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Normandie-Niemen

 

NORMANDIE-NIEMEN

Aux côtés des Soviétiques, une poignée de Français combattit du front de l'Oural à la Prusse-Orientale, au sein de l'unité la plus victorieuse de l'armée de l'Air

C'est le 16 janvier 1942 que le général de Gaulle émit le souhait de voir une unité de chasse française combattre sur le front germano-russe et en fit part au général Petit, chef de la mission militaire française à Moscou. Cette préoccupation s'inscrivait dans le contexte plus large de l'envoi sur le théâtre d'opérations de l'Est d'une division complète des Forces françaises libres.

Mais cette dernière idée s'était heurtée au refus obstiné des Britanniques. II ne restait donc plus aux dirigeants de la France libre qu'à se raccrocher à l'espoir de pouvoir un jour faire partir vers l'Union soviétique au moins l'équivalent d'un groupe de chasse. Telles furent les origines du régiment de chasse « Normandie-Niemen », qui, par le nombre de ses succès et la notoriété de ses pilotes, devint la plus célèbre formation de l'armée de l'Air reconstituée après 1942.

Un chemin semé d'obstacles

Dès le début de février 1942, l'attaché militaire soviétique en Grande-Bretagne fut informé des intentions du général de Gaulle, et, le 25 du même mois, l'étatmajor des Forces aériennes françaises libres (FAFL) adressa à la mission militaire soviétique à Londres un projet portant sur l'organisation de cette fameuse unité de chasse et une liste de son personnel. Cette unité reçut la dénomination provisoire de groupe de chasse n° 3.

Avant même la fin du mois de mars, les Soviétiques informèrent le général Valin, commandant des forces aériennes de la France libre, que les autorités de Moscou avaient accueilli favorablement l'initiative française et en étudiaient avec attention les modalités pratiques.

Tout paraissait donc bien se dérouler, et il semblait à l'époque que rien ne pouvait venir contrarier les desseins des Français libres.

Mais la complexité des institutions de la France libre fut à l'origine d'interminables négociations.

Des conversations eurent lieu à la fois à Londres, avec la mission militaire soviétique, à Kouïbychev, avec le commissariat du peuple aux Affaires étrangères, et à Moscou, avec le commissariat du peuple à la Défense.

L'insuffisance de liaisons entre ces divers organismes retarda d'une manière considérable la mise au point d'un accord définitif.

Créé au terme de négociations laborieuses avec les Soviétiques et les Britanniques le groupe de chasse n° 3, qui devait prendre le nom de n Normandie », vit le jour sur la base de Rayak (Liban) le 1er septembre 1942 et partit pour l'Union soviétique, via l'Iran, le 12 octobre suivant. L'unité était alors sous les ordres du commandant Pouliquen; rappelé en Grande-Bretagne, celui-ci tut remplacé le 22 février 1943 par le commandant Tulasne, ici au milieu de ses pilotes

D'un autre côté, bien qu'à l'origine ils eussent été d'accord sur le principe, les Britanniques revinrent très vite sur leur décision et exercèrent, à partir du mois d'avril 1942, de très vives pressions sur les Français libres dans le but de les faire renoncer à leur projet. Convoqué chez le secrétaire d'État à la Guerre du gouvernement Winston Churchill, Sir Archibald Sinclair, le général Valin s'entendit signifier que toute persistance française sur ce sujet entraînerait la disparition pure et simple des FAFL.

D'autres difficultés vinrent de Moscou. Les Soviétiques ne donnèrent en effet aucune réponse concernant la composition et l'organisation du futur groupe de chasse « Normandie ». En un mot, la confusion était totale. Elle l'était tellement que l'état-major français, lassé, envisagea d'abandonner l'affaire. Mais le général de Gaulle refusait d'envisager une telle éventualité. Il ne se trompait d'ailleurs pas... Vers la fin du mois de juin 1942, les Soviétiques approuvèrent enfin les propositions de la France libre.

Le 10 juillet suivant, le général Valin reçut l'ordre de constituer le groupe de chasse n° 3 à partir d'éléments prélevés en Grande-Bretagne, dans les territoires d'outre-mer sous contrôle des Français libres et dans les États du Levant (Syrie et Liban). Début septembre, les Français de Londres envoyèrent auprès du général Petit, un officier, le capitaine Mirlesse, chargé de régler avec les aviateurs soviétiques les conditions d'emploi du groupe.

Au cours des négociations finales, les Français insistèrent avec force sur le caractère national que devait conserver le GC-3, tant au point de vue du commandement qu'à celui de la discipline intérieure. Enfin, après plusieurs entrevues avec les représentants des forces aériennes de l'armée rouge, le général Petit et le général Falalieiev signèrent, le 26 novembre 1942, à Moscou, un accord sur la création du groupe.

Mais, avant même cette conclusion heureuse, le général Valin s'était déjà mis à l'œuvre. Autour d'un noyau composé d'officiers du groupe de chasse n° 1 « Alsace » fut créé le groupe de chasse n° 3. Ces hommes étaient des Français libres de longue date. Il s'agissait du commandant Pouliquen, du commandant Tulasne et du capitaine Littolf. Le ter septembre 1942, le GC-3 vit le jour sur la base de Rayak, au Levant.

La liste des soixante-deux pilotes et spécialistes - les premiers arrivèrent début septembre - qui devaient en former l'ossature fut, en même temps, communiquée aux Soviétiques, lesquels donnèrent leur approbation. Un peu plus tard, le groupe adoptait la dénomination de « Normandie ». II était en effet d'usage, au sein des FAFL, de donner à chaque unité un nom de province française. Son insigne consista en « deux léopards sur fond de gueules ».

Les éléments précurseurs partirent pour Téhéran, le 12 octobre 1942, préparer le transit du groupe vers l'Union soviétique.

En attendant le 12 novembre, date fixée pour le départ, les aviateurs français occupèrent leurs loisirs avec des cours de langue russe.

C'est par Douglas DC-3 qu'ils furent acheminés jusqu'à Bagdad, d'où ils poursuivirent leur voyage par chemin de fer jusqu'à Téhéran.

Ils débarquèrent le 18 novembre dans la capitale de l'Iran, où devaient les prendre les quatre Li-2 soviétiques chargés de les convoyer jusqu'en Union soviétique.

Les avions promis se présentèrent sur l'aérodrome de Téhéran le 27 novembre, au lendemain même de la signature de l'accord de Moscou, et, le 2 décembre 1942, tout le groupe, hormis une quinzaine d'hommes restés en Iran, se retrouva sur la base d'entraînement d'Ivanovo.

C'est là, à 250 km au nord-est de Moscou, que les pilotes français devaient être initiés au maniement des appareils de chasse soviétiques.

le commandant Pouyade, qui prit la tête du groupe lorsque Tulasne trouva la mort en combat aérien, le 17 juillet 1943

Une meurtrière campagne d'été

Aussitôt installés, les Français commencèrent leur instruction sur des biplans d'entraînement de type Polikarpov U-2 puis, à partir du 18 décembre, sur des monoplans Yak-7 à double commande ou en solo. Les premiers avions de combat, des Yak-1, ne furent livrés à l'unité, et seulement à six exemplaires, que le 19 janvier 1943.

Équipé d'un moteur de 1 050 ch et armé d'un canon de 20 mm dans l'axe de l'hélice et de deux mitrailleuses de voilure, le Yak-1 enchanta les aviateurs français au sortir des Dewoitine D.520 ou des Curtiss H-75 fatigués. Quatre nouveaux appareils arrivèrent quelques jours après, avec lesquels ils purent parfaire leur adaptation. Les mauvaises conditions climatiques provoquèrent plusieurs accidents, mais seul un Yak-1 fut totalement détruit pendant cette période.

Le 22 février 1943, le commandant Pouliquen céda le commandement du « Normandie » au commandant Tulasne et partit pour Moscou en attendant son transfert en Grande-Bretagne, où il était appelé à d'autres fonctions. Le 14 mars suivant, l'entraînement put être considéré comme terminé; six jours plus tard, le général Petit et le général soviétique Levandovitch jugèrent, après une inspection, que le groupe de chasse français était prêt à entrer en opérations.

Le 22 mars 1943, treize des quatorze Yak-1 du « Normandie » s'envolèrent pour une base proche du front. Ils se posèrent sur le terrain de Monkounino, à 20 km au nord de Kalouga. La première sortie de guerre eut lieu quatre jours après. Le 5 avril, deux patrouilles doubles escortaient des bombardiers Petlyakov Pe-2 dans la région de Smolensk quand elles furent assaillies par deux Focke-Wulf Fw-190. Le lieutenant Preziozi en détruisit un, tandis que son ailier, Durand, s'en octroyait un second. Si ce dernier Focke-Wulf fut considéré comme probable, il n'en reste pas moins que le « Normandie » venait de remporter ses premières victoires sur le front russe.

Toutefois, une semaine plus tard, le 13 avril, ce furent les premiers deuils... Trois patrouilles doubles en mission de chasse libre se mesurèrent à huit Focke-Wulf Fw-190.A et en abattirent trois. Mais les lieutenants Derville et Poznanski et l'aspirant Bizien furent portés manquants. Le premier avait servi au groupe « Alsace » en 1942 et comptait déjà trente-cinq missions de guerre.

Photo de mr Chemineau (juin juillet 1945)

Le 16 avril, l'unité quitta Polotniani pour faire mouvement sur son nouveau terrain de Molzalsk. Les engagements succédèrent alors aux engagements et prirent rapidement un aspect meurtrier. Le 3 mai, un Bf-109 s'écrasait au sol. Deux jours auparavant, le capitaine Littolf, ayant coupé à un Henschel Hs-126 le chemin de sa base, le détruisit, et, le 12 juin, les sous-lieutenants Lefèvre et de La Poype incendièrent un bimoteur Fw-189.

Le 19 juin, le « Normandie » eut les honneurs du communiqué officiel soviétique. Entretemps, des renforts avaient été expédiés à Ivanovo six nouveaux pilotes sous les ordres du capitaine Pouyade, futur commandant du groupe après la disparition en combat du commandant Tulasne. Le 9 juillet 1943, cinq officiers français reçurent l'Ordre de la guerre pour la patrie : le commandant Tulasne, le capitaine Littolf, les sous-lieutenants Durand, Lefèvre et Duprat. Le « Normandie » commençait à être connu dans l'armée rouge, et il apparaissait que les aviateurs français avaient joué à merveille l'un des rôles pour lesquels ils avaient été envoyés en Union soviétique : être les ambassadeurs de la France libre.

Renforcé par quelques Yak-9 le 5 juillet, le « Normandie » fut jeté dans l'immense bataille qui se livrait autour du saillant d'Orel à la suite de l'offensive allemande contre Koursk. Rien que pour la journée du 12 juillet, quatorze missions de protection lui furent réclamées. Le lendemain, trois Bf-110 furent abattus et encore un Fw-190.A le 14 juillet.

Ces succès furent payés par la mort d'un officier de grande valeur, le lieutenant De Tedesco. Le sous-lieutenant Albert rapporta que le Yak de ce dernier piquait vers le sol en traînant derrière lui un long panache de fumée. Le 16 juillet fut marqué par un nombre important de succès. Dès les premières heures de la matinée, le capitaine Littolf mitrailla un Bf-110 qui fut obligé de se poser sur le ventre, pendant que le sous-lieutenant Castelain s'appliquait à régler le sort d'un second.

A 14 heures, une patrouille de huit Yak, avec le commandant Tulasne à sa tête, affronta plusieurs formations de Fw-190 qui tentèrent de lui barrer le chemin au moment où elle prenait à partie des Ju-87.

Si trois appareils allemands furent crédités aux pilotes français, ce fut au prix de la perte de trois des leurs, le capitaine Littolf, (14 victoires et 218 missions de guerre), le sous-lieutenant Castelain (7 victoires homologuées) et le sous-lieutenant Bernavon (4 victoires Ares et 2 probables).

Un malheur supplémentaire vint frapper le « Normandie » le 17 juillet : la mort du commandant Tulasne.

en bas, un Yak-3 en vol. Considéré comme le meilleur chasseur soviétique de la Seconde Guerre mondiale, cet avion n'équipait que les unités d'élite de l'armée rouge. A partir du 20 août 1944, le n Normandie u en reçut une trentaine d'exemplaires, avec lesquels ses pilotes remportèrent de nombreuses victoires

Ce jour-là, les Yak avaient une première fois quitté eur terrain pour fournir une escorte à trente-six Pe-2 chargés d'attaquer la gare de Bielga-Berega sur la voie 'errée Briansk-Orel. La sortie avait été un succès; tous les bombardiers placés sous la protection des pilotes français étaient rentrés à leur base. Une Deuxième fois, les Yak repartirent pour couvrir des troupes dans la région de lagodnaia-Krasnikovo.

Les quelques Fw-190 qui tentèrent de s'interposer furent vite repoussés ou abattus - le sous-lieutenant Albert s'en adjugea un. Une troisième, puis une quatrième patrouille furent alors organisées. C'est au cours de a dernière, composée de neuf Yak, que le commanJant Tulasne disparut. Des Focke-Wulf 190 fondirent sur les Français, et le commandant Pouyade vit l'avion Je Tulasne grimper dans le soleil pour ne plus repa-aître. L'aspirant Vermeil fut lui aussi tué dans ces combats. Pouyade remplaça alors Tulasne à la tête Ju groupe, qui, en quelques jours de bataille, avait -emporté dix-sept victoires mais perdu six pilotes.

Peu après avoir fêté sa trentième victoire, le « Nornandie » fut, sur décision du haut commandement soviétique, envoyé au repos. Sur les trente-six pilotes qui le composaient en mars 1943, vingt avaient été tués ou étaient portés disparus et un autre avait été Blessé. Retirée de la ligne de feu, la formation fran;aise commença à prendre en compte le chasseur Yak-9 Joté d'un moteur de 1 300 ch et d'un canon de 20 mm auquel s'adjoignaient deux mitrailleuses lourdes.

Comme les mécaniciens français n'étaient pas le moins lu monde préparés à l'entretien d'un tel appareil, il fallut les remplacer par des spécialistes soviétiques. Après l'arrivée des Yak-9, le « Normandie » reçut six nouveaux pilotes, ce qui porta son effectif à vingt et un hommes, dont dix-huit prêts à combattre.

Les Français s'installèrent sur le terrain de Gorodichina le 18 août pour, bientôt, participer à l'offensive menée par les troupes soviétiques dans la boucle d'lelna. Du 20 au 25, furent accomplies 111 missions de guerre. Le 30 août, trois Ju-87 et deux Fw-190.A furent abattus, mais, le 1 er septembre, le sous-lieutenant Durand, titulaire de onze victoires, fut porté manquant. Moins d'une semaine après se terminait la bataille d'lelna, ce qui permit aux pilotes français de goûter quelques jours de détente.

A ce moment, le rythme des opérations s'accéléra, et le groupe fut engagé dans des missions préludant à une grande attaque en direction de Smolensk. Le 22 septembre, les Yak-9 rencontrèrent trois formations de Ju-87 escortés par une douzaine de Fw-190. Risso tira l'un des bombardiers qui, en voulant se dégager, arracha l'aile d'un de ses équipiers. Les bombes qu'ils transportaient explosèrent et les deux avions se désagrégèrent. Pour les membres du « Normandie », ce fut un jour faste qui se termina sur un score de neuf victoires sûres, deux probables et deux appareils endommagés.

Ces résultats furent obtenus sans aucune perte du côté français. Le 4 octobre, après dix-huit sorties, la campagne d'été prit fin pour le groupe de chasse, qui s'installa sur le terrain de Sloboda. Depuis le mois d'avril, les Français avaient détruit soixante-douze avions allemands plus neuf probables), mais au prix de vingt et un pilotes disparus et de quatre autres blessés. 11 était d'ailleurs temps de retirer le « Normandie » des opérations actives, car les aviateurs français se trouvaient à bout de résistance physique et nerveuse.

le lieutenant Roger Sauvage, qui figure, avec plusieurs de ses camarades du Normandie , parmi les quinze premiers as français du second conflit mondial

Le régiment « Normandie-Niemen »

Satisfaits des résultats obtenus par le groupe de chasse « Normandie » lors de ses premiers engagements, les Soviétiques avaient, dès le mois d'avril 1943, exprimé le souhait de voir créer une autre unité française qui constituerait avec une formation correspondante de l'armée rouge un régiment mixte d'aviation. Trois mois après, ils avaient accepté la transformation du « Normandie » en régiment. Il avait même été question de mettre sur pied un deuxième régiment de chasse et un autre de bombardement destinés à donner naissance à une division aérienne dite « France ».

Entre-temps, le « Normandie » avait reçu de nouveaux pilotes, dont quelques-uns possédaient une qualification insuffisante et qui durent être renvoyés en Grande-Bretagne ou au Levant. Ces faits impressionnèrent défavorablement les Soviétiques. Ils reprochèrent aux Français de ne donner aucune réponse claire quant à la création éventuelle d'un nouveau régiment de chasse, mais aussi d'éprouver de grandes difficultés pour maintenir le groupe « Normandie » à son niveau initial.

En outre, le plan de réarmement qui liait Français et Américains entraînait l'opposition de ces derniers à tout envoi de personnel entraîné en Union soviétique. Enfin, la réorganisation politique et militaire de la France combattante et la fusion des Forces aériennes françaises libres avec l'armée de l'Air d'Afrique du Nord, début juillet 1943, provoquèrent certains flottements au sein du groupe. En dépit des divergences, le « Normandie » prit officiellement la dénomination de régiment de chasse le ler janvier 1944. Les effectifs de cette formation, forte de quatre escadrilles, devaient être portés à quarante-deux avions de combat plus un appareil de liaison.

Renforcé de décembre 1943 à mai 1944 par cinquante-deux volontaires, le « Normandie » comprit d'abord trois escadrilles. Le lieutenant-colonel Pouyade avait sous ses ordres le lieutenant Albert, commandant la 1 re escadrille (« Rouen »), le lieutenant Mourier dirigeant la 2e (« Le Havre ») et le lieutenant Lefèvre à la tête de la 3e (« Cherbourg »). La 4e escadrille (« Caen ») fut mise sur pied en avril 1944 (capitaine Challe).

Quant au matériel, il fut progressivement recomplété. Le 6 février 1944, le régiment reçut onze Yak-9 à canon de 37 mm et en prit en compte huit autres du même type, le 28 du même mois, plus vingt à moteur-canon de 20 mm, le 10 avril. Quand il entra en action, au mois de juin, il possédait cinquante et un avions de guerre, deux d'entraînement, deux à double commande et deux de liaison.

A partir du mois de janvier 1944, les pilotes français avaient repris l'entraînement sur Yak-7. Le 30 mars, l'un d'entre eux, Monnier, connut une aventure peu ordinaire. Au cours d'un vol de routine, son avion fut affecté par une brusque panne d'alimentation et se présenta train rentré au-dessus du terrain.

Mais, en bordure de piste, le Yak heurta des arbres et décrocha. Une aile toucha le sol tandis que le moteur se détachait et rebondissait à une vingtaine de mètres. L'appareil, au bout du compte, se désagrégea. Tous ceux qui avaient assisté au drame se précipitèrent, pensant trouver Monnier mort. Ce dernier était bien vivant et s'était sorti de son Yak sans une égratignure.

l'arrivée du  Normandie-Niemen  à Posen en juin 1945 (on reconnait, en tête, André et Sauvage); quelques jours plus tard, ses appareils se posaient sur les pistes du Bourget

Le 25 mai 1944, le « Normandie » apprit l'imminence de son départ pour Doubrovka, en même temps que son intégration dans la 303e division de chasse de la 1re armée aérienne. Cette armée était chargée d'appuyer l'action du 3e front de Biélorussie, placé sous le commandement du général Tcherniakowsky, au cours de la grande offensive d'été soviétique. Le 28 mai, peu avant le début des opérations, le chef de la 3e escadrille, le lieutenant Lefèvre, l'un des anciens de l'unité, dut se poser en catastrophe;

son appareil, imbibé de vapeurs d'essence, s'enflamma. Lefèvre, aux onze victoires sûres et trois probables, fut évacué, mais s'éteignit à l'aube du 6 juin 1944, et fut remplacé par le capitaine Matras, qui s'était évadé des prisons espagnoles au début de 1943. Il ne restait alors que six survivants d'Ivanovo. Le 8 juin, l'aspirant Challe abattit par erreur un Yak-9 du 18e régiment de la Garde qui venait vers lui dans le soleil. Cette terrible méprise coûta la vie à un pilote soviétique.

Les sept premières victoires de la nouvelle campagne d'été furent obtenues lors des 73 missions du 26 juin, plusieurs jours après le début des opérations sur le secteur central du front de l'Est. Le 15 juillet, alors que le régiment stationnait en Lituanie, à Mikountani, un nouveau drame vint le frapper.

Le lieutenant de Seynes trouva la mort en même temps que son mécanicien qu'il transportait dans le coffre de son appareil. Intoxiqué par les vapeurs consécutives à une fuite d'essence, il avait refusé de sauter et de laisser le mécanicien russe, qui ne possédait pas de parachute, seul à bord et sans aucune chance de s'en tirer.

Après quelques jours de repos, le « Normandie » fut engagé, du 28 juillet au 5 août 1944, dans la bataille livrée pour le franchissement du Niemen. La seule opposition aérienne avec laquelle les pilotes français eurent à compter fut celle de quelques Fw-190 d'assaut qui refusaient en général le combat et prenaient la fuite aussitôt que des Yak apparaissaient. Le 12 août, le régiment rendit ses Yak-9 et perçut, après quelques jours d'attente, des Yak-3. Le Yak-3 fut probablement le meilleur appareil de chasse d'armée.

Maniable, rapide et bon grimpeur, il n'était en dotation, à cette époque, que dans les unités d'élite de l'armée rouge. Les pilotes du « Normandie » se considérèrent comme privilégiés quand ils prirent en compte vingt de ces avions le 20 août, et une dizaine d'autres un mois plus tard. Jusqu'au 10 octobre, le régiment eut pour mission d'interdire l'espace aérien entre le Niemen et la voie Istenburg-Kaunas. A un moment, les sorties furent même supprimées par suite du manque de carburant.

Le 16 octobre débuta l'offensive contre la PrusseOrientale; ce jour-là, le « Normandie » accomplit cent missions sans perte, et son palmarès s'accrut de 29 appareils ennemis sûrs, un probable et deux endommagés. Le 20 octobre, Marcel Albert signait la deux-centième victoire de l'unité. Après avoir été citée à l'ordre du jour du maréchal Staline, le 23 octobre, l'unité française fut autorisée à ajouter le titre de régiment du Niemen à sa dénomination initiale. Ainsi naquit, le 28 novembre 1944, le régiment « NormandieNiemen ». En outre, les lieutenants Albert et de La Poype furent promus

Héros de l'Union soviétique. Dans le cours du même mois, le commandement du régiment était passé entre les mains du commandant Delfino. Après un séjour à Moscou, où son personnel fut passé en revue par le général de Gaulle, alors en voyage officiel en Union soviétique, le « NormandieNiemen » revint en Prusse-Orientale avec trois escadrilles, en vue d'une nouvelle offensive soviétique.

Celleci démarra le 13 janvier 1945, mais le brouillard qui régnait ce jour-là empêcha toute sortie. Le 14, l'amélioration des conditions atmosphériques permit de maintenir en l'air tous les avions disponibles. Le palmarès de cette journée - six victoires sûres, trois probables et un appareil endommagé - témoignait de l'activité des pilotes français. Au total, ils abattirent 49 avions adverses pendant le mois de janvier 1945 et en endommagèrent une quinzaine.

frappé de la croix de Lorraine, un Yak-3 du  Normandie

Pendant les mois de février et mars, le régiment appuya les troupes du 3e front de Biélorussie qui investirent la ville de Koenigsberg. Enfin, avec la prise de la ville et de la citadelle de Pillau, les opérations du « Normandie-Niemen » touchèrent à leur fin. Le 8 mai 1945, jour de la signature de la capitulation sans condition de l'Allemagne, il se trouvait en cours de transfert vers la base de Heiligenbeil, où il reçut quatorze nouveaux Yak-3.

Après un faux départ, le 23 mai, des Douglas DC-3 frappés de l'étoile rouge convoyèrent les pilotes français vers la capitale de l'Union soviétique, première étape du voyage de retour vers la France. Le 9 juin 1945, ceux-ci apprirent que Staline les autorisait à rejoindre leur terre natale avec les Yak qu'ils avaient menés au combat. Parti le 15 juin, le régiment tout entier transita par Posen et Prague pour venir, le 17 juin, se poser à Stuttgart, où l'accueillirent les unités de chasse 1/7, 2/7 et 1/3. Le 20 juin, après une courte escale à Saint-Dizier, les trente-sept Yak-3 du « Normandie-Niemen » roulaient sur les pistes du Bourget.

De mars 1943 à mai 1945, les pilotes français envoyés en Union soviétique avaient livré 869 combats aériens au cours de plus de cinq mille sorties. Ils avaient détruit 273 appareils ennemis, c'est-à-dire le score le plus élevé atteint par les groupes de chasse français pendant la Seconde Guerre mondiale.

En outre, les pilotes du régiment « Normandie-Niemen » figuraient en bonne place sur la liste des « as » français de cette période. Marcel Albert, avec ses vingt-quatre victoires, fut le deuxième « as » de France après Pierre Clostermann. Jacques André se classa en cinquième position, avec vingt victoires. Parmi les quinze premiers « as » français de la guerre de 1939-1945 se trouvaient de nombreux pilotes du « NormandieNiemen », dont Roger Sauvage, Louis Delfino, Roland de La Poype, Albert Littolf.

Mais les Français laissèrent en terre russe ou en Allemagne quarante-deux des leurs (trente-neuf morts en mission et trois autres en service aérien commandé). Cinq furent blessés et quatre faits prisonniers.

Maroc et Indochine

Quelques mois après son retour en France, le « Normandie-Niemen », toujours équipé de ses Yak-3, fut versé dans la défense aérienne du territoire. Une tentative de remplacement des appareils soviétiques par des Focke-Wulf 190 (NC-900) récupérés sur des chaînes de montage allemandes en France se solda par un échec. Les avions de la Luftwaffe souffraient en effet d'importants défauts au niveau des propulseurs, conséquence des sabotages effectués pendant la guerre, et les pilotes français appréciaient peu de devoir voler sur ce matériel qu'ils avaient combattu et qu'ils jugeaient au demeurant inférieur au Yak-3!

entourant le commandant Tulasne, quelques pilotes du prestigieux groupe de chasse français

Au mois de mai 1946, le « Normandie-Niemen » stationnait sur la base de Toussus-le-Noble et était désigné sous le numéro 3/5. Il partit ensuite pour le Maroc, après avoir laissé ses Yak à la base-école de Tours, et il fut rééquipé avec des Mosquito. Les pilotes s'entraînèrent sur des Mosquito T Mk-III pour ensuite voler sur Mosquito FB Mk-VI.

Entretemps, au mois de juillet 1947, le groupe avait reçu la dénomination de GC-2/6. Installé sur la base aérienne Max-Guedj à Salé, le GC-2/6 vit ses équipages dispersés lorsque les Mosquito furent interdits de vol à la suite de trop nombreux accidents. Les pilotes furent reconvertis sur P-47 Thunderbolt à Telergma.

Au milieu de l'année 1949, le groupe apprit son départ pour l'Extrême-Orient et, après un long voyage maritime, débarqua, en Indochine, au mois d'octobre suivant. II fut mis à la disposition du groupement tactique Sud, chargé des opérations aériennes audessus de la Cochinchine, le 20 novembre 1949. A ce moment, le GC-2/6 avait touché des Bell P-63 « Kingcobra » directement arrivés des États-Unis.

A partir de janvier 1950, le « Normandie-Niemen » effectua des centaines de missions de mitraillage, de bombardement, de tir de roquettes contre les colonnes viêt-minh ou les concentrations de troupes rebelles. II opéra au-dessus du Cambodge et de la plaine des Joncs en juillet 1950. Au mois de janvier 1951, il fut transformé sur Hellcat F-6F; il quitta le théâtre d'opérations d'Extrême-Orient en mai 1951.

Les pilotes du Normandie-Niemen  sont reçus en mai 1945 à Moscou, première étape de leur retour vers la France. On reconnait, au premier plan, le général Catroux, ambassadeur de France en U.R.S.S., et, debout (troisième à partir de la droite), le lieutenant-colonel Delfino, qui commandait l'unité à l'époque

En 1980, sous la dénomination d'escadron de chasse (EC) 2/30, le « Normandie-Niemen », équipé de Mirage F-1 et basé à Reims, perpétue les traditions de l'une des plus glorieuses unités de l'armée de l'Air.

 


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Fan d'avions © 16 Mai, 2001