BIPLANS DE HAUT VOL
Edmund Rumpler fut pendant la Première Guerre mondiale le spécialiste allemand de l'aviation de reconnaissance et de bombardement à haute altitude
Malgré une existence relativement brève, la firme Rumpler influença, grâce à la qualité de ses productions, toute une génération de constructeurs allemands.
C'est le 24 novembre 1908 qu'Edmund Rumpler, un ingénieur viennois de trente-six ans, jusqu'alors chef de production aux usines automobiles Adler, rendit publique sa décision de créer un bureau d'études et un atelier de constructions aéronautiques sur le terrain de Johannisthal, près de Berlin.
Il débuta son activité en fabriquant quelques exemplaires du planeur autrichien Etrich-Wels, puis acquit la licence de construction du fameux Etrich « Taube » (Colombe), dont il s'attacha à améliorer la formule. Ainsi naquit le 4C, un gracieux monoplan à empennage en éventail, dont la silhouette n'allait pas sans évoquer celle de l'oiseau auquel il devait son nom.

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Le Rumpler C-I fut l'un des premiers biplaces allemands en service sur le front de l'Ouest, mais aussi l'un des plus populaires. Cet exemplaire, contraint d'atterrir derrière les lignes alliées, est gardé par la troupe; il servira ultérieurement d'appareil d'évaluation
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Quand éclata la Première Guerre mondiale, l'Etrich « Taube » et ses dérivés représentaient plus de la moitié de la dotation en avions (elle en possédait 246 au total) de l'armée impériale, et leur action permit rapidement à l'état-major de prendre conscience des possibilités qu'offrait l'aviation. C'est ainsi que, à la fin du mois d'août 1914, la VIIIe armée allemande apprit, à la faveur d'une reconnaissance effectuée par un appareil de
la Fliegerabteilung 14, que les Russes avaient concentré des troupes près de Tannenberg, information qui eut des répercussions considérables sur la suite des opérations.
Le premier monoplan de Rumpler donna naissance à plusieurs dérivés, dont certains devaient avoir une carrière intéressante. Les modèles 4A 13, 4A 14 et 4A présentaient un empennage et un fuselage identiques à ceux du 4C, mais seul le dernier fut produit en série. Construit à partir de 1914 et mis en service par les militaires sous la désignation B-1, cet avion était un biplan biplace dont l'aile supérieure ( 13 m d'envergure) reprenait le
dessin harmonieux de la voilure du Taube, son aile inférieure (11 m) étant plus droite.

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Il était propulsé par un moteur Mercedes D-I de 100 ch, logé dans la partie avant du fuselage (8,38 m de longueur), qui lui donnait une vitesse maximale de l'ordre de 145 km/h. Destiné à la reconnaissance et à l'entraînement, le B-1 connut un grand succès, et, le volume des commandes ayant rapidement dépassé la capacité de production des établissements Rumpler, la licence de production en fut cédée à Pfalz
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en vol, un Rumpler B-1, avion de reconnaissance et d'entraînement avancé mis en service en 1914
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Suivit le Rumpler C-1, sorti en 1915. Également destiné à la reconnaissance, celui-ci bénéficiait de progrès importants. Alors que sur le B-I l'observateur était, curieusement, placé devant le pilote, sur le C-1 les deux postes étaient inversés, ce qui non seulement améliorait la visibilité de l'observateur, mais encore devait permettre d'armer l'appareil d'une mitrailleuse manuelle Parabellum orientable, à laquelle s'ajouta ensuite une
Spandau servie par le pilote.
D'abord équipé d'un moteur Mercedes D-111 de 160 ch, le C-1 reçut par la suite un Argus de 180 ch et prit alors la désignation C-la; une version d'entraînement, dépourvue d'armement et dotée de la double commande, vit également le jour en 1918.

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un Rumpler C-IV en cours de révision, aux côtés d'un Fokker D.11.
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En octobre 1916, deux cent cinquante exemplaires du C-1 étaient en unité. Très vite surclassés sur le front de l'Ouest, ils furent envoyés à partir de 1917 dans les Balkans et en Palestine, où, employés pour la reconnaissance à vue, ils rendirent d'appréciables services, notamment lors des combats qui se déroulèrent dans la région de Gaza. Construit sous licence par de nombreuses firmes allemandes, le C-1, qui volait à 152 km/h et pouvait
tenir l'air quatre heures d'affilée, était encore en service dans les premiers mois de 1918.
Une incursion dans le domaine des bombardiers

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En 1915, quand l'Allemagne décida de se doter d'une flotte de bombardiers de jour et de nuit, Rumpler se mit sur les rangs et, en collaboration avec AEG (Friedrichshafen) et Gotha, présenta toute une série de bimoteurs lourds, les types G.
Le G-1 (5A.15), triplace équipé de deux moteurs Benz de 150 ch entraînant des hélices propulsives et doté d'un poste de mitrailleur logé dans le nez, devint opérationnel à la fin de l'année 1915, mais ne fut engagé qu'épisodiquement jusqu'au mois d'août 1916.
Le G-11 (5A.16), présenté au milieu de cette même année, se distinguait de son prédécesseur par ses moteurs plus puissants (220 ch) et par un second poste de mitrailleur. Enfin, le G-111 (6G.2), ultime développement de la lignée, avait bénéficié d'améliorations aérodynamiques portant sur les nacelles-moteurs et présentait une ressemblance saisissante avec le Gotha G.IV.
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le C-IV équipé d'un moteur Mercedes de 260 ch fut engagé en opérations en 1917
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Bien qu'ils aient été engagés en première ligne, les types G ne brillèrent jamais par leurs qualités. En revanche, Rumpler devait se distinguer dans le domaine des avions de reconnaissance, tout d'abord avec le C-III, conçu en 1916 pour remplacer le C-1, désormais dépassé. Le bureau d'études s'attacha à dessiner un fuselage aux formes très pures, afin d'obtenir un rendement maximal du moteur Benz de 220 ch qui devait l'équiper. Celui-ci
fut par la suite remplacé par un Mercedes de 260 ch, ce qui donna naissance à la version C-IV. Armée de deux mitrailleuses, dont une servie par l'observateur, celle-ci fut construite à un grand nombre d'exemplaires et servit surtout pour les missions de reconnaissance lointaine, durant lesquelles les pilotes appréciaient la vitesse de l'avion (170 km/h) et surtout son plafond élevé (6 400 m), qui leur permettaient de se tenir hors de portée de la chasse adverse.

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un Rumpler C-VII capturé en France, en 1917, par le commandant d'Orjeix
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Les performances de cet appareil furent encore surclassées par celles du C-VII, né en 1917 du montage de l'excellent moteur Maybach de 240 ch (doté d'un compresseur) sur une cellule de C-IV. Le C-VII fut produit sous deux versions : le modèle standard de reconnaissance, équipé de la radio et armé de deux mitrailleuses, et la version de reconnaissance photographique, baptisée « Rubilt ». Atteignant 160 km/h à 6 000 m, le C-VII avait un plafond
de 7 200 m et resta sans rival jusqu'à la fin du conflit.
Ayant dû interrompre ses activités en vertu des clauses du traité de Versailles, Rumpler tenta de reconvertir son biplace de reconnaissance en appareil commercial. Il créa à cette fin la Rumpler Luftverkehrs, mais celle-ci fut très vite victime du marasme qui affecta l'économie allemande au lendemain de la guerre. Quant à Edmund Rumpler lui-même, il devait mourir à Berlin le 7 septembre 1940.
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