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Constructeurs  Junkers88

Constructeurs d'avions

 

 

 

Junkers Ju-88

 

 


SUR TOUS LES FRONTS

Destiné à l'origine au bombardement en piqué, le Junkers Ju-88 devint au fil de la guerre l'avion de combat « à tout faire » de la Luftwaffe.

Plus brillant que le Heinkel 111, auquel il succéda à partir de 1940, le Junkers Ju-88 fut l'un des appareils les plus remarquables de la Luftwaffe. L'un des plus construits il fut produit- à 15 000 exemplaires, il fut aussi l'un des plus polyvalents (sinon le plus) employé comme bombardier en piqué, chasseur de nuit, avion de reconnaissance et avion torpilleur, il finit la guerre comme bombe géante lancée par un chasseur Messerschmitt, avant de reprendre du service pour quelques années sous les cocardes françaises. Retracer ses activités pendant la guerre revient à décrire les opérations en Europe de 1939 à 1945, car il fut présent sur tous les fronts, de Londres à Stalingrad et de Mourmansk à Malte.

L'origine du Ju-88 remonte à 1935, date à laquelle fut établi le programme « Schnellbomber » (Bombardier rapide), dont les spécifications furent adressées à plusieurs constructeurs : Focke-Wulf, Henschel, Junkers et Messerschmitt (il faisait suite au Kampfzerstorer de 1934, qui n'avait pas abouti en raison de ses exigences contradictoires).

Équipé de deux moteurs Daimler-Benz DB-600.A, le Junkers Ju-88.V1 fut détruit dès les premiers essais en vol. C'est le Ju-88.V6, propulsé par deux Junkers Jumo 611, qui fut choisi comme prototype de définition de la série A.

Ce programme visait à la réalisation d'un bombardier très avancé pour l'époque. La vitesse et le rayon d'action l'emportaient sur toute autre considération. L'appareil devait avoir un équipage de trois hommes, emmener 800 kg de bombes et voler à la vitesse maximale de 500 km/h. L'armement de bord devait se limiter à une seule mitrailleuse, la grande vitesse étant considérée comme la meilleure défense. Dès le démarrage du programme, Focke-Wulf retira son projet, le Fw-57, dont la structure était trop lourde, laissant en concurrence Henschel, avec son Hs-127, Messerschmitt, avec son Bf-162 dérivé du Bf-110, et Junkers, avec un projet bidérive, le Ju-85, et un projet monodérive, le Ju-88.

Conçu par les ingénieurs Evers et Gassner (un Américain), l'appareil devait être construit selon les techniques américaines les plus modernes et avoir notamment un revêtement travaillant, ce qui apportait une amélioration sensible en matière de poids et de rigidité. Une des versions du projet bidérive, le Ju-85.B, présentait une silhouette particulièrement aérodynamique, avec une cabine très largement vitrée et galbée, offrant une visibilité exceptionnelle pour l'équipage. Mais, à cette conception hardie, le RLM préféra la solution plus classique du Ju-88, à pointe avant semi-vitrée et à empennage monodérive.

Un prototype fut commandé en mai 1936, et l'appareil, qui fut construit en six mois seulement, fit son premier vol le 21 décembre 1936 à Dessau aux mains du Flugkapitàn Kindermann. Le Ju-88.V1, aux lignes particulièrement équilibrées, possédait une aile basse, sur laquelle étaient montés des moteurs DaimlerBenz DB-600.A développant 1 000 ch au décollage et refroidis par liquide (leurs radiateurs disposés de façon annulaire donnaient l'impression qu'ils étaient refroidis par air).

La cabine, conçue pour trois hommes, était largement vitrée sur la partie supérieure, la pointe avant étant, pour sa part, vitrée dans sa partie inférieure. Les essais furent rapidement interrompus par un accident qui détruisit l'appareil; ils reprirent le 10 avril 1937 avec le deuxième prototype, pratiquement identique au V 1 . Le V2 fut rejoint le 13 septembre par le V3, équipé de Jumo 211.A, dont les radiateurs étaient disposés de la même manière que sur les DB-600, mais qui donnaient 65 ch de plus à 4 500 m d'altitude.

Il présenta aux essais des performances brillantes, très supérieures à celles de ses concurrents, atteignant une vitesse maximale de 512 km/h (contre 462 km/h pour le V2). Ces résultats convainquirent le RLM de miser sur le Ju-88, dont trois prototypes supplémentaires furent commandés. La décision de lancer l'appareil en série, déjà tacitement acquise, fut prise dans des conditions qui allaient donner au programme une orientation tout à fait différente.

Le « bombardier miracle » de la Luftwaffe

La guerre d'Espagne avait montré que la menace de la chasse adverse n'était pas à dédaigner. Par ailleurs, l'imprécision des viseurs des bombardiers allemands avait conduit l'état-major à s'orienter vers le bombardement en piqué, méthode prônée depuis plusieurs années par l'Oberst Ernst Udet, qui allait devenir le chef du Technisches Amt. La construction du Ju-87 Stuka avait été l'illustration la plus spectaculaire de cette nouvelle politique, et, en décembre 1936, il fut décidé que tous les nouveaux avions de combat devraient être conçus pour le bombardement en piqué.

C'est dans ces conditions que le Ju-88 allait se transformer en avion de combat en piqué, avec un armement défensif et un blindage sans cesse renforcés, au détriment de ses performances, qu'il faudrait sans cesse « revigorer » en augmentant la puissance des moteurs. Cette évolution du programme transparut dans le prototype V4, qui vola le 2 février 1938, et dont toute la partie avant du fuselage avait été transformée : cabine agrandie, pour accueillir un quatrième homme d'équipage; nez entièrement vitré avec surfaces à facettes; carénage plaqué sous l'avant du fuselage et recevant un mitrailleur couché pour la défense inférieure arrière. Quant à la structure, elle était renforcée à la liaison aile-fuselage, pour permettre à l'appareil de résister aux efforts dus au vol en piqué.

Ces modifications se soldèrent par une augmentation du poids de l'appareil, qui passa de 8,5 t pour le V1 à 10 t pour le V4 et s'accentua encore sur les prototypes suivants. Au V5, pratiquement identique au précédent, succédèrent le V6, avion de définition de la présérie, équipé du train d'atterrissage définitif à une seule jambe, puis le V7, qui vola le 27 septembre 1938, et dont l'armement fixe, installé dans le nez, était très renforcé. Il servit de prototype au Ju-88.0 Zerstôrer.

à gauche, un Ju-88.D-5 équipé de deux réservoirs supplémentaires largables. Dérivé du Ju-88.A-5, le type 88.D fut employé comme avion de reconnaissance photographique rapide. A droite, un Ju-88.A-14 du 1/KG-77, opérant depuis la Sicile contre les convois de ravitaillement alliés en Méditerranée à la fin de l'année 1942.

Les V8, V9 et V10 furent chargés d'expérimenter les équipements de bombardement en piqué, à savoir les freins à persiennes du type Ju-87 (montés sur le V8 et sur le V9) et les lance-bombes extérieurs, plaqués sous l'aile interne (installés sur le V10).

Tandis que le Ju-88 prenait ainsi sa nouvelle configuration, l'OKL décida de faire connaître de façon retentissante le nouveau bombardier et de fournir des performances susceptibles de dissuader la France et la Grande-Bretagne de s'attaquer au Reich. Le V5, choisi pour réaliser ce projet, fut donc modifié en vue de battre les derniers records internationaux. Après l'adoption d'un nez plus aérodynamique et non vitré, et d'un cockpit abaissé, ainsi que la suppression du carénage inférieur et de l'armement, le V5, équipé de moteurs Jumo 211.B de 1 200 ch, réussit, le 19 mars 1939, à atteindre 517 km/h sur 1 000 km en circuit fermé avec charge de 2 t, et ce, aux mains de Siebert et de Heintz.

A l'époque, la décision de lancer la production en série du nouvel appareil était déjà prise depuis près de six mois, et Goering avait ordonné à l'ingénieur Koppenberg, directeur des usines Junkers, de construire une « puissante flotte » de Ju-88 à la cadence de 250 avions par mois. La mise en route de la présérie avait aussitôt commencé, et les dix appareils, dénommés Ju-88.A-0, sortis d'usine: au début de 1939 furent aussitôt envoyés au centre d'essais de Rechlin. Parallèlement, la construction en série était lancée par Junkers.

Après que l'outillage eut été réalisé à l'usine de Schônebeck, la fabrication proprement dite débuta à Halberstadt (voilures), Leopoldshall (empennages) et Bernburg (assemblage et essais). Par la suite, plusieurs autres constructeurs (Arado, Heinkel, Henschel, Dornier et même Volkswagen) furent mis à contribution à titre de sous-traitants afin d'accélérer la production. Celle-ci fut assez faible au début, en raison des nombreuses modifications apportées à l'appareil au terme des essais de la présérie à Rechlin, si bien qu'au début de la guerre seule une quinzaine d'appareils était disponible, au lieu des quelques centaines prévues par l'OKL. En 1940, les sorties d'usine se mirent à augmenter notablement pour atteindre 170 à 200 unités par mois pendant les années suivantes.

Les premiers avions de série, les Ju-88.A-1, commencèrent à être livrés au cours de l'été 1939. Le A-1 se différenciait des appareils de présérie essentiellement par ses hélices tripales (celles des A-0 étant quadripales) qui furent d'ailleurs montées ultérieurement sur toutes les versions du Ju-88. Présentant un poids de 7,7 t à vide et de 10,3 t avec son chargement de bombes, il était équipé de deux Jumo 211. B-1 développant 1 200 ch. Les quatre hommes d'équipage, à l'étroit dans une salle commune disposaient de trois mitrailleuses MG-17 de 7,92 mm.

Deux soutes aménagées dans le fuselage recevaient les charges légères (vingt-huit bombes de 50 kg); quant aux bombes lourdes (quatre de 250 kg ou deux de 500 kg), elles étaient accrochées sous l'aile interne, à quatre supports de bombes éjectables. Le remplacement de la soute à bombes avant par un réservoir d'essence permettait de porter l'autonomie de 1 000 km à I 700 km. La vitesse maximale était de 450 km/h à 6 500 m et en croisière, de 400 km/h à 5 000 m. Le bombardement en piqué était effectué sous un angle de 60°. Mis à part la phase délicate du décollage, les qualités de vol étaient remarquables et, au dire des pilotes, dignes de celles d'un chasseur.

A la suite d'une incroyable erreur de navigation, ce Junkers Ju-88.G-1 de chasse de nuit se posa à Woodbridge (Suffolk) deux mois après la mise en service de cette version dans la Luftwaffe ! Ce hasard permit à la RAF d'évaluer les possibilités de l'appareil et des radars Lichtenstein SN-2 et Flensburg.

Le Ju-88 dans la guerre à l'Ouest

Ce sont les appareils de présérie qui, les premiers, furent engagés en opérations, et ce, dès le mois de septembre. L'Erprobungskommando 88, où ils avaient été versés, avait été transformé au cours de l'été en une unité opérationnelle, le 1/KG-30, qui, basé dans l'île de Sylt, sur la côte de la mer du Nord, fut chargé de surveiller et d'attaquer la flotte britannique. La première action eut lieu le 26 septembre, avec une attaque manquée contre le porte-avions Ark Royal (que les services du Dr Goebbels déclarèrent coulé). Elle fut suivie le 16 octobre par un autre raid contre la flotte britannique au mouillage dans le Firth of Forth, raid dirigé par le Hauptmann Pohl. Mais, cette fois, les Spitfire étaient en alerte : ils réussirent à abattre deux des neuf appareils qui avaient pris part à la mission (dont celui de Pohl) et à en endommager plusieurs autres; quelques navires de guerre furent légèrement atteints.

Fin 1939, 69 appareils de la série A-1 avaient été livrés à la Luftwaffe, ce qui avait permis de constituer un deuxième Gruppe au sein du KG-30. Au cours des mois suivants, le nouveau bombardier équipa plusieurs Kampfgeschwader, mais seuls le KG-30 et l'Aufklârungsgruppe (F)122 furent engagés contre les navires britanniques et français pendant la campagne de Norvège. Le principal affrontement eut lieu le 9 avril 1940, quand 47 Ju-88, ayant décollé de l'aérodrome d'Aalborg (Danemark), bombardèrent la flotte franco-britannique en liaison avec les He-111du KG-26.

Le 10 mai 1940, lorsque la Wehrmacht attaqua les Pays-Bas, la Belgique et la France, les Ju-88 ne représentaient qu'un très faible pourcentage des 1 120 bombardiers (essentiellement des He-111 et des Do-17.Z) faisant partie des forces d'invasion. Participèrent à ces opérations les appareils du KG-30, ainsi que quelques Gruppen du LG-1, du KG-51 et du KG-4. Basés en Belgique, les Ju-88 du KG-30 furent engagés contre les armées franco-britanniques lors de l'évacuation de Dunkerque, aidés des appareils du LG-1, stationnés dans le sud de l'Allemagne, tandis que ceux du KG-51 intervenaient dans l'est de la France. Les Junkers participèrent également aux bombardements de la région parisienne (3 juin 1940), de Cherbourg et des ponts de la Loire. Plusieurs furent abattus par la chasse et la DCA au cours de ces opérations.

Tandis que les unités de la Luftwaffe se regroupaient sur les aérodromes français en vue de la bataille d'Angleterre, de nouvelles versions étaient sorties ou se préparaient à sortir des usines Junkers.

A la série A-1, assez restreinte (60 appareils), succéda la version A-2, qui fut mise en ligne à partir de l'été 1940 dans certains Geschwader. Il s'agissait, en fait, d'un A-1 équipé de fusées d'accélération, fixées sous les ailes, qui lui permettaient de décoller avec le maximum de bombes à partir de pistes très courtes. Le A-3 était un modèle d'entraînement, à double commande et sans armement. Mais la première version à être construite en grande série fut le A-5, qui arriva en unité au cours de l'été 1940, à temps pour participer à la bataille d'Angleterre. Il fut livré avant le A-4, dont les moteurs Jumo 211.J n'étaient pas disponibles.

Le A-5, lui, équipé de Jumo 211.G de 1 200 ch, présentait une envergure de 20 m (contre 18,30 m pour le A-1) et possédait un train d'atterrissage renforcé. Ces modifications avaient permis d'accroître la charge de bombes, qui était passée à 3 t, dont 2,5 t sous les ailes. Enfin, l'armement défensif comportait deux mitrailleuses jumelées MG-81.Z à l'arrière du cockpit, ainsi que deux mitrailleuses dans les parois latérales.

La version D-2, destinée à la reconnaissance, était munie de plusieurs caméras montées verticalement dans le fuselage, et sa soute avant était remplacée par un réservoir de carburant.

C'est à partir de l'attaque de la Grande-Bretagne que le Ju-88 commença à équiper en quantité les Geschwader de la Luftwaffe. Quelque 400 appareils de ce type, dont la moitié disponibles, se répartissaient entre la Luftflotte 2, stationnée en Belgique et dans le nord de la France, la Luftflotte 3, dans le nord-ouest de la France, et la Luftflotte 5, basée au Danemark et en Norvège (cette dernière ne joua à cette époque qu'un rôle secondaire). Le Ju-88 équipait entièrement le KG-30, basé en Norvège, puis en Belgique, le LG-1 et le KG-51 (région parisienne), deux Gruppen du KG-54 (Évreux), un Gruppe du KG-76 (Creil) et du KG-4 (Pays-Bas), puis, à partir de septembre, plusieurs Gruppen du KG-77. Disposaient également de Ju-88 le KGr.806 (Nantes) et les Aufklârungsgruppen (F)122 (Pays-Bas) et 123 (Belgique et région parisienne).

un Ju-88.D du Fernaufklàrungsgruppe 122 • de reconnaissance photographique à long rayon d'action en Russie cours de l'hiver 1942-1943.

Engagé dès le début des opérations, le « bombardier miracle » connut l'un de ses plus grands succès le 12 août 1940. A cette date, une centaine d'appareils du KG-51, ayant décollé d'Orly, de Villacoublay et d'Étampes, attaquèrent Portsmouth. Malgré le feu nourri de la défense antiaérienne, ils atteignirent plusieurs objectifs dans la zone portuaire et bombardèrent ensuite les installations radar de Ventnor (île de Wight), qui furent gravement endommagées. Mais, au retour, les Junkers furent pris en chasse par les pitfire des Squadrons 151 et 609, qui abattirent neuf d'entre eux, en particulier celui du Kommodore, l'Oberst Fisser.

Trois jours plus tard, la Luftwaffe lançait contre plusieurs terrains du nord-est de la Grande-Bretagne une cinquantaine de Ju-88 du KG-30, basé à Aarland (Danemark). Une dizaine de bombardiers Whitley furent détruits au sol pour la perte de sept appareils allemands.

En septembre, l'une des unités les plus durement touchées fut le KG-77, dont sept des trente appareils qu'il avait engagés le 18 dans un raid sur Londres furent abattus. Le 27, 55 Ju-88 des Gruppen I et II, pris à partie par 120 chasseurs britanniques, regagnèrent la France ayant perdu douze des leurs.

En effet, ses performances et sa maniabilité ne mettaient pas le « bombardier miracle » à l'abri des attaques de la chasse adverse, et qui pis est, de nombreuses pertes furent enregistrées à l'atterrissage et au décollage.

Les Ju-88 participèrent largement au « Blitz », équipant de plus en plus de Geschwader, notamment le KG-I et le KG-76. Furent utilisés des A-1 et surtout des A-5, ainsi que quelques A-2 et des D-2 de reconnaissance. La Luftwaffe mit également en action quelques exemplaires du A-6, version modifiée du A-5 destinée à voler en avant des formations afin de couper les câbles des ballons de barrage britanniques. Un immense arceau métallique à bord tranchant, réunissant le nez de l'avion aux extrémités de ses ailes, était censé venir à bout des câbles les plus résistants. Mais le poids et l'encombrement de cet équipement réduisaient considérablement les performances de l'avion, le rendant très vulnérable, et le procédé fut rapidement abandonné.

D'autres Ju-88 furent employés, bien plus largement cette fois, au largage de mines dans les estuaires de la Tamise et des autres grands fleuves du sud et de l'est de la Grande-Bretagne. Le III/KG-30 s'était spécialisé dans ces opérations délicates, qui devaient être effectuées de nuit à basse altitude; les avions emportaient sous les ailes des mines LMA ou LMB de 500 kg et de 1 t, dont la descente était freinée par un grand parachute.

Tandis que se poursuivaient les bombardements de nuit (les Ju-88 participèrent, entre autres, au raid meurtrier sur Coventry), un nouveau théâtre d'opérations s'ouvrit en janvier 1941 : celui de la Méditerranée. Une partie des Ju-88 stationnés à l'Ouest fut alors envoyée dans ce secteur, avec pour objectifs les convois de ravitaillement se dirigeant vers l'île de Malte. Avec les autres formations du Fliegerkorps X, les Ju-88 du LG-1 atterrirent dès les premiers jours de janvier sur les bases de Sicile, d'où ils lancèrent, en coopération avec les Ju-87 du StG-2, une première attaque contre un convoi britannique. Le porte-avions Illustrious, touché par plusieurs bombes, dut se réfugier dans le port de La Valette, où il fut de nouveau attaqué par les bombardiers, qui s'en prirent au cours des semaines suivantes aux aérodromes maltais.

En avril 1941, trois Geschwader de Ju-88 participèrent à l'invasion des Balkans : le LG-1, transféré de Sicile en Bulgarie, et le KG-51, venant de France, qui furent chargés de la « mise au pas » de la Yougoslavie, puis de l'attaque de divers objectifs militaires en Grèce; le III/KG-30, qui lança un certain nombre de raids contre les ports d'évacuation des troupes britanniques en Grèce, notamment Le Pirée. Le LG-1 intervint peu après, lors de la bataille de Crète, au départ du terrain d'Éleusis; attaquant la flotte britannique en liaison avec les Ju-87 et les Do-17.Z, le Gruppe I endommagea deux croiseurs, le Naiad et le Carlisle, et en coula un troisième, le Gloucester. Le 31 mai, le LG-I enregistrait un nouveau succès avec la destruction du croiseur Calcutta.

Le Ju-88.A-4 et ses dérivés

C'est pendant cette période que la Luftwaffe commença à transférer ses unités de bombardiers, de chasseurs et d'avions de reconnaissance vers l'est de l'Europe en vue de l'opération « Barbarossa ».

Les unités de Ju-88 commençaient alors à recevoir un nouveau modèle, le A-4; de loin le plus construit, celui-ci donna naissance à une nombreuse famille. L'insuffisance de l'armement défensif et du blindage, mise en évidence lors des affrontements avec la RAF, avait conduit le bureau d'études de Dessau à envisager une nouvelle version, mieux armée et mieux protégée, équipée de moteurs plus puissants, des Jumo 211.J. Des retards dans les délais de livraison de ces propulseurs amenèrent à concevoir une version intermédiaire, le A-5.

Dérivé du Ju-88.A, le Ju-188 se différenciait de son prédécesseur par ses moteurs BMW-801.D de 1 700 ch, par sa cabine, entièrement vitrée et sans décrochement, enfin par sa plus grande envergure. Les premières versions du type E arrivèrent en unité en octobre 1943, au 1/KG-6.

Bien que ressemblant extérieurement au A-5, le A-4 en différait cependant par de nombreux points. Les MG-15 de 7,92 mm étaient remplacées par des MG-81 à cadence de tir plus élevée. Une arme supplémentaire était montée dans le nez de l'appareil, une autre dans la gondole inférieure. Le cockpit, dont la partie arrière avait été gonflée latéralement pour donner plus de débattement aux tireurs, était muni de deux énormes hublots blindés servant de support aux mitrailleuses.

Le blindage de la gondole inférieure était très renforcé. Plusieurs modèles furent essayés, dont le dernier, le Bola 81.Z, comportait un vitrage beaucoup plus réduit et un lourd blindage formé de plaques d'acier de 5 mm. Un blindage analogue fut monté sur les dossiers des sièges de l'équipage. Toutes ces améliorations contribuèrent à accroître le poids de l'appareil, dont les performances s'en ressentirent malgré la puissance accrue (1 340 ch) des Jumo 211.J. Avec la charge offensive maximale (3 t), la masse totale au décollage s'élevait à près de 14 t, et la vitesse maximale, à 13 t, ne dépassait pas 467 km/h à 5 800 m.

Du Ju-88.A-5 et surtout A-4 furent extrapolées de nombreuses versions ne différant souvent les unes des autres que par de simples équipements. Parmi les principales, citons :

—   le A-6, un A-5 modifié pour la lutte contre les ballons de barrage et transformé par la suite en avion d'attaque maritime avec radar de navigation FuG-200, sous le nom de A-6/U;

—   le A-7, un appareil d'entraînement à double commande;

—   le A-8, doté d'un système anticâbles amélioré, constitué de lames tranchantes montées autour du nez vitré et le long des ailes : le « Kuto-Nase »;

—   les versions tropicalisées A-9, A-10 (dérivées respectivement du A-1 et du A-5) et A-II (dérivée du A-4);

le A-12, un A-4 d'entraînement délesté de son armement, de sa gondole et des freins de piqué;

—   le A-13, version d'assaut à basse altitude, sans freins de piqué et avec un blindage très renforcé;

le A-14, un dérivé du A-4, doté d'un blindage renforcé, du « K uto-Nase » et, pour certains exemplaires, d'un canon MG-FF de 20 mm tirant en chasse, installé à l'avant de la gondole (il fut l'un des plus construits);

—   le A-15, modifié par l'adjonction d'une grande soute à bombes créant un renflement sous le fuselage et dont la charge offensive était supérieure à 3 t (la gondole était supprimée, et les trois hommes d'équipage ne disposaient que de deux mitrailleuses de 7,92 mm);

—   le A-16, version d'entraînement du A-14, sans gondole ni armement ;

—   le A-17, version torpilleur des A-4 (quelques A-4 avaient été transformés à cette fin en 1942 [A-4/LT], puis une petite série fut produite directement en usine comme torpilleur sous la désignation A-17). Il pouvait emporter deux torpilles LT-F5b de 800 kg, suspendues sous l'aile centrale; son équipage se limitait à trois hommes, et certains exemplaires ne possédaient pas de gondole.

Le Ju-88.B

Le Ju-88.B, qui ne dépassa pas le stade de la présérie, était, en fait, dérivé du 85.B, à cockpit entièrement vitré. Ce projet, jugé par trop ambitieux par le RLM en 1936, fut repris en 1939 avec quelques améliorations, dont la principale résidait dans l'adoption de nouveaux moteurs Jumo 213 (devant développer 1 500 ch) pour les versions bombardier triplace et Zerstörer biplace.

Mais, comparées à celles du Ju-88.A-1, ses performances ne parurent pas suffisantes pour justifier la création d'une nouvelle chaîne. Un développement limité fut cependant autorisé pour un modèle quadriplace muni de moteurs BMW-139, alors disponibles. Le prototype construit en 1940 et équipé de BMW801.M-4 dérivés des précédents et développant 1 600 ch au décollage était similaire au A-1, dont il se distinguait par son cockpit, emprunté au Ju-85.B, et par des lance-bombes supplémentaires montés sous l'aile extrême.

Suivit une présérie de dix Ju-88.B-0, de dimensions légèrement supérieures et armés de trois paires de mitrailleuses MG-81, tirant l'une vers l'avant, à travers le nez vitré, les deux autres vers l'arrière, au-dessus et en dessous du fuselage. La plupart de ces appareils furent utilisés par l'Aufklàrungsgruppe spécial de l'OKL pour des missions exceptionnelles, entre autres le survol clandestin de l'U.R.S.S. avant le déclenchement de l'opération « Barbarossa ».

En opérations sur le front de l'Est

Dès le mois de mai 1941, la plupart des Ju-88 stationnés à l'Ouest commençèrent à être regroupés à proximité de la frontière soviétique. Les KG-51, 76 et 77 au complet, les KG-54, 1 et 3, représentés par deux Gruppen, le KGr.806 et quelques Staffeln du KG-30 furent ainsi répartis entre les quatre Luftflotten qui se préparaient à l'assaut. Les Ju-88, qui avaient remplacé progressivement les He-111 et surtout les Do-17.Z, représentaient alors la majeure partie des 523 bombardiers (dont 430 en état de vol) engagés dans l'opération.

Dans le secteur Nord, aux KG-1, 76 et 77, stationnés en Prusse-Orientale, furent affectés des objectifs situés dans les pays baltes et en direction de Leningrad. Au cours de l'hiver, ils furent rejoints par le II/KG-30, qui, jusque-là, opérait à partir de la Finlande.

Sur le front central, c'est le KG-3 qui fut lancé en direction de Moscou. Dans le secteur Sud furent engagés les KG-51 et 54, qui décollaient de bases situées dans le sud de la Pologne.

Lors des premières attaques lancées contre les aérodromes soviétiques, les Ju-88 employèrent largement les bombes SD.2, dont l'existence avait été jusqu'alors tenue secrète. Il s'agissait de petites bombes de 2 kg montées en conteneurs spéciaux dans le fuselage des appareils qui pouvaient en emporter jusqu'à 360. Explosant soit à l'impact, soit avec retard au moindre contact, les SD.2 causèrent d'énormes dégâts aux avions soviétiques parqués sur les terrains, et qui furent détruits par centaines. Mais, par suite de leur très grande instabilité, elles entraînèrent également la perte de nombreux Ju-88 et d'autres types d'avions allemands. Ces bombes furent rapidement retirées des opérations.

Prototype de définition de série, le Junkers Ju-188.E-1 (Werk.Nr.10.001) reçut, à sa sortie d'usine, deux moteurs BMW-801.ML, qui furent rapidement remplacés en cours d'essais par des 801-D (ci-dessous). A l'origine, il était prévu de doter cette version de Jumo 213.A, mais ceux-ci ne purent être livrés en temps voulu

Les Ju-88 lancèrent aussi quelques attaques contre des centres industriels et des noeuds ferroviaires, mais les conditions de combat et l'immensité du front conduisirent l'OKL à les utiliser de plus en plus pour l'appui direct des troupes, rôle qui ne correspondait pas précisément à leur vocation originelle. En outre, du fait du manque de rechanges, des appareils peu endommagés durent être abandonnés sur les terrains, qui étaient généralement peu praticables.

Au cours de l'année 1942, les Ju-88 continuèrent à appuyer les mouvements de la Wehrmacht, en particulier ceux des KG-51 et 54, qui opéraient en Crimée et qui jouèrent un rôle capital dans la prise de Sébastopol. Les Ju-88 opérant dans les divers secteurs du front russe furent progressivement équipés de blindages de plus en plus lourds et de puissantes armes fixes tirant vers l'avant. Ce fut le cas des A-13, qui emportaient seize mitrailleuses, réparties en deux pods fixés aux lance-bombes, et des Zerstôrer C-6, spécialement affectés à l'attaque des convois ferroviaires. Peu à peu transférés en Méditerranée, les Ju-88 furent remplacés par des appareils mieux adaptés, comme le Hs-129 et le Ju-87.G. Après 1942 et la bataille de Stalingrad, les seules unités importantes de Ju-88 combattant encore sur le front de l'Est étaient le KG-1 et le KG-3.

Les opérations aéronavales en Méditerranée et à l'Ouest

C'est au cours de l'hiver 1941-1942 qu'une grande partie des unités de Ju-88 furent retirées du front de l'Est pour participer aux attaques massives contre Malte et les convois ravitaillant l'île, qui constituait une menace pour l'Afrikakorps de Rommel. Furent ainsi déplacés le I/KG-54, les II et III/KG-77; ils furent rejoints par les Küstenfliegergruppen 606 et 806 arrivant de France, toutes ces unités venant renforcer le LG-1, le seul KG à n'avoir pas quitté la région, où il avait effectué des missions telles que l'attaque de convois maritimes et le bombardement d'objectifs stratégiques (en juin 1942, il assura également l'appui tactique de troupes de l'Afrikakorps à Bir Hakeim et à Tobrouk).

Le Ju-88 fut le type de bombardier le plus utilisé dans la bataille de Malte, dont l'intensité alla croissant tout au long de l'année. Les attaques contre les convois culminèrent en août 1942 avec les raids lancés plusieurs jours durant sur le convoi « Pedestal », dont neuf des quatorze cargos furent coulés avec l'aide de l'aviation italienne et des sous-marins.

En septembre de cette même année, les Ju-88 occupaient une place prépondérante dans l'ordre de bataille de la Luftwaffe, qui en alignait 980 exemplaires contre 458 He-111 seulement, près d'un tiers d'entre eux opérant en Méditerranée.

Le bimoteur Junkers fut également très utilisé sur le front de l'Ouest pour les opérations maritimes. En 1941, plusieurs Küstenfliegergruppen (unités côtières de la Kriegsmarine) échangèrent leurs hydravions Do-18 et He-115 contre des He-111 et des Do-17.Z, puis des Ju-88.A-5 et A-4. Ainsi les KGr.506, 606, 806 et 906, basés en Bretagne, remplirent des missions de bombardement des ports britanniques, mais aussi et surtout d'attaque de navires en Manche et dans l'Atlantique. A partir de 1942, un Gruppe de Ju-88.C-6 Zerstôrer se vit affecté au KG-40, placé sous l'autorité du Fliegerführer Atlantik et chargé de patrouiller dans le golfe de Gascogne. Il en sera question plus loin.

Dans l'Atlantique Nord, les convois à destination de l'U.R.S.S. firent l'objet, à partir de 1942, d'attaques systématiques menées par les Ju-88 (quatre-vingt-dix appareils) du KG-30, basés à Banak et à Bardufoss, dans le nord de la Norvège et opérant en liaison avec les He-111 torpilleurs du KG-26.

Embourbé sur un terrain de campagne, un Ju-88.A-5 chargé de deux bombes de 1 000 kg est remorqué par un tracteur. Le modèle A-5 n'avaitpas encore l'arrière du poste de pilotage galbé et blindé déjà adopté sur le A-4.  L'accès à la gondole inférieure ici en position ouverte était largement vitré et non protégé par un blindage.

Ce type d'opérations fut inauguré en avril avec les raids sur le convoi PQ- 1 6, qui se poursuivirent sans relâche pendant cinq jours et cinq nuits à la faveur du soleil de minuit, les mauvaises conditions météorologiques seules arrêtant les bombardiers. Ceux-ci attaquaient en piqué, tandis que les He-111 lançaient leurs torpilles au ras des vagues et que les Ju-87 attendaient les survivants aux approches de Mourmansk. Malgré l'importance des moyens mis en oeuvre, seuls cinq bateaux furent coulés.

Fin juin, c'est le PQ-17 un convoi de trente-quatre navires bourrés de matériels militaires qui reçut la « visite » des Ju-88 et des He-111, après avoir été repéré par les Fw-200 Condor du KG-40. Cette fois, les attaques des Ju-88 (les trois Gruppen étaient engagés dans la bataille) furent nettement plus dévastatrices, d'autant que le convoi avait été abandonné par son escorte : les navires furent pris à partie l'un après l'autre et, à l'exception de onze cargos qui parvinrent à rallier Arkhangelsk, tous furent envoyés par le fond.

En septembre, le PQ-18 subissait à son tour les assauts de la Luftwaffe. Entre-temps, le III/KG-26 avait reçu vingt-quatre Ju-88.A-4/LT, qui venaient s'ajouter aux trente-quatre He-111 du I/KG-26, aux cent treize Ju-88.A-4 du KG-30 et aux hydravions He-115, ce qui représentait une force considérable. Mais l'issue du combat fut différente, du fait de la présence d'un porte-avions d'escorte et de ses chasseurs Wildcat, qui infligèrent de lourdes pertes aux avions torpilleurs. Attaquant à vingt de front au ras de l'eau, ceux-ci durent en outre affronter le feu roulant des batteries de la défense antiaérienne et de celles des navires d'escorte. Par ailleurs, le plafond bas empêcha toute synchronisation des attaques en piqué et à la torpille. Au total, la plus grande partie des navires détruits le furent du fait des avions torpilleurs et non des bombardiers en piqué.

Il s'agit là de la dernière grande attaque de convoi réalisée dans l'Atlantique par les Ju-88 torpilleurs et bombardiers en piqué, qui furent, peu après, affectés en Méditerranée.

Les chasseurs de nuit Zerstörer Ju-88.0 et G

Depuis le début de la guerre, la version Ju-88.C, qui devait jouer un rôle capital dans la défense du Reich, opérait sur différents fronts. Elle était issue du prototype V7, modifié en Zerstôrer par l'installation d'un important armement fixe à l'avant : deux canons MG-51 de 20 mm et une mitrailleuse double MG-81.Z tirant à travers la verrière, dont certains éléments avaient été renforcés par du métal léger. L'équipag était non plus de trois, mais de quatre hommes. Un présérie d'une dizaine d'appareils (C-0) fut réalisée partir de A-1 de début de série), dont certains furen évalués en opérations lors de la campagne de Pologne

Le premier modèle de série (Ju-88.C-1), devait êtr équipé de BMW-801.M, mais ces moteurs étan réservés aux chasseurs Fw-190, une version C-2 fu réalisée par modification en usine d'une petite séri de bombardiers A-1. La seule différence avec le V résidait dans le fait que la verrière avant était remplacé par un nez métallique renforcé par une plaque blindé protégeant l'équipage; la soute à bombes avant, qu contenait dix bombes de 50 kg, était conservée. Se moteurs Jumo 211.B lui assuraient des performance proches de celles du A-1. La vitesse maximale di 500 km/h était sensiblement celle du Bf-110, mai: son rayon d'action était trois fois plus important.

Les premiers C-2 furent livrés en 1940 au KG-30 dont ils formèrent la Zerstôrerstaffel, et furent utilisés après la campagne de Norvège pour des patrouille! et des attaques de navires ou l'escorte de bombar diers A-1 durant la bataille d'Angleterre. Pendant même période fut constituée une unité de chasse de nuit destinée à intercepter les bombardiers de la RAF, qui avaient commencé à attaquer le territoire du Reich en mai 1940.

Cette unité, le II/NJG-1, reçut les Ju-88.C-2 du KG-30, puis, rebaptisée I/NJG-2 en septembre 1940, fut transférée sur la base de Gilze Rijen (Pays-Bas).

Le nombre des C-2 ne fut pas très important : seuls soixante-deux exemplaires en furent livrés en 1940 (sur un total de 2 180 Ju-88, toutes versions confondues) et à peu près autant en 1941.

Mais, le 12 octobre, le Führer décida de transférer le I/NJG-2 en Méditerranée pour renforcer les unités opérant sur ce théâtre. A partir des bases de Sicile, ses Ju-88 assurèrent donc l'escorte des bombardiers au-dessus de Malte ou la protection des convois germano italiens ravitaillant l'Afrikakorps. D'autres, décollant des terrains de Cyrénaïque, attaquaient les aérodromes ou les concentrations de troupes britanniques.

Deux autres versions devant être dotées de BMW-801 ne furent pas construites en série : le C-3 (BMW-801.MA), dont les performances étaient supérieures à celles du C-2; le C-5, proposé en 1942 avec des BMW-801.D-2 de 1 700 ch, et qui ne fut construit qu'à dix exemplaires.Le Ju-88.C-4 (cent exemplaires) fut remplacé sur les chaînes de montage par un modèle légèrement modifié, le C-6. Doté, comme le C-4, de moteurs Jumo 211.J et d'un blindage renforcé pour l'équipage, ce dernier fut d'abord produit, en 1942, en version    Zerstörer.

Emblèmes d'escadre du Lerhgeschwader 1 (en haut) et du Gruppe III (ci-dessus) de la même unité.

Les premiers  C-6 arrivèrent en unité en avril au I/NJG-2 pour participer aux combats de      Cyrénaïque, puis équipèrent le II/NJG-2, basé en Sicile. Cette version C-6 (dont 257 exemplaires furent construits en 1942) fut également livrée à des Kampf geschwader, dont elle équipa un ou plusieurs Gruppen affectés à des missions de chasse de jour ou d'appui auau sol. Ce fut le cas de la Staffel 13 duKG-40, qui constitua l'amorce du Gruppe V,constitué en 1943. A partir de la fin 1942, les C-6 duKG-40 basés à Lorient,et surtout à Mérignac, furent utilisés pour renforcer l'escorte des U-Boote dans le golfe de Gascogne. Ils attaquèrent également les chasseurs britanniques transitant par le sud-ouest de la France pour rejoindre l'île de Malte. (photo ECP

Un nouveau modèle, le Ju-88.C-4 avait été mis en  service en 1941. Dérivé du bombardier A-4, il en héritait l'envergure allongée et le cockpit renflé, avec les deux hublots blindés servant de supports aux mitrailleuses arrière. L'armement fixe était renforcé par deux canons MG-FF/M installés dans la gondole et inclinés de 5° vers le bas. Les supports de bombes pouvaient recevoir soit des bombes, soit des Waffen-behâlter, conteneurs équipés chacun de six mitrailleuses inclinées de 15° vers le bas, ce qui donnait à l'avion une puissance de feu considérable pour l'attaque au sol.

Le V/KG-40 atteignit son effectif maximal en juin 1943 avec une cinquantaine de C-6, répartis entre ses cinq Staffeln.

Redésigné I/ZG-1 en octobre, il continua d'opérer en France avec soixante-dix appareils, avant d'être renvoyé en Allemagne après le débarquement de Normandie pour se reconvertir sur Fw-I90.

Les C-6 combattirent également sur le front de l'Est, où les KG-3, 76, 27 et 55, par exemple, l'utilisèrent pour l'attaque en semi-piqué ou en rase-mottes des voies de communication.

Enfin, sur le front de l'Ouest, ils remplacèrent, à partir de la fin de 1942, les Bf-110 des unités de chasse de nuit.

Désignés C-6b (pour les différencier de la version Zerstôrer, elle-même redésignée C-6a), ces appareils furent équipés du nouveau radar de bord Lichtenstein C-1.FuG-212, opérant sur 490 mégacycles et d'une portée de 5 km au maximum à 200 m au minimum.

en haut :emblèmes du Stab et des Gruppen I, Il et III du KG-3 « Blitz ». En bas : insigne de la Flugzeugführerschule (B) 18.

Ce radar avait été essayé en 1941 sur quelques Ju-88, Do-17.Z et Bf-1 IO du NJG-1 sous sa version de présérie FuG-202. Ses antennes, placées dans le nez de l'appareil, déplurent aux pilotes venant de la chasse de jour, mais ils finirent par s'y habituer, d'autant que si elles diminuaient la vitesse de l'appareil (40 km/h environ), elles n'affectaient en rien sa maniabilité. Le radar FuG-212 équipa jusqu'à la fin de 1943 la plupart des Ju-88 chasseurs de nuit.

Ces derniers opéraient, avec les Bf-110, dans le cadre d'un système de défense très structuré élaboré par le General Josef Kammhuber (chef de la chasse de nuit depuis 1940) et couvrant les approches de l'Allemagne en un vaste cercle s'étendant de la côte danoise à la frontière suisse en passant par les Pays-Bas, la Belgique et l'est de la France : la « ceinture Kammhuber », redoutée des équipages de la RAF.

Le système de détection, ou système Himmelbelt, était basé sur deux radars terrestres : le Freya, qui localisait l'ennemi à grande distance, et le Würzburg, plus précis, qui permettait de suivre l'objectif sur les écrans. Ces informations étaient transmises aux chasseurs, qui achevaient l'interception avec leur Lichtenstein de bord. Ce système, qui combinait l'action de la chasse et celle, très efficace, des projecteurs et de la Flak, s'avéra redoutable; mais sa rigidité posa de sérieux problèmes, lorsque commencèrent les bombardements massifs de la RAF en 1943.

Sur les 385 Ju-88 de toutes versions sortis des usines Junkers en 1942, on comptait 257 Ju-88.C-6, mais du fait des nombreux accidents survenus en opérations ou à l'entraînement, en raison de difficultés au décollage, et surtout à l'atterrissage de nuit, seuls soixante-cinq d'entre eux étaient effectivement en service, et il fallut attendre près d'un an pour pouvoir disposer d'une nouvelle version, présentant de meilleures caractéristiques dans ces phases de vol.

Sur le plan de l'armement, une amélioration importante intervint en 1943, avec le montage sur les C-6b de la « Schrâge Musik » (Musique en biais), à savoir deux canons MG-151 de 20 mm, placés sur le dos du fuselage et inclinés vers le haut à 70-80°, permettant au pilote de se rapprocher en montée du bombardier ennemi, puis, en réduisant les gaz, de se placer au-dessous de lui, à la même vitesse, et de décharger ses armes sur ses parties les plus sensibles sans s'exposer au tir de son mitrailleur arrière. Ce système d'une redoutable efficacité causa de véritables ravages parmi les quadrimoteurs de la RAF pendant de longs mois. C'est ainsi que, le 17 août 1943, lors de l'attaque de Peenemünde, un équipage du II/NJG-5 abattit six bombardiers en une demi-heure.

Au cours de cette même année 1943, entra en service une nouvelle version de chasse de nuit, le .1u-88.R. Identique par sa cellule et ses équipements au C-6b, le R-1 en différait essentiellement par ses moteurs BMW-801.MA, alors disponibles, tandis que le R-2 recevait des BMW-801.D. Un de ces appareils, capturé intact par les Britanniques après avoir atterri dans des conditions encore mal définies sur le terrain de Dyce, près d'Aberdeen, permit aux équipes d'essai du Royal Aircraft Establishment de vérifier les excellentes qualités de vol du chasseur Junkers, mais surtout d'examiner le radar FuG-212, lequel leur parut plus précis et accrochant mieux l'objectif que le radar anglais AI Mk-IV. La longueur d'onde du FuG-212 étant connue, la parade consista pour la RAF à larguer, lors de l'attaque des villes allemandes, des millions de « windows », bandelettes de papier métallisé qui multipliaient les échos sur les écrans des radars. La défaillance du système Himmelbelt fut particulièrement mise en évidence à l'occasion des terribles raids de juillet 1943 sur Hambourg.

De nouveaux procédés furent alors mis au point. Aux chasseurs guidés par radar Ju-88 et Bf-110 s'ajoutèrent des chasseurs monomoteurs Fw-190 et Bf-109 équipés d'un système de détection simplifié. Ces appareils, décollant à l'approche des bombardiers, montaient à une altitude plus élevée que ces derniers afin de les voir se profiler sur les villes en flammes ou volontairement éclairées.

Ce procédé, baptisé « Wilde Sau » (Truie sauvage), fut mis au point par le Major Hajo Herrmann, ancien as sur Ju-88.A au III/KG-30. Parallèlement, les Ju-88.0 étaient, engagés, avec les Bf-110, dans les opérations « Zahme Sau » (Truie domestique), qui étaient, en fait, un retour aux techniques « intruders » de 1941. Ce type de missions, qui se développa largement pendant les dernières années de la guerre et qui avait été conçu par l'Oberst von Lossberg, convenait particulièrement au Ju-88, auquel son autonomie (sept heures de vol) évitait de se poser aussi souvent que le Bf-110 pour se ravitailler.

L'efficacité du bimoteur Junkers fut encore accrue par la mise en service, à la fin de 1943, d'un nouveau radar de bord, le Lichtenstein SN-2.FuG-220, qui fut monté sur le Ju-88.C-6c. Étudié en 1942, ce nouveau radar avait une fréquence de 90 mégacycles, qui lui évitait d'être brouillé par les « windows », et sa portée s'étendait de 400 m à 6 km. On lui adjoignit par la suite un radar de proximité FuG-202, pour les portées inférieures à 200 m, et deux autres équipements de détection complémentaires :

le Flensburg, dont les antennes étaient placées dans les ailes et dont la fréquence correspondait à celle des détecteurs Monica installés dans la queue des bombardiers britanniques; le Naxos, branché sur la fréquence des radars H2S dont étaient équipés les bombardiers « pathfinders » de la RAF. Grâce à ces équipements radar ultra-modernes combinés à des méthodes de combat améliorées, les chasseurs Ju-88 connurent une nouvelle période de succès, infligeant de très lourdes pertes à la RAF, surtout lorsqu'ils étaient pilotés par des as de la Nachtjagd, comme le prince zu Sayn-Wittgenstein qui, sur Ju-88.C-6, obtint six victoires homologuées dans la seule nuit du 1 er au 2 janvier 1944.

Junkers JU-188.E-1

Caractéristiques

envergure : 22 m

longueur : 14,95 m

hauteur : 4,44 m

surface alaire : 56 m2

masse à vide : 9 855 kg

masse à pleine charge : 15 510 kg

Performances

vitesse maximale : 500 km/h à 6 000 m

vitesse de croisière : 375 km/h à 5 000 m

montée à 6 000 m en 17 mn 36 s

plafond pratique : 9 300 m

autonomie normale : 1 950 km

Moteurs

2 BMW-801.D-2 de 1 700 ch

Armement

1 canon MG-151 de 20 mm

2 mitrailleuses MG-131 de 13 mm

1 mitrailleuse MG-81 de 7,92 mm

charge offensive maximale : 3 000

Le C-7 (proche du C-6), produit vers la fin de 1943, ne fut pas très prolifique. Les sous-versions C-7a et C-7b, respectivement Zerstôrer et chasseur de jour, pouvaient emporter 1,3 t de bombes. Outre les armes montées dans le nez, leur armement comportait deux canons placés sous le fuselage, dans un carénage remplaçant la gondole avant. Le C-7c chasseur de nuit ne fut construit qu'à un très petit nombre d'exemplaires, priorité ayant été donnée au Ju-88.G, qui devait être l'une des versions les plus réussies.

Développé à partir des Ju-88.C-5 et R-2, le prototype Ju-88.G-Vl, qui vola en 1943, possédait un armement particulièrement puissant (six canons fixés dans le nez) et était équipé de moteurs BMW-801.D de 1 700 ch.

Par la suite, il subit d'importantes modifications à la demande des pilotes de C-6 : augmentation de la surface de l'empennage par montage de la dérive du Ju-188, de forme plus carrée, ce qui améliorait sensiblement les caractéristiques de décollage et d'atterrissage, et montage de tout l'armement fixe dans un carénage plaqué sous le fuselage, comme sur le C-7c, ce qui laissait davantage de place au radar dans le nez tout en évitant à l'équipage d'être ébloui au départ des salves.

l'emblème de la Flugzeuglührerschule (C) 14.

JUNKERS Ju-88.A

Caractéristiques

envergure : 20 m

longueur : 14,40 m

hauteur : 4,85 m

surface alaire : 54,50 m2

masse à vide : 9 860 kg

masse en charge : 12 100 kg

masse maximale : 14 000 kg

Performances

vitesse maximale : 470 km/h à 5 300 m

vitesse de croisière : 370 km/h à 5 300 m

plafond pratique : 8 200 m

autonomie normale : 1 800 km

Moteurs

2 Junkers Jumo 211.J-1 de 1 340 ch

Armement

1 mitrailleuse MG-81 en gondole ventrale

2 mitrailleuses MG-81 en défense arrière

1 mitrailleuse MG-131 frontale

charge offensive maximale : 1 800 kg

Après une présérie de Ju-88.G-0, les G-1 de série entrèrent en service au cours du printemps 1944, et se révélèrent de remarquables intercepteurs lors des grandes batailles aériennes qui se déroulèrent au-dessus de l'Allemagne en 1944 et 1945. Ils étaient employés de conserve avec les C-6, qui combattirent eux-mêmes jusqu'à la fin des hostilités (les deux modèles équipèrent, à un certain moment, plus de la moitié de l'effectif de la chasse de nuit allemande). En 1944, tandis que la production de Ju-88 bombardiers était arrêtée, celle des chasseurs augmentait considérablement pour atteindre 2 500 machines, des 88.G pour l'essentiel. En 1944 et 1945, diverses améliorations furent apportées à cette série de chasseurs.

C'est ainsi que le G-4 reçut un radar d'alerte, placé dans la queue et fut doté de la « Schräge Musik ». Mais le modè le plus construit fut le G-6, dont la sous-version G-( la plus puissante, était propulsée par des Jumo 213 à refroidissement par liquide de 1 750 ch. Outre SN-2, couramment utilisé, plusieurs autres modèles radars furent montés. Certains appareils reçurent FuG-218 Neptun, à plus haute fréquence, et les dernier appareils sortis d'usine furent équipés du FuG-2 Berlin, radar centimétrique utilisant une antenne réflecteur parabolique montée sous un radôme en bo

En 1945, lorsque s'arrêtèrent les chaînes de Ju-88. 355 appareils avaient été produits pendant I premiers mois de l'année, un ultime modèle était en production, le G-7, dont une dizaine d'exemplair seulement furent expérimentés dans les centres d'essa Propulsés par des Jumo 213.E-1 de 1 880 ch,ils différaient extérieurement des G-6 par leur aile plus longue à extrémité pointue, « à la Ju-188 », et leur équipement radio et radar encore plus évolué. 

Le G-7b possédait un FuG-218 Neptun V, dont l'antenne, moins encombrante, pouvait être logée dans un radôme conique en bois. Quant au G-7c, il recevait la dernière version du Berlin, le N-1, ou encore le Naxos 8. Mais les qualités remarquables de ces appareils ils furent dépassés seulement par le Heinkel 219, conçu dès l'origine comme chasseur de nuit ne furent pas suffisantes pour arrêter les terribles bombardements de la RAF. Une fois de plus, les experts britanniques avaient réussi à percer les secrets des radars de la Luftwaffe en capturant un Ju-88.G-1 en excellent état, en juillet 1944 (l'appareil, qui appartenait au NJG-2, s'était posé sur un terrain anglais à la suite d'une erreur de navigation).

Après le débarquement et l'avance des Alliés en France, puis en Allemagne, les conditions de combat devinrent de plus en plus difficiles pour les unités de la chasse de nuit, dont de nombreux Ju-88 furent détruits sur les terrains écrasés sous des tapis de bombes, tandis que les radars étaient à nouveau brouillés par les Alliés. Quelques tentatives de reprise des missions « intruders » furent effectuées au-dessus des terrains de la RAF au cours des derniers mois de la guerre. Mais les raids se faisant de plus en plus rares, faute d'essence, les Ju-88.C-6 et G furent employés pour l'attaque de nuit des convois alliés montant vers le front. Effectuées en rase-mottes par des équipages d'élite, parfois venus des unités de bombardement, elles eurent des conséquences dévastatrices pour les forces alliées, en raison de l'effet de surprise, mais ne purent modifier le cours des événements.

Les bombardiers Ju-88.A et S de 1943 à la fin de la guerre

Les appareils des Geschwader disponibles en Méditerranée avaient dû faire face au débarquement allié d'Afrique du Nord, début novembre 1942. La Luftwaffe dut, en outre, faire appel à des unités très éloignées de ce secteur, comme le KG-30, basé en Norvège, et qui dut traverser toute l'Europe pour combattre à partir de la Sicile et attaquer les ports algériens. Les Ju-88 des KG-76, 77 et 54, par exemple, effectuèrent de nombreuses missions contre les convois de ravitaillement anglo-américains et contre les aérodromes situés en bordure des côtes algériennes et tunisiennes; ils subirent de très lourdes pertes, dues au nombre et aux performances élevées des chasseurs américains, dont certaines unités étaient pilotées par des Français (groupe « La Fayette »).

Les Ju-88 déployèrent également une grande activité pendant la campagne de Tunisie, utilisés non seulement pour l'attaque, mais aussi pour le ravitaillement en essence de l'Afrikakorps et même pour son évacuation (sept hommes par appareil), en raison du manque d'avions de transport. Après le débarquement des Alliés en Italie, la participation des Ju-88 aux missions de bombardement ou de torpillage fut très importante.

Furent engagés dans ces opérations six Geschwader de combat (LG-1, KG-1, KG-30, KG-54, 76 et 77) ainsi que le KG-26 avec ses Ju-88/LT torpilleurs. Quand leurs terrains de Sardaigne furent rendus inutilisables par les bombardements, ces derniers se replièrent dans le sud de la France, de même que les unités de Ju-88 stationnées en Italie du Nord. Plusieurs de ces unités participèrent aux raids contre les flottes de débarquement à Anzio et à Salerne. Le KG-6, constitué fin 1942, servit d'éclaireur au KG-100 (équipé de Dornier 217.K), lors d'attaques lancées contre la flotte britannique à l'aide de bombes planantes.

Après le débarquement de Normandie, les unités disponibles furent transférées vers les aérodromes de l'Ouest et de la région parisienne pour participer à l'attaque de la flotte alliée. Ce fut le cas pour certains Gruppen du LG-1, des KG-6, 30, 54, 76 et 77. En fait, devant la colossale puissance de feu des Alliés, les Ju-88 ne purent pratiquement pas intervenir de jour, et c'est donc presque uniquement de nuit qu'ils larguèrent des mines magnétiques au large des plages du débarquement. Quelques missions de torpillage furent également effectuées par le KG-26, alors entièrement équipé de Ju-88/LT, d'abord en baie de Seine, puis, à partir du 15 août, au large des côtes françaises de Méditerranée pour tenter de s'opposer au débarquement de Provence.

Vers la fin de 1943, certaines unités, comme le KG-6 et le LG-1, avaient commencé à réceptionner les premiers exemplaires du Ju-88.S, la version la plus récente du bombardier Junkers, dont l'étude avait débuté dès la fin de 1942. Elle répondait à la nécessité de faire face aux performances sans cesse améliorées des bombardiers britanniques et américains. Le bureau d'études de Dessau décida de redessiner la partie avant de l'avion et de revenir à une silhouette proche de celle du prototype de 1936 afin de gagner en aérodynamisme, quitte à sacrifier la défense.

La verrière à facettes fut donc abandonnée au profit d'une pointe vitrée bien galbée, et les supports de bombes, générateurs de traînée, furent supprimés. Des moteurs BMW-801.D de 1 700 ch furent montés sur le prototype un A-4 modifié en Ju-88.S-V1, dont les performances (vitesse maximale de 530 km/h) parurent encore insuffisantes au RLM. Le bureau d'études réduisit donc le poids de structure de façon substantielle. L'armement avait déjà été allégé sur les appareils de présérie (S-0), qui n'avaient plus qu'une mitrailleuse MG-131 de 13 mm pour la défense supérieure arrière.

Mais, sur la série S-I, qui démarra fin 1943, les changements furent encore plus radicaux : la baignoire inférieure avait disparu (d'où suppression d'un homme d'équipage) et le blindage était réduit au minimum, tandis que la soute à bombes arrière se trouvait remplacée par un réservoir de carburant. Par ailleurs, l'adoption du BMW-80 1 .G-2, équipé d'un système de surpuissance G M-1, à injection d'acide nitrique, permit de développer des puissances de 1 730 ch à 1 500 m et de 1 430 ch à 7 300 m, et d'obtenir des pointes de vitesse de 610 km/h pendant 45 minutes. Mais la très forte consommation du système obligea à consacrer la totalité des soutes aux réservoirs de carburant, si bien que les bombes furent de nouveau placées sous l'aile interne.

Dérivé du S-1, le S-2 était équipé de BMW-801.TJ de 1 800 ch avec turbocompresseur fonctionnant sur les échappements, dont la consommation élevée obligea les ingénieurs de Junkers à « gonfler » la partie inférieure du fuselage pour y loger le carburant nécessaire. L'augmentation de traînée était cependant assez faible et les performances,  sensiblement égales à celles du S-1. Le S-3, sorti en 1944, était équipé de Jumo 213 développant 1 776 ch et pouvant être poussés à 2 125 ch avec GM-1 et même 2 300 ch avec injection d'eau-méthanol, ce qui lui donnait des vitesses maximales de 615 km/h.

Mais la production des bombardiers ayant été arrêtée au cours de l'été 1944, il ne fut produit qu'à un petit nombre d'exemplaires. Ces différentes versions furent également modifiées pour la reconnaissance. C'est ainsi que le S-1 et le S-3 donnèrent naissance respectivement au T-1 et au T-3. Ce dernier présentait des performances remarquables à haute altitude, puisqu'il volait à près de 660 km/h à 8 250 m.

Ces dernières versions, très optimisées, sortirent trop tard pour être utilisées en grand nombre, et ce sont surtout les S-1 qui furent mis en service en 19441945, équipant plusieurs Geschwader comme le KG-6, le LG-1 et le KG-30, ainsi que le KG-66 « pathfinder ». Au début de 1944, le KG-6 et le KG-66 participèrent avec le KG-54, équipé de A-4 aux derniers grands bombardements de Londres (le « Petit Blitz »), le KG-66 étant affecté à des missions de recherche d'objectifs pour les autres unités.

Ce Ju-88.R conservé en Grande-Bretagne fut contraint à l'atterrissage à Dyce (Aberdeenshire) le 9 mai 1943. Évalué au centre d'essais de Farnborough, l'avion se révéla particulièrement maniable et performant, mais l'équipage, travaillant en salle commune, était handicapé par le manque de confort et de visibilité.

A partir de l'été 1944, un certain nombre de KG équipés de Ju-88 furent reconvertis sur des bombardiers plus modernes (Arado 234 pour le KG-76) ou plus puissants (He-177 pour le KG-l); d'autres passèrent sur chasseurs Bf-109, Fw-190 ou Me-262. Les dernières unités équipées de Ju-88 furent repliées sur des bases belges avant de regagner l'Allemagne, où les appareils du LG-1 furent engagés dans des attaques désespérées contre les ponts de l'Oder, par où s'engouffraient les troupes soviétiques. Quelques Ju-88.S du KG-66 servirent, au cours 'des mêmes attaques, à guider les Staffeln de Mistel du KG-200, sans plus de résultats, d'ailleurs.

Versions à fuselage allongé et chasseurs de chars

On a vu que plusieurs versions du Ju-88 bombardier avaient été adaptées dès le début de la guerre pour la reconnaissance photographique. Après que les premiers appareils eurent été modifiés par « rattrapage » sur les terrains de campagne, le développement des opérations de reconnaissance amena le constructeur à produire des versions spécialement conçues pour ce canon de 20 mm, mais non du radar de navigation FuG-200 Hohentwiel, réservé au H-1. Ces deux modèles furent, semble-t-il, utilisés en 1943 pour des missions maritimes, sous l'autorité du Fliegerführer Atlantik, à partir des aérodromes bretons.

Le bureau d'études envisagea ensuite d'accroître leur vitesse en fixant sous leurs ailes une paire de réacteurs BMW-003, qui leur aurait permis de voler à 715 km/h à 9 000 m, mais au détriment du rayon d'action. Junkers opta donc pour une vitesse moins élevée, ce qui aboutit à un appareil au fuselage démesuré, un nouveau tronçon ayant été rajouté en avant de l'aile. Les moteurs devaient être des Jumo 213.A-12 de 1 770 ch (2 240 ch avec un système d'injection d'eau-méthanol), mais les versions H-3 et H-4 qui devaient résulter de ces modifications furent transformées en usine pour être utilisées comme Mistel.

Destinés à un usage similaire, les Ju-88.G-I0 étaient des chasseurs G-6 à fuselage allongé (moins toutefois que les H). Un certain nombre d'entre eux semblent avoir terminé leur carrière sur le front de l'Est, lors des attaques contre les ponts de l'Oder.

C'est d'une idée tout à fait différente qu'était parti le bureau d'études de Junkers pour développer le genre de missions. Les appareils étaient débarrassés de leurs freins de piqué, leurs soutes à bombes étaient démontées et remplacées par des réservoirs de carburant. Deux ou trois caméras automatiques étaient installées verticalement dans le fuselage, les plus courantes étant les Rb 50/30, utilisables jusqu'à 8 500 m d'altitude. Les premières versions mises en service furent les D-2, dérivés des Ju-88.A-5, qui pouvaient recevoir, en plus de leurs réservoirs de fuselage, deux réservoirs supplémentaires sous voilure. Puis vint le D-1, extrapolé du A-4, et qui fut le plus utilisé jusqu'à la sortie du T, dérivé du Ju-88.S.

En 1942, sur la demande de l'OKL, Junkers étudia une version à très grand rayon d'action avec un fuselage très allongé pour lui permettre d'emporter une plus grande quantité de carburant. Cet appareil associait les ailes et les moteurs (BMW-801) du Ju-88.G-1 à un fuselage du D-1, auquel on avait ajouté des tronçons en avant et en arrière de l'aile, ce qui portait sa longueur totale à 17,25 m.

La suppression de la gondole inférieure lui permettait de recevoir trois réservoirs d'une contenance totale de 6 400 litres, auxquels pouvaient s'ajouter deux réservoirs largables de 900 litres chacun. Le rayon d'action s'élevait ainsi à 2 000 km et l'autonomie à 4 000 km. Ce modèle, désigné Ju-88.H-1, fut construit à dix exemplaires. Son armement défensif consistait en deux mitrailleuses mobiles placées l'une près du pilote, l'autre dans le poste arrière, et deux mitrailleuses jumelées WT-81.Z, montées dans une nacelle plaquée en arrière du cockpit.

Quant à la version H-2 Zerstörer (produite à dix unités), elle était équipée d'une batterie de six Ju-88.P; il s'agissait, en effet, de réaliser un appareil d'attaque au sol destiné à détruire les chars soviétiques à blindage épais KV-1, KV-2 et T-34. Après l'essai d'un Nebelwerfer, sorte de canon à barillet tirant des obus sans recul, il fut décidé à titre d'essai de monter sur un Ju-88 un canon antichars de 75 mm. Le choix se porta sur un appareil du type A-4, et le canon fut installé dans une énorme « baignoire » plaquée sous le fuselage et dont la partie arrière était aménagée en poste de tir pour une mitrailleuse double MG-81.

Le canon, dont le tube était légèrement incliné vers le bas, était équipé d'un frein de bouche permettant l'éjection latérale des gaz. L'appareil était muni de très importants blindages. Après les essais du prototype, quelques appareils de série furent construits. Désignés Ju-88.P-I, ils différaient du V1 par leur nez non vitré et muni d'une plaque de blindage, leur canon PaK-40 (largable en cas de besoin) et aussi par leur aile, sur laquelle on avait, par souci de sécurité, supprimé les réservoirs.

Quelques-uns d'entre eux furent engagés en 1943 sur le front de l'Est, dans la PanzerjâgerStaffe' 92, rattachée au KG-1; mais ces essais en opérations ne furent pas très convaincants, l'appareil étant handicapé par son canon, lourd, encombrant, peu fiable et à cadence de tir très faible.

S'y ajoutait le poids des blindages montés sur toute la partie inférieure de l'appareil, qui réduisaient ses performances (390 km/h maximum) et le rendaient très vulnérable à la chasse adverse.

Quelques Ju-88.A-4 furent transformés en Ju-88.P-2, dont le carénage ventral recevait deux canons antichars de 37 mm.

les emblèmes du Stab et des Gruppen I, Il et III du KG-30 » Adler ».

Avant d'être envoyés sur le front de l'Est, certains de ces appareils furent expérimentés comme chasseurs lourds et participèrent à des missions d'interception de jour contre les Flying Fortress de l'US Air Force, de même que certaines unités de la Nachtjagd équipées de Ju-88.C-6 (ceux-ci durent être retirés de ces missions en 1944 lorsque apparurent les chasseurs d'escorte Mustang).

Les essais s'étant révélés peu concluants, le P-2 fut rendu à sa destination première, l'attaque des chars. Si le P-3 présentait peu de différences avec le P-2 (il était encore mieux protégé par ses blindages), le P-4, lui, possédait un canon d'un calibre plus important, un PaK-45 de 50 mm, également monté sous le fuselage. Trente-deux appareils de ce type furent construits et mis en service fin 1944, mais ils ne furent guère appréciés de leurs pilotes du fait de leurs performances insuffisantes et du défaut de radar.

Lorsque cessa la production du Ju-88, peu avant la fin des hostilités, 15 000 exemplaires en avaient été construits. Les bombardiers, qui, en 1941, représentaient encore la quasi-totalité de la production, furent progressivement remplacés sur les chaînes par les chasseurs et les versions de reconnaissance, pour disparaître définitivement à l'automne 1944.

Dès 1943, plusieurs pays alliés du Reich avaient reçu des Ju-88 pour renforcer leur potentiel et coopérer avec les unités de la Luftwaffe, principalement sur le front de l'Est. Ainsi, l'llmavoïmat hérita de vingt-deux Ju-88.A-4, qui furent affectés au P/LeLv 44 et utilisés de mai 1943 à l'été 1944 pour appuyer les troupes finlandaises dans l'isthme de Carélie. Après l'armistice avec l'U.R.S.S., ils se retournèrent contre les troupes allemandes. De même, l'aviation roumaine équipa trois escadrilles du 5e groupe de bombardement avec des Ju-88, qui opérèrent en 1943-1944 dans la région de Zaporojie contre les troupes soviétiques, avant de se retourner également contre le Reich (août 1944).

Un groupe de reconnaissance roumain fut, à la même époque, équipé de Ju-88.D-2. La Hongrie dota aussi de Junkers un groupe de bombardement et une escadrille de reconnaissance opérant sur le front de l'Est. De son côté, la Regia Aeronautica reçut une cinquantaine de A-4, qui furent versés au 51e Gruppo Bombardamento Terrestre, et quelques D-2 qui équipèrent le 9e Stormo de reconnaissance. Dans l'immédiat après-guerre, l'armée de l'air française utilisa quelques A-4 qui avaient franchi les Pyrénées au moment de la libération du sud de la France.

L'extraordinaire programme « Mistel »

C'est en 1944 que fut mise en oeuvre une arme révolutionnaire, le Mistel, dont l'un des éléments essentiels était constitué par un Ju-88. L'idée en revenait à la société DFS, qui, pour augmenter le rayon d'action des Bf-109, les faisait transporter jusqu'à leurs objectifs par des Ju-88. Ce projet, inspiré d'un procédé essayé avant la guerre par la société britannique Short, fut repris vers 1943, à l'initiative de Junkers, semble-t-il, pour l'attaque d'objectifs stratégiques. Dans ce cas, le Ju-88 servait non seulement d'avion porteur, mais, transformé en bombe géante, était lancé en piqué contre l'objectif par le pilote du chasseur.

Les deux appareils étaient arrimés grâce à deux mâts tripodes fixés à l'avant, sur le dos du fuselage du Junkers, et sur lesquels prenaient appui les ailes du chasseur tandis qu'à l'arrière, un mât léger télescopique soutenait la queue du Bf-109. Le pilote de ce dernier pouvait diriger les deux appareils, dont les commandes étaient couplées, et un système de canalisations et de pompes permettait au chasseur d'être alimenté en essence par les réservoirs du Ju-88 pendant le vol vers l'objectif. Pour les missions d'attaque, toute la partie avant du Junkers était démontée et remplacée par un énorme cône contenant une charge explosive à haute puissance d'un poids de 3,5 t. Pour le décollage, le pilote avait à sa disposition les deux moteurs du Ju-88 et le moteur du Bf-109, qu'il coupait ensuite.

Arrivé à environ 5 km de l'objectif, après un vol effectué à basse altitude afin d'éviter d'être détecté par les radars, le pilote du Mistel remontait à environ 800 m, puis il remettait en marche le moteur de son Bf-109, coupait ses liaisons carburant avec le Ju-88 et commençait sa descente en piqué à 15 %, droit sur l'objectif. Arrivé à 1 500 m de celui-ci, il faisait fonctionner les boulons explosifs reliant le Bf-109 au bâti du Ju-88 et se séparait de ce dernier par une vigoureuse ressource, laissant le Junkers poursuivre sa trajectoire mortelle jusqu'à l'impact. Lui-même tentait de regagner le terrain d'atterrissage le plus proche en utilisant ses réservoirs pratiquement pleins et même les réservoirs supplémentaires dont il pouvait être équipé.

en 1943, la Luftwaffe expérimenta en opérations sur le front russe le Ju-88.P-3 d'attaque au sol, doté d'un blindage renforcé et équipé de deux canons antichars BK-3.7 de 37 mm. Cet armement se montra encore insuffisant contre les chars lourds soviétiques.

Les premières opérations de Mistel A (Bf.109 Ju-88.A-4) eurent lieu peu après le débarquement de Normandie. Une quinzaine d'appareils étaient alors disponibles. A cette époque, une opération spectaculaire avait été envisagée contre les navires de ligne ou les porte-avions de la Home Fleet dans leurs bases de Scapa Flow ou de Gibraltar, ainsi que contre la flotte soviétique à Leningrad. Les avions devant décoller de Grove (Danemark), c'est finalement Scapa Flow qui fut choisi comme objectif.

Le débarquement de Normandie obligea l'OKL à modifier ses plans et à utiliser ses Mistel contre la flotte alliée La première unité à recevoir ce matériel révolutionnaire fut le 2/KG-101, dirigé par le Hauptmann Horst Rudat, qui, depuis la base de Saint-Dizier, effectua plusieurs missions contre des navires alliés en baie de Seine, et ensuite contre les principaux ponts utilisés par les troupes alliées aux Pays-Bas. Puis le plan d'attaque de Scapa Flow revint à l'ordre du jour, et les Mistel furent envoyés à Grove, où ils commençèrent à attendre une météo favorable. Mais le temps resta mauvais pendant tout l'automne, et, le 11 novembre 1944, les cuirassés de Sa Majesté quittèrent Scapa Flow après la destruction du Tirpitz. L'opération des Mistel fut donc décommandée.

Une autre opération de grande envergure fut ensuite envisagée contre les usines soviétiques de la région de Moscou et de Gorki avec une flotte d'une cinquantaine de Mistel. Mais ce projet ne put, lui non plus, être réalisé du fait de l'avance des troupes soviétiques et des difficultés de disposer d'une piste de décollage susceptible de recevoir les lourds appareils qu'étaient les Mistel.

Dans les premiers mois de 1945, le déferlement des blindés russes conduisit l'état-major à utiliser les Mistel dans des attaques vaines contre les ponts de l'Oder utilisés par les Soviétiques.

Cette ultime mission fut confiée au KG-200 (formé à partir du 1V/KG-101), sous le commandement de l'Oberstleutnant Baumbach, dont les Mistel une centaine étaient du type 2 (Ju-88.G-1 Fw-190.A-6).

L'avantage de cet accouplement résidait dans le fait que ses deux éléments étaient équipés du moteur BMW-801 et consommaient le même type de carburant.

Tandis que se déroulaient ces combats désespérés, l'OKL prit la décision de développer de nouvelles versions de Mistel, et ce, à partir de Ju-88 à fuselage allongé.

Le G-10, qui était un chasseur G-7 modifié, servit d'élément inférieur au Mistel 3, le chasseur étant un Fw-190.A-8, puis le Ju-88.H-4 à très long fuselage fut accouplé à son tour à un Fw-190 pour donner le Mistel 3.B, à très long rayon d'action, qui aurait pu frapper les usines de l'Oural.

En haut : l'insigne du Küstenfliegergruppe 606, qui devint par la suite le KG-606. Ci-dessus : celui de la Wettererkundungsstaffel 5.

Le nombre des Mistel produits pour la Luftwaffe n'est pas connu de façon précise, mais on l'évalue à environ 250 (en tous cas, les Alliés en retrouvèrent une cinquantaine sur les terrains de Prusse-Orientale).

Les Ju-88 français de 1944 à 1954

A partir de 1941, un certain nombre d'usines françaises avaient été affectées à la remise en état des Ju-88 de la Luftwaffe : établissements de Clichy et d'Argenteuil de la SNCASE et usine Breguet de Biarritz, puis, à partir de 1943, ateliers de la SNCASE tex-Dewoitine) de Toulouse.

Après la libération de cette ville, en août 1944, un certain nombre d'appareils endommagés par les bombardements purent être reconstruits dans l'usine de Saint-Martin-du-Touch, à l'aide de divers équipements et moteurs récupérés sur les terrains du Sud-Ouest. Le premier appareil fut réceptionné le 16 septembre 1944 par le colonel Dor et l'ingénieur Rapoport, puis les livraisons se poursuivirent à raison de deux appareils par mois jusqu'en mai 1945 pour former une unité FFI dénommée groupe « Dor », qui, en décembre 1944, fut intégrée à l'armée de l'Air sous la désignation de groupe 1/31 « Aunis ».

A partir de mars 1945, aux seize appareils de Toulouse vinrent s'ajouter les six premiers exemplaires remis en état par les Ateliers aéronautiques de Boulogne (AAB) et les usines de Clichy et d'Argenteuil. Le groupe « Dor » fut engagé en opérations dès le 16 octobre 1944, attaquant les positions allemandes de la pointe de Grave et de Royan, d'abord à partir de Toulouse, puis de Cazaux. Il poursuivit son activité jusqu'à la fin des hostilités, participant à la grande attaque lancée par l'US Air Force contre Royan, en liaison avec les forces françaises. Les opérations consistaient en des attaques par petits groupes de trois à dix appareils, les bombardements étant effectués « à l'américaine », c'est-à-dire à l'horizontale, avec largage simultané des bombes (des projectiles allemands récupérés) par tous les avions.

Au cours de cette campagne, le 1/31 subit d'assez lourdes pertes dues à des accidents liés en général aux difficultés de décollage du Ju-88, à des problèmes de moteurs et au manque d'entraînement des pilotes, dont certains n'étaient pas montés dans un avion depuis plusieurs années. Six appareils furent ainsi détruits, deux autres furent abattus en opérations par la Flak.

La production des Ju-88 se poursuivit aux usines de la SNCASE, à la cadence de trois appareils par mois, jusqu'en 1947, date à laquelle plus de quatre-vingts appareils avaient été réparés : des Ju-88 essentiellement, mais aussi une douzaine de Zerstôrer C-6, quelques A-6 et au moins un chasseur R-1. Un certain nombre d'appareils récupérés en Allemagne ou sur des terrains belges furent également remis en état, notamment plusieurs Nachtjâger Ju-88.G-6, qui furent livrés à l'arsenal de l'Aéronautique. Enfin, cinq Ju-188 récupérés furent remis à la Marine nationale.

La seule unité opérationnelle de l'armée de l'Air à utiliser des Ju-88.A-4 et C-6 fut le 1/81, qui, en 1946, se trouvait stationné en Tunisie, et au sein duquel les Junkers effectuèrent un certain nombre d'opérations de police. Ils furent rapatriés quelques mois plus tard et affectés au CEAM de Mont-de-Marsan, où ils servirent de bancs d'essai pour des armements divers (canons, roquettes...). La base de Cazaux hérita également de Ju-88, qui furent utilisés pour des essais de tir jusqu'au début des années cinquante. La Marine en reçut une dizaine, qui furent presque tous versés dans la flottille 10 S pour les essais de lancement des plus récentes torpilles allemandes récupérées. Le CEV, enfin, qui posséda le plus grand nombre de Ju-88, prit en compte en 1946 une dizaine d'appareils, auxquels s'ajoutèrent par la suite les bimoteurs Junkers qui avaient terminé leur carrière à Cazaux, à Mont-de-Marsan et dans l'Aéronavale.

Baptisé « Mistel », le curieux composite Bf-109.F/Ju-88.A servit en opérations au sein du 2/KG-101 en Normandie, en juin 1944, et contre les ponts de l'Oder, l'année suivante. La cabine de pilotage de l'ex-bombardier avait fait place à une charge explosive creuse de 3,5 t.

Utilisés pour entraîner les pilotes et pour tester de nouveaux équipements produits après la guerre par l'industrie aéronautique française, ils servirent également d'avions de liaison ou d'accompagnement pour les vols de prototypes. Certains furent d'ailleurs mis à la disposition des constructeurs. Tel fut le cas des G-6 de l'Arsenal, qui furent mis à contribution pour les premiers essais du moteur Arsenal dérivé du Jumo 213 ainsi que des statoréacteurs, dont les modèles suivants furent montés sur Gloster « Meteor ». Ce furent les derniers Ju-88 à voler dans le monde; leur carrière s'acheva en 1954, faute de pièces de rechange.

L'élégant et puissant Ju-188

Descendant direct du Ju-88, mais arrivé trop tard, le Ju- 188 ne fut produit qu'en série limitée; mais ses performances n'étaient pas en cause, tant s'en faut.

Depuis longtemps, on l'a vu, Junkers avait étudié une version « optimisée » du Ju-88 classique, qui avait abouti à la seule présérie de Ju-88.B. Bien que le RLM eût jugé cette version inutile dans la perspective du futur Bombardier B, nettement plus performant, Junkers n'en avait pas moins poursuivi le développement de l'appareil.

Un premier prototype (Ju-88.E-0) fut construit, dont l'armement, amélioré, comportait une tourelle tirant au-dessus du cockpit et équipée d'une mitrailleuse MG-131 de 13 mm. En 1941, un autre prototype, le V27, inaugura une nouvelle aile plus longue de 2 m et aux extrémités pointues, qui allait devenir caractéristique de la nouvelle version. En 1942, le V44 reçut un nouvel empennage de forme carrée et d'une surface nettement supérieure à celui du Ju-88, qui améliora nettement les caractéristiques de décollage (il fut adopté par la suite sur le chasseur Ju-88.G-1).

En 1943, quand il apparut que le programme du Bombardier B était un échec, le RLM se résolut à lancer d'urgence la production en série de la nouvelle version du Ju-88. Le V44 devint le prototype de ce nouveau modèle, redésigné Ju-188.

Deux séries furent aussitôt lancées parallèlement, équipées soit du moteur BMW-801, soit du Jumo 213, et susceptibles d'être fabriquées sur la même chaîne, selon la disponibilité en propulseurs. Une présérie d'une dizaine de Ju-188.E-0 fut réalisée et livrée à partir de février 1943. Suivirent rapidement les premiers appareils de série, des Ju-188.E-1, équipés de BMW-801.ML de 1600 ch, qui furent, plus tard, remplacés par des BMW-801.D de 1 700 ch.

Une douzaine de ces appareils furent remis vers le milieu de 1943 à l'Erprobungskommando 188, qui devint en août 1943 le I/KG-66; spécialisé dans la recherche d'objectifs, ce dernier opéra à partir de Chartres lors des bombardements de la Grande-Bretagne pendant l'hiver 1943-1944. La première unité opérationnelle à recevoir des appareils de ce type fut le I/KG-6, précédemment équipé de Ju-88.S et stationné à Brétigny et à Melun-Villaroche pendant l'été 1944. Le Ju-188.E-1, qui fut l'un des plus élégants des bimoteurs de la Seconde Guerre mondiale, présentait une envergure de 22 m et un poids de 15,5 t à pleine charge. Sa vitesse maximale s'élevait à 500 km/h à 6 000 m et sa charge de bombes était au maximum de 3 t. En mission d'éclaireur, il emportait deux bombes de 500 kg et dix-huit marqueurs de cibles de 50 kg.

Une version E-2 fut également produite, susceptible d'emporter deux torpilles LT-F5b de 765 kg et doté du radar FuG-200 Hohentwiel. Le Ju-188.F-1 de reconnaissance équipa le 3(F)/121 opérant sur le front de l'Est en 1944. D'autres groupes de reconnaissance reçurent également des Ju-188.F-2, équipés de moteurs BMW-801.G.

La seconde chaîne de Ju-188  les A-2, dont les propulseurs étaient des Jumo 213.A-1 de 188 770 ch ne commença à fonctionner qu'en février 1944. A la différence des précédents, ces appareils n'étaient pas équipés de freins de piqué et procédaient à des bombardements à l'horizontale (comme d'ailleurs tous les Ju-88 à la même époque). Les moteurs Jumo 213 pouvaient être pourvus d'un système d'injection eau-méthanol, qui leur permettait de développer 2 200 ch au décollage et d'obtenir des pointes de vitesse en cas de nécessité.

Le rayon d'action pouvait atteindre 2 400 km avec 1,5 t de bombes et le plafond était au maximum de 9 500 m. L'armement comprenait deux canons de 20 mm (un en tourelle, l'autre dans le nez vitré), une mitrailleuse de 13 mm MG-131 à l'arrière du cockpit et une MG-81 jumelée sous le fuselage. Une version de torpillage A-3 fut livrée au KG-26, qui, à la fin de la guerre, l'utilisa au large de la Norvège contre les navires de commerce alliés, avec un succès limité.

Une tentative de renforcer la défense arrière aboutit à la réalisation du Ju-188.C, resté expérimental. L'arrière de cet appareil avait été grossi afin d'abriter dans sa pointe extrême une tourelle télécommandée armée de deux MG-131, disposées l'une au-dessus de l'autre. Cet armement avait l'inconvénient d'être complexe et peu fiable, et sa mise en oeuvre posa de sérieux problèmes de centrage liés à son poids. Le Ju-188 G, équipé de BMW-801, reçut également une tourelle de queue, mais celle-ci était « habitée » par un mitrailleur, dans un ensemble présentant une certaine analogie avec les tourelles de queue des Flying Fortress. Mais les résultats ne furent pas plus heureux, et, cette fois encore, le modèle fut abandonné.

Au lendemain de la guerre, l'armée de l'Air hérita d'environ quatre-vingts Ju-88 de différents modèles principalement des A-4, qui furent remis en état de vol par les usines SNCASE de la région parisienne. Ces appareils, entièrement peints en vert foncé, servirent surtout à des essais d'armement, de moteurs et d'équipements au CEAM de Mont-de-Marsan et au CEV de Brétigny. Une escadrille utilisa quelques exemplaires en opérations en Tunisie.

Au début de 1944, les usines de Bernburg sortirent le Ju-188.D de reconnaissance, dérivé du modèle A et doté de moteurs Jumo 213. Chargé de son maximum de carburant, cet appareil, qui avait un équipage réduit à trois hommes et un armement allégé, atteignait un poids de 15,2 t, et sa vitesse maximale dépassait 540 km/h à 6 100 m. Plusieurs unités de reconnaissance à grande distance en furent dotées. Une version de chasse de nuit, désignée Ju-188.R-0, fut développée au début de 1944 et fit l'objet de quelques prototypes.

Mais, malgré son armement particulièrement puissant quatre canons de 20 ou même 30 mm dans la pointe avant, elle ne se montra pas supérieure au remarquable Ju-88.G et ne fut pas retenue par le RLM (trois exemplaires seulement furent réalisés). Les modèles les plus évolués du Ju-188 furent cependant ceux qui étaient destinés aux missions à très haute altitude, avec cabine pressurisée, et sur lesquels tout armement défensif avait été supprimé au profit de la vitesse.

Ces versions, très proches les unes des autres, étaient destinées aux missions intruders rapides (Ju-188.S) et à la reconnaissance (Ju-188.T). Propulsés par des Jumo 213.E-I avec turbocompresseur et accélérateur à injection GM-I , ces appareils possédaient une cabine vitrée redessinée; plus basse et mieux profilée que celle des 188 classiques, dépourvue de gondole inférieure, elle abritait un équipage de trois hommes. Dans ces conditions, les performances atteignaient des chiffres remarquables avec une vitesse de pointe (avec GM-1) de l'ordre de 700 km/h. Cette cabine étanche était revêtue d'un Plexiglas à double épaisseur et sa partie arrière, fortement blindée. En fait, les quelques appareils réalisés ne reçurent pas le système de pressurisation, mais furent modifiés en avions antichars, avec un canon de 50 mm monté dans une gondole carénée sous la partie centrale du fuselage.

A la fin de 1944, lorsque s'arrêta la production du Ju-188, quelque 1 070 exemplaires en avaient été construits (pour moitié destinés à la reconnaissance).

Le dernier de la lignée des Junkers 88 : le Ju-388, arrivé trop tard

En septembre 1943, le RLM envisagea de produire, à la suite des Ju- I88.S et T à fuselage redessiné, plusieurs versions destinées à la chasse de nuit, au bombardement et à la reconnaissance. Surnommé « Hubertus », ce programme revêtait une telle importance pour la Luftwaffe que la production de la version bombardier se poursuivit en 1944, contrairement à celle des autres appareils de cette classe. Les Ju-388.J, K et L devaient être dotés de cabines pressurisées, de moteurs BMW-801.TJ développant 1 800 ch au décollage et comportant un turbocompresseur (qui leur permettait de donner leur rendement maximal à des altitudes de l'ordre de 10 000 m) et de la tourelle télécommandée de queue avec ses MG-131 (du fait de problèmes de mise au point, rares furent les avions à en être équipés). Il était prévu de produire de 300 à 400 machines par mois pour le chasseur.

Dix exemplaires de présérie du bombardier Ju-388.K avaient été livrés à l'été 1944, et seuls cinq appareils de série se trouvaient prêts à la fin de la guerre. Uniquement défendu par sa tourelle arrière, le Ju-388.K possédait une soute à bombes débordant largement sous le ventre du fuselage et pouvant contenir soit deux bombes lourdes Hermann de 1 t, soit la plus grosse bombe de la Luftwaffe (1,8 t) surnommée « Satan ».

A la Libération, seize Ju-88 furent remis en état ou reconstruits par l'établissement de Toulouse de la SNCASE. Dès l'automne 1944, montés par des équipages FFI (groupe Dor »), ces appareils furent engagés contre les défenses allemandes de la poche de Royan, avec des bombes récupérées sur les stocks de la Luftwaffe

La version de reconnaissance Ju-388.L fit l'objet d'une présérie de dix appareils (en fait, des cellules de Ju- 1 88 modifiées) livrés au cours de l'été 1944. En octobre, apparurent les premiers Ju-388.L-1 de série, équipés pour la première fois depuis les prototypes du Ju-88 d'hélices quadripales, d'un radar d'alerte Neptun installé dans la queue et de caméras disposées verticalement dans la soute. En outre, l'appareil possédait une mitrailleuse MG-131 à l'arrière du cockpit, ce qui obligea à aménager la cabine pour un cinquième homme. Une quarantaine d'appareils de ce type avaient été construits lorsque les chaînes s'arrêtèrent en 1944 sous la pression des événements. Ils furent utilisées pour des missions spéciales dans les derniers mois de la guerre par le Versuchsverband ObD.L.

La version de chasse (Ju-388.J « Stôrtebeker »), bien que prioritaire, ne put être produite qu'à quelques exemplaires. Équipé d'un radar FuG-220, cet appareil devait être armé de deux canons MG-I51 de 20 mm et de deux canons MG-103 de 30 mm dans un carénage ventral; la « Schràge Musik » devait s'ajouter aux armes de la tourelle arrière. Pouvant atteindre des vitesses de l'ordre de 600 km/h à près de 12 000 m, il aurait été un redoutable adversaire pour les Mosquito de la RAF, que les Ju-88.G étaient hors d'état d'intercepter.

 


Constructeurs   Junkers88

Fan d'avions © 16 Mai, 2001