malgré cet accident, l'aéronautique péruvienne commande, en 1934, six appareils pouvant recevoir indifféremment des roues ou des flotteurs : le type 123.
Dernière version de la série, mais équipé d'une voilure de structure classique, le NiD-125 vole pour la première fois le 12 avril 1934, propulsé par un moteur HispanoSuiza 12 Ycrs de 860 ch muni d'un canon de 20 mm tirant à travers le moyeu de l'hélice. L'un des deux prototypes construits s'écrase en flammes par suite d'une rupture de canalisation d'essence, l'autre est abandonné en octobre 1935, dépassé par les chasseurs du nouveau programme de 1934.
La course à la vitesse
Parallèlement à l'évolution de sa famille de chasseurs, l'ingénieur Delage développe plusieurs avions de vitesse, qui sont engagés dans les compétitions des années vingt et trente. Le NiD-29.V, version spéciale du chasseur de même type, dont la surface portante a été ramenée à 12,30 m2 en tronquant les ailes (envergure : 6 m), permet à Sadi-Lecointe de dépasser 275 km/h le 7 février 1920 et d'atteindre 313,043 km/h le 12 décembre de la même année.
En octobre 1921, Nieuport-Delage engage trois appareils, dont deux « sesquiplans » spécialement dessinés pour la vitesse par l'ingénieur Mary et qui sont, en fait, de vrais monoplans à fuselage-coque en bois propulsés par un Hispano 8 Fb de 300 ch.
Aux essais, ces « racers » atteignent 330 km/h, et, le 1er octobre, Kirsch remporte la version 1921 de la Coupe Deutsch sur l'un d'entre eux avec 278,360 km/h. C'est avec le même appareil que, le 15 février 1923, Sadi-Lecointe arrache aux Américains le record de vitesse sur le kilomètre à la moyenne de 375,132 km/h, le meilleur chiffre enregistré pendant l'un des quatre passages étant de 391,304 km/h.
En revanche, la firme d'Issy-les-Moulineaux ne parvient pas à s'imposer dans le domaine de l'hydravion de vitesse et particulièrement dans la Coupe Schneider. En 1913, date de la première compétition, deux Nieuport se classent respectivement deuxième et quatrième, alors que l'année suivante l'un des trois Nieuport engagés s'adjuge la troisième place.
Hélas ! après la guerre, les NiD-29 SHV, version à surface réduite et à flotteurs du chasseur de 1918, ne peuvent participer ni à la Coupe ni en 1920 ni en 1921, par suite d'avaries aux flotteurs. Au printemps 1928, le ministère de la Marine commande aux firmes Bernard et Nieuport-Astra des cellules de vitesse destinées à recevoir des moteurs de 1000 à 2 000 ch, alors en étude. Deux NiD-450, dessinés par l'ingénieur Pillon, sont construits en 1929.
Ils sont équipés de l'Hispano 18 R à 18 cylindres en W refroidi par liquide, mais la mise au point difficile de ce moteur ne permet pas aux cellules Nieuport de prendre part à la Coupe 1929. Le même sort est réservé aux NiD-650, qui, dotés de l'Hispano 18 R au lieu du Lorraine Radium prévu, ne participeront pas aux épreuves de 1931, pour lesquelles ils ont été prévus, la Coupe, remportée par le Supermarine S6B, restant la propriété de la Grande-Bretagne.
Quelques avions civils
En fait, c'est surtout à des appareils militaires que se rattache le sigle NiD. En effet, les avions de transport Nieuport n'ont laissé que peu de souvenirs et n'ont jamais atteint le nombre des Farman, ni la réputation des Dewoitine.
|
Bien que commandé par l'Aéronautique militaire française, le Nieuport 28 prit part à la Première Guerre mondiale aux main des pilotes de l'American Expeditionary Force. Au lendemain du conflit, quelques exemplaires furent. pris en compte par la Compagnie transaérienne qui les utilisa pour le transport des passagers et du courrier sur la ligne Paris-Londres, On voit ici l'un de ces appareils, munis intérieurement de ballonnets gonflables pour parer à un éventuel amerrissage forcé
|
Pourtant, dès 1919, l'ingénieur Pillon étudie à l'intention de la CGT (Compagnie générale transaérienne, filiale du groupe Nieuport), le NiD-30 TI. Ce grand biplan à fuselage en bois emmène quatre passagers en cabine, grâce à un moteur Sunbeam Matabele de 350 ch. Le premier exemplaire est mis en service au début de 1920 sur la ligne Paris-Londres de la CGT.
Six autres sont construits, qui permettent bientôt d'assurer un service quotidien au-dessus de la Manche. Le NiD-30 T2, extrapolation du précédent dotée d'un moteur Darracq 12 A de 420 ch, n'est pas retenu, bien qu'ayant fait preuve de performances fort honnêtes au Grand Prix de l'Aéro-Club de France en 1922.
Vingt NiD-391, monoplans triplaces de transport léger propulsés par un Armstrong Siddeley Lynx IVc de 200 ch, sont utilisés par la Compagnie aérienne française (CAF) pour le travail aérien, le transport sanitaire et la photographie aérienne.
Plus intéressant, le NiD-641, équipé d'un Lorraine Mizar 7 Mb de 240 ch et produit à treize exemplaires entre 1929 et 1931, participe à de nombreux concours et rallyes aériens, mais c'est surtout le F-AJ RE Icare II, avion personnel de Suzanne Deutsch de la Meurthe, qui popularise ce type. Le prototype F-AJDA défraie pourtant la chronique du temps lorsqu'il disparaît dans le désert de Libye avec son équipage (Lasalle, Reybart et Faltot) au cours d'une tentative de liaison postale Paris-Saigon en décembre 1929. Le trimoteur postal de nuit NiD-740, construit à deux exemplaires en 1931, ne sera pas plus utilisé que les autres concurrents de ce programme mort-né.
Le développement de l'empire colonial français suscite, en 1931, l'émission de deux programmes d'avions dits « coloniaux », spécialement étudiés pour être utilisés outre-mer. Le trimoteur NiD-590, propulsé par trois Lorraine Algol 9 Na de 300 ch, comporte un véritable balcon, situé à la moitié du fuselage, devant assurer à l'observateur-mitrailleur un angle de tir quasi vertical. Le monomoteur 690, intrapolation du précédent, équipé du même moteur Lorraine, s'avère trop lourd et pas assez puissant aux essais. Ces deux appareils subissent rapidement le sort du programme qui les a suscités : ils disparaissent vers 1934 sans laisser de traces !
Un intéressant appareil de tourisme, l'aile volante NiD-941, dotée d'un Lorraine 5 Pc, surprend énormément le public lors du XIIIe Salon de l'aéronautique, en 1932, mais, bien que remotorisé en 1935, il ne connaît aucune suite.
Le Stuka français
Au début des années trente, malgré les résultats encourageants obtenus à l'étranger lors des essais de bombardement en piqué d'objectifs fixes ou mobiles, l'armée de l'Air ne semble pas particulièrement intéressée par cette spécialité, qu'aucun programme technique officiel n'a, jusque-là, proposé aux avionneurs français.
A la suite des timides essais menés à cette époque, à titre privé, par la firme GourdouLeseurre, l'ingénieur Pillon commence, en 1932, chez Nieuport, l'étude d'un biplace destiné à l'« attaque en piqué à la bombe d'objectifs maritimes ». Construit à Issy-les-Moulineaux en 1934, le Ni-140 se présente comme un monomoteur d'apparence assez lourde, pourvu d'une voilure basse en W aplati de 14 m d'envergure, qui porte aux brisures de chaque aile un important carénage abritant un demi-train d'atterrissage fixe, ainsi que l'un des radiateurs du moteur.
Cet imposant appareil, pesant 2,5 t à vide, est entièrement construit en métal, sauf le revêtement des ailes externes, qui est en toile enduite. Le moteur, un Hispano 12 Xbrs à 12 cylindres en V refroidi par liquide de 690 ch, entraîne une hélice bipale en bois à pas fixe.
Destiné à être embarqué, l'avion est doté d'une voilure qui se replie partiellement vers l'arrière, limitant sa largeur à 4,50 m pour faciliter son passage dans les ascenseurs de pont et son garage dans les hangars des porte-avions. Des volets hypersustentateurs occupent la moitié de l'envergure, donnant à l'appareil une vitesse d'atterrissage raisonnable, alors qu'un crochet métallique escamotable permet l'accrochage des brins d'arrêt lors de l'appontage.
Pour assurer sa flottabilité en cas de chute en mer, des ballonnets gonflables automatiquement au gaz carbonique sont logés dans la voilure et le fuselage. Les deux membres de l'équipage (pilote et radio-mitrailleur), installés sous une longue verrière transparente à panneaux mobiles, jouissent d'une excellente visibilité pour le combat et le vol de groupe; une trappe inférieure, percée dans le plancher du fuselage et munie d'un système optique, permet au pilote de viser l'objectif lors des attaques en piqué.
L'armement défensif prévu comporte une mitrailleuse arrière de 7,7 mm, servie par le radio, deux armes de même calibre logées dans les plans centraux et un canon de 20 mm tirant à travers le moyeu de l'hélice. Le NiD-140 peut emporter, accrochée sous le fuselage, une bombe de 200 kg montée sur un dispositif à fourche qui l'écarte du champ de l'hélice lors du largage en piqué. Deux petits mâts profilés reliant le longeron arrière de la voilure au sommet du fuselage s'ouvrent chacun en deux coquilles, sur commande du pilote, et stabilisent la vitesse de piqué par freinage aérodynamique.
Le 13 mars 1935, le prototype effectue son premier vol, à Villacoublay, aux mains de René Paulhan. A la fin des essais constructeur, au cours desquels il a atteint340 km/h à 3 000 m, il est convoyé à la base aéronavale de Fréjus - Saint-Raphaël, où doivent se dérouler les essais opérationnels.
Alors qu'il effectue une démonstration d'attaque en piqué devant la commission de contrôle du STAé le 8 juillet, Paulhan, qui descend presque à la verticale de 5 000 m d'altitude, redresse progressivement sa trajectoire à 1 000 m, quand une défaillance du moteur interrompt la ressource et provoque la chute de l'avion en mer !
Le pilote est recueilli assez sérieusement blessé, mais l'avion coule à pic. Un second prototype décolle à Villacoublay à la fin du mois de novembre 1935, piloté par Paulhan, tout juste rétabli; il comporte quelques modifications à l'empennage et à l'atterrisseur.
Le 5 mai 1936, alors qu'il termine ses essais à Saint-Raphaël, son empennage s'étant rompu au cours d'un piqué à 400 km, l'avion s'abîme en mer, entraînant dans la mort le jeune pilote d'essai Jean Decaux. Tout développement est alors interrompu et le potentiel d'études, transféré sur un monoplace portant l'étiquette Loire-Nieuport (LN-40).
|
Dessiné par l'ingénieur Mary et doté d'un moteur Hispano-Suiza 8 Fb de 300 ch, le Nieuport 29 était l'un des chasseurs les plus rapides de l'immédiat après-guerre. Commandé en série à partir de 1920, il fut produit à 250 exemplaires, qui équipèrent, jusqu'en 1929, vingt-cinq escadrilles françaises. Le Nie-29 connut également un grand succès à l'exportation et fut construit sous licence par plusieurs pays étrangers
|
L'affaire du Nieuport 140 aura des conséquences inattendues pour l'ingénieur Pillon, qui, en 1941, se verra accusé d'espionnage par les autorités allemandes pour avoir prétendument copié le Junkers 87 « Stuka », dont le prototype n'avait pourtant volé que plusieurs mois après le bombardier en piqué Nieuport!
Le dernier chasseur Nieuport
En août 1933, lorsque les Ateliers et Chantiers de la Loire absorbent Nieuport-Astra, les deux bureaux d'études coexistent et poursuivent chacun ses propres projets. C'est ainsi que l'ingénieur Mary conçoit, pour répondre au programme C.1 de 1934, un monoplace entièrement métallique à aile basse et atterrisseur complètement escamotable : le Nieuport 160.
Ce chasseur présente déjà toutes les caractéristiques des plus modernes avions d'arme, y compris la canopée en goutte d'eau offrant au pilote une visibilité totale sous tous les angles. Le prototype, équipé d'un moteur-canon Hispano-Suiza 12 Xcrs de 690 ch, décolle pour la première fois aux mains de Sadi-Lecointe le 5 octobre 1935. A la suite d'une importante modification de voilure, l'appareil prend l'appellation Ni-161 et reçoit un Hispano 12 Ycrs de 860 ch et une hélice tripale à pas variable (grand pas-petit pas).
Hélas ! il accumule les retards au cours de ses essais et, bien qu'il atteigne 478 km/h à 4 000 m, c'est le MS-405 qui remporte le marché à cause de sa facilité de construction et de son faible prix de revient. Mais, du fait des bouleversements consécutifs aux nationalisations, les équipes des ingénieurs Pillon et Mary se retrouvent plus ou moins dispersées au sein de la SNCAO, dont aucune réalisation ne portera plus le prestigieux nom de Nieuport.
|